Texte de Philippe Delerm, analyse de l'image (sujet inédit)

Énoncé

Texte
« On entre dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies – des cageots renversés. On n'y pensait pas. On n'avait aucune envie de se laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante(1). Comment avait-on pu se passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ?
Les fruits ratatinés doivent être délicieux, de cette fausse sécheresse où la saveur confite semble s'être insinuée dans chaque ride. Mais on n'a pas envie de les manger. Surtout ne pas transformer en goût identifiable ce pouvoir flottant de l'odeur. Dire que ça sent bon, que ça sent fort ? Mais non. C'est au-delà… Une odeur intérieure, l'odeur d'un meilleur soi. Il y a l'automne de l'école enfermé là. À l'encre violette on griffe le papier de pleins, de déliés. La pluie bat les carreaux, la soirée sera longue…
Mais le parfum des pommes est plus que du passé. On pense à autrefois à cause de l'ampleur et de l'intensité, d'un souvenir de cave salpêtrée(2), de grenier sombre. Mais c'est à vivre là, à tenir là, debout. On a derrière soi les herbes hautes et la mouillure du verger. Devant, c'est comme un souffle chaud qui se donne dans l'ombre. L'odeur a pris tous les bruns, tous les rouges, avec un peu d'acide vert. L'odeur a distillé la douceur de la peau, son infime rugosité. Les lèvres sèches, on sait déjà que cette soif n'est pas à étancher. Rien ne se passerait à mordre une chair blanche. Il faudrait devenir octobre, terre battue, voussure(3) de la cave, pluie, attente. L'odeur des pommes est douloureuse. C'est celle d'une vie plus forte, d'une lenteur qu'on ne mérite plus. »
Philippe Delerm, La Première Gorgée de bière, 1997.

Image
À partir du sujet national, juin 2011 - illustration 1
Source : Paul Cézanne, Pommes et biscuits. © Wikimedia Commons/Domaine public.
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1. 
Quel est le lieu évoqué dans le texte ?
Relisez la première phrase et relevez le nom du lieu.
2. 
a) À quelle saison l'odeur des pommes est-elle associée dans le texte ?
b) Relevez les mots et expressions justifiant votre réponse.
a) et b) Repérez et relevez dans le texte les noms qui évoquent une saison ou le mois d'une des quatre saisons.
3. 
Dans cette description, quels sont les sens mobilisés par le narrateur ? Illustrez chaque sens par des éléments du texte (trois sens attendus).
Relisez le texte et relevez le champ lexical des sensations (vue, ouïe, odorat, goût et toucher). Identifiez trois des cinq sens employés ici. Citez des verbes, des noms, des adjectifs pour illustrer chaque type de sensation.
4. 
Expliquez la phrase : « L'odeur des pommes est une déferlante ».
Relisez la note 1. Pourquoi le narrateur compare-t-il l'odeur à une vague ? Pensez au mouvement des vagues.
5. 
Quelle émotion la visite de ce lieu provoque-t-elle ? Pourquoi ?
Interrogez-vous : quelle émotion ressent-on quand on regarde derrière soi, vers son passé ? De quoi prend-on conscience ? Pensez à un thème essentiel de la poésie lyrique, romantique notamment.
6. 
Quels éléments rapprochent ces documents ?
Observez le titre des documents, le thème traité par l'auteur et le peintre.
7. 
En quoi les sensations éprouvées par le narrateur du texte sont-elles différentes de celles éprouvées en regardant cette nature morte de Cézanne ?
Relisez vos réponses aux questions 2, 3 et 4 de cette partie. Observez le tableau, sa composition, l'angle de vue, les plans, etc. Interrogez-vous : quels sens sont principalement sollicités chez le narrateur et le spectateur ?
Grammaire et compétences linguistiques
1. 
a) Quel est le temps verbal dominant du texte ?
b) Quel est l'effet produit ?
a) Observez les verbes du texte, leurs terminaisons. Nommez le temps qui est principalement employé.
b) Interrogez-vous : pourquoi l'auteur a-t-il employé ce temps ? Mettez les verbes du premier paragraphe à l'imparfait. L'effet produit est-il le même ?
2. 
Expliquez pourquoi le narrateur utilise principalement le pronom indéfini « on ».
Interrogez-vous : qui le pronom indéfini « on » désigne-t il par rapport à « je », « tu », « nous », « vous » ? Quel est l'effet produit par l'emploi de « on » indéfini ?
3. 
a) Relevez le champ lexical du passé.
b) À quelle période de la vie le narrateur fait-il allusion ?
a) Relevez tous les mots qui évoquent le passé du narrateur devenu adulte (époque, lieux, période la vie, etc.).
b) Précisez la période de la vie évoquée par le narrateur. Relisez par exemple la fin du deuxième paragraphe.
4. 
« On entre dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies – des cageots renversés. On n'y pensait pas. On n'avait aucune envie de se laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante. Comment avait-on pu se passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ? »
Réécrivez ce passage à la 1re personne du pluriel (nous) et effectuez toutes les transformations nécessaires.
  • Soulignez tous les verbes dont» on » est sujet. Remplacez» on » par» nous » et modifiez la terminaison du verbe en fonction de son temps (présent, imparfait, plus-que-parfait).
  • Modifiez le pronom personnel réfléchi des verbes pronominaux en transformant celui de la 3e personne du singulier en celui de la 1re personne du pluriel.
Dictée
« C'était une journée splendide, ensoleillée, et la mer était calme. Stefano, qui n'était jamais monté sur le bateau, courait tout heureux sur le pont, admirant les manœuvres compliquées des voiles. Et il posait de multiples questions aux marins qui, en souriant, lui donnaient toutes les explications souhaitables. Arrivé à la poupe, le garçon s'arrêta, intrigué, pour observer quelque chose qui émergeait par intermittence, à deux cents, trois cents mètres environ dans le sillage du navire. Bien que le bâtiment courût déjà à belle allure, porté par une brise favorable, cette chose gardait toujours le même écart. Et bien qu'il n'en comprît pas la nature, il y avait en elle un je-ne-sais-quoi d'indéfinissable qui fascinait intensément l'enfant. »
Dino Buzzati, Le K, 1966.

Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet de réflexion
Un lieu auquel vous êtes attaché(e) est menacé par un projet de la mairie qui le transformera complètement.
Vous écrivez au maire de la commune pour exprimer votre désaccord. Après avoir présenté ce lieu, vous développerez les arguments pour convaincre le maire de renoncer au projet. Rédigez votre lettre en une vingtaine de lignes minimum.
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
  • respectez la présentation de la lettre ;
  • ne signez pas et ne mettez aucune coordonnée personnelle sur votre copie ;
  • respectez les règles d'orthographe, de grammaire et de conjugaison.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet et soulignez les mots-clés qui évoquent le thème du sujet : « Un lieu auquel vous êtes attaché(e) est menacé », « projet de la mairie », « transformera complètement ». Le thème est la transformation profonde d'un lieu auquel vous êtes attaché (projet d'urbanisation).
Étape 2. Repérez la forme du texte à écrire : « Vous écrivez au maire de la commune », « votre lettre ». Comme il s'agit d'un sujet de réflexion, c'est un texte argumentatif (« pour convaincre le maire de renoncer »), composé d'arguments et d'exemples.
Il faut respecter la forme et la présentation de la lettre avec :
  • l'en-tête (expéditeur, destinataire, objet, lieu et date) ;
  • les formules d'ouverture et de clôture ;
  • le corps de la lettre (présentation du lieu, arguments pour convaincre le maire d'abandonner son projet) ;
  • la signature (pour respecter l'anonymat de l'épreuve, ne signez pas de votre véritable nom).
Étape 3. Indiquez la thèse que vous défendez : maintenir le lieu en l'état, faire renoncer au projet de transformation. Trouvez des arguments : quel type de transformation ? Intérêt, valeur (culturelle, humaine, sentimentale, etc.), beauté du lieu ? Intérêt, nécessité et valeur du projet ? Laideur du projet ? Impact écologique ?
Étape 4. Établissez le plan de votre lettre.
  • Les informations et les formules d'ouverture.
  • Le corps de la lettre :
– l'introduction sert à introduire le thème et à exposer le problème. Expliquez par exemple en quelques mots l'objet de votre courrier ;
– le développement comporte deux ou trois parties ; pour chacune des parties, trouvez au moins un argument. Utilisez des modalisateurs de certitude (il est évident, il est certain, assurément, incontestablement…), des connecteurs logiques (en premier lieu, de plus, ensuite, enfin, en effet, dès lors, de fait, par conséquent, donc…), des phrases exclamatives et des questions rhétoriques pour souligner votre désir de convaincre, des hyperboles pour souligner votre détermination, un lexique valorisant pour défendre le lieu à sauver, et dévalorisant pour critiquer le projet du maire ;
– la conclusion fait un bilan sur le désaccord, insiste sur l'absolue nécessité de préserver ce lieu et annonce d'éventuelles actions pour appuyer votre demande (création d'une association de défense, par exemple).
  • Les formules de politesse, de clôture et la signature.
Étape 5. Relisez attentivement votre devoir.
Sujet d'imagination
Vous retournez sur un lieu familier de votre enfance. Décrivez ce lieu, puis précisez quels sont vos sentiments et les souvenirs qu'il vous évoque. Rédigez le texte en une vingtaine de lignes minimum.
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
  • structurez votre texte ;
  • rédigez votre texte à la 1re personne ;
  • respectez les règles de l'orthographe, de la grammaire et de la conjugaison.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet et soulignez les mots-clés qui évoquent le thème du texte à écrire : « un lieu familier de votre enfance », « vos sentiments », « les souvenirs qu'il vous évoque ».
Étape 2. Repérez la forme du texte à écrire : « Décrivez ». Il faut donc respecter :
  • le type descriptif, avec son organisation, la caractérisation du lieu décrit, les sensations éprouvées ;
  • la narration à la 1re personne (« Vous retournez », « Décrivez ») ;
  • l'expression des sentiments et l'évocation de souvenirs ;
  • la longueur (cinquante lignes au moins).
Étape 3. Trouvez des idées : à quelle occasion êtes-vous retourné sur un lieu familier de votre enfance (vacances, visite à la famille, besoin de revoir les lieux de votre passé, etc.) ? Quel lieu familier de votre enfance (maison familiale, maison de vacances, etc.) ? Y revenez-vous seul(e) ou accompagné(e) ? Le lieu a-t-il changé ? Quels sentiments éprouvez-vous (nostalgie, tristesse, chagrin, plaisir, regret, joie, etc.) ? Quels souvenirs évoquer (école, jeux, vacances, parents, amis, fêtes, etc.) ?
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction.
  • Les circonstances du retour sur un lieu familier de votre enfance.
  • La description du lieu (sa situation, ses principales caractéristiques, anciennes et nouvelles).
  • L'expression des sentiments provoqués par ce retour ; l'évocation de deux ou trois souvenirs (heureux, malheureux).
  • Le départ. Impressions et sentiments à la suite de ce voyage dans le passé.
Étape 5. Relisez attentivement votre devoir et corrigez d'éventuelles erreurs (orthographe, accords, ponctuation).
(1)Déferlante : vague puissante.
(2)Salpêtrée : couverte de moisissure.
(3)Voussure : courbure d'une voûte ou d'un arc.

Corrigé

Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Compréhension et compétences d'interprétation
1. Le lieu évoqué dans le texte est la cave : « on entre dans la cave ».
2. 
a) La saison associée à l'odeur des pommes est l'automne.
b) L'automne est évoqué : « l'automne de l'école », de même que le mois d'octobre : « octobre, terre battue ».
3. Le narrateur mobilise l'odorat : « odeur », terme repris six fois dans l'extrait, « parfum », « ça sent » ; la vue : « les pommes sont là », « fruits ratatinés », « ride », « grenier sombre », « bruns », « rouges », « vert » ; l'ouïe : « la pluie bat les carreaux » ; le goût : « âcre et sucrée », « délicieux », « saveur confite », « goût » ; le toucher : « souffle chaud », « douceur de la peau », « rugosité ».
4. Cette expression signifie que l'odeur des pommes envahit le narrateur comme une vague qui déferle, qui se répand ; il ne peut pas arrêter ce mouvement.
5. Le vague à l'âme, la mélancolie envahissent le narrateur. Cette émotion douloureuse est due au fait que le narrateur prend conscience que le passé est terminé, révolu. Il ne sert à rien de croquer dans une de ces pommes, le passé, l'enfance ne reviendront pas. La vie s'écoule rapidement, et elle perd de sa force, de son intensité à cause du vieillissement.
6. Les documents traitent tous deux des pommes, comme l'indiquent leurs titres.
7. Le texte insiste surtout sur l'odeur des pommes ; même quand il sollicite la vue, le toucher ou le goût, le narrateur évoque les pommes à partir de l'odorat. Dans le tableau, Cézanne s'intéresse surtout à la forme, aux couleurs des pommes ; notre vue est sollicitée, pas notre odorat. Ce tableau est une « nature morte », une représentation d'objets inanimés ; or dans le texte, l'odeur des pommes provoque la vie, le mouvement, les souvenirs heureux ou douloureux. Les impressions ressenties sont très différentes.
Grammaire et compétences linguistiques
1. 
a) Le temps dominant est le présent de l'indicatif.
b) L'emploi du présent rend les souvenirs, les sensations présents, actuels et vivants. Le narrateur revit son passé grâce aux sensations présentes.
2. Le narrateur emploie principalement le pronom « on » parce qu'il est indéfini : il exprime le vague, l'imprécis, comme l'odeur des pommes qui flotte dans l'air et les souvenirs qui surgissent de sa mémoire. De plus, le narrateur indique que cette expérience peut être vécue par d'autres que lui : « on » équivaudrait alors à « nous ».
3. 
a) Le champ lexical du passé est le suivant : « enfance », « automne de l'école », « passé », « autrefois », « souvenir », « derrière soi ».
b) Le narrateur fait allusion à l'enfance : il évoque l'école, l'encre violette, les travaux d'écriture.
4. Nous entrons dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies – des cageots renversés. Nous n'y pensions pas. Nous n'avions aucune envie de nous laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante. Comment avions-nous pu nous passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ?
Dictée
Les temps dominants du texte sont l'imparfait de l'indicatif et du subjonctif, le passé simple et le plus-que-parfait de l'indicatif.
Les verbes s'accordent avec leur sujet :
  • à l'imparfait de l'indicatif : « C'était », « la mer était », « Stefano… courait », « il posait (aux marins) qui… donnaient » (le verbe s'accorde avec l'antécédent du pronom relatif), « quelque chose qui émergeait » (le verbe s'accorde avec l'antécédent du pronom relatif ; n'oubliez pas le e devant « ait »), « cette chose gardait », « il y avait (un je-ne-sais-quoi d'indéfinissable) qui fascinait » (le verbe s'accorde avec l'antécédent du pronom relatif) ;
  • au plus-que-parfait : « Stefano qui n'était jamais monté » (le participe passé employé avec être s'accorde avec le sujet, le pronom relatif « qui », dont l'antécédent est « Stefano ») ;
  • au passé simple : « le garçon s'arrêta » ;
  • à l'imparfait du subjonctif (après la conjonction de subordination « bien que ») : « le bâtiment courût », « il n'en comprît pas » (n'oubliez pas l'accent circonflexe sur le u et le i).
Deux verbes sont au participe présent, dont un est précédé de en : « admirant », « en souriant ».
Un verbe en -er est à l'infinitif après une préposition : « pour observer » (remplacez le verbe en -er par un verbe du deuxième ou du 3e groupe pour vérifier qu'il est bien à l'infinitif : par exemple pour voir).
Les adjectifs et participes passés épithètes ou apposés s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils qualifient : « une journée splendide, ensoleillée » ; « les manœuvres compliquées » ; « de multiples questions » ; « toutes les explications souhaitables » ; « Arrivé (…) le garçon (…) intrigué » ; « belle allure » ; « le bâtiment (…) porté » ; « une brise favorable ».
Il faut faire attention à l'orthographe des homonymes : « c'était » / s'était, « et » / est), « sur » / sûr), « environ » (adverbe invariable) / environs (nom masculin toujours au pluriel).
Certains mots se terminent par une consonne que l'on n'entend pas ; parfois, en se référant à son féminin ou à un mot de la même famille, on peut identifier cette consonne finale : « jamais » (déjàmais), « pont » (ponton), « écart » (écarter).
« Cent » prend la marque du pluriel quand il est multiplié et non suivi d'un autre nombre : deux cents, trois cents (mais deux cent dix mètres, trois cent cinquante mètres).
Attention à l'orthographe de quelques mots difficiles : « poupe », « intermittence », « bâtiment », « un je-ne-sais-quoi », « fascinait ».
Rédaction
Sujet de réflexion
Vic, le 3 juillet 2011
à monsieur le maire de Vic
Objet : projet de parking du quartier de la Gressière
Monsieur le maire,
J'ai pris connaissance, en lisant le dernier bulletin municipal, du projet de transformation du parc de la Gressière en parking. Je me permets d'exprimer mon profond désaccord avec un tel projet. Le parc de la Gressière est un des rares derniers espaces verts de notre commune ; de nombreux arbres cinquantenaires, voire centenaires s'y dressent, offrant leurs branches et leur feuillage aux oiseaux qui y nichent. Il est agréable d'y admirer les huppes, les bouvreuils colorés, les geais, les mésanges voleter, et même d'y entendre les pies jacasser. Les parterres de fleurs sont un agrément particulièrement apprécié des promeneurs de tous âges. Les personnes âgées aiment se promener dans ce parc, se reposer sur les bancs pour évoquer leur vie passée. J'y vois souvent des mamans avec leurs enfants qui gambadent sans souci des voitures. Nous, les jeunes, nous nous y retrouvons pour discuter, réviser nos cours ou simplement y flâner. Les élèves y viennent, avec leur instituteur ou leur professeur de sciences de la vie et de la terre, pour étudier en direct la faune et la flore, pour parler d'écologie. Il faut donc protéger la nature dans notre ville, préserver les arbres qui fournissent l'oxygène nécessaire à notre vie. Ce qui me révolte le plus, c'est de voir que ce parc pourrait disparaître pour y construire un nouveau parking. La voiture envahit tous les espaces urbains ; je comprends bien les raisons de ce projet, le parc est situé très près du centre-ville, les automobilistes y trouveraient facilement un stationnement. Je vous rappelle toutefois qu'un parking existe déjà dans cette zone, certes il est un peu plus éloigné du centre, mais il reste accessible. Les gens ont perdu l'habitude de marcher, s'ils le pouvaient, ils se gareraient devant le magasin, devant la banque ou la boulangerie pour éviter de marcher. Certains ne s'en privent d'ailleurs pas, comme vous pouvez le constater tous les jours. Il faut rendre la priorité aux piétons et arrêter de tout aménager en fonction de la voiture qui pollue de plus en plus l'atmosphère des villes. C'est pourquoi je souhaite, comme de nombreux habitants du quartier, que vous renonciez à ce projet de construction de parking.
En espérant que vous accorderez une bienveillante attention à ma demande, je vous prie d'agréer, monsieur le maire, l'expression de mes sentiments respectueux.
Sujet d'imagination
L'été dernier, mes parents avaient décidé de passer leurs vacances en Vendée. Ils en profitèrent pour se rendre dans leur pays natal, l'île de Noirmoutier. Nous l'avions quittée depuis six ans et, pour d'obscures raisons, qu'ils avaient toujours refusé de m'expliquer, nous n'y étions jamais retournés. Moi, j'en avais gardé quelques vagues souvenirs, mais des images étaient gravées dans ma mémoire d'enfant. Allais-je les retrouver ? Nous arrivâmes un matin de soleil et vent, et pour accéder à l'île, nous empruntâmes le passage du Gois, cette route qui se découvre quand la marée est basse. En ce début de juillet, les touristes étaient déjà nombreux, les voitures, les autobus roulaient doucement sur ce passage cahoteux, bordé de hauts refuges permettant aux promeneurs pris par la marée montante d'échapper à la noyade. Je revis, comme dans mon enfance, les hommes, les femmes et quelques garçons qui, de chaque côté de la route, ramassaient des coquillages, fouillaient le sable et les algues, inspectaient les rochers pour remplir leur seau ou leur panier. Le goût des coques que maman faisait cuire me revenait à la bouche : moi aussi, comme ces garçons, j'accompagnais mes parents dans leur pêche. Une émotion m'envahit, j'en frissonnai même. Nous poursuivîmes notre voyage vers Noirmoutier-en-l'Île, empruntant des routes désormais bien goudronnées, longeant de nouvelles constructions. Puis nous arrivâmes dans une partie de l'île qui n'avait guère changé. Les maisons basses se tassaient sous les rafales du vent marin. Soudain surgit devant moi un saunier occupé à tirer le sel dans un marais salant qui bordait la route. Je me souvins, avec une certaine nostalgie, de nos promenades dans ces marais pour observer le travail des sauniers. J'étais heureux à cette époque, plus heureux que dans cette cité de banlieue où nous vivions depuis notre départ. Enfin nous poussâmes notre visite jusqu'au port de L'Herbaudière. Le long des pontons, des bateaux de plaisance mouillaient, bateaux à moteur, à voile, trimarans… Plus loin, quelques bateaux de pêche se préparaient à gagner la haute mer. Enfant, j'adorais venir dans ce port pour admirer les bateaux dont les noms et les ports d'attache me faisaient rêver. D'ailleurs, sur un des quais, près des chantiers navals, trois immenses bateaux attendaient d'être livrés à leur propriétaire ; je pus lire leur destination sur les bâches en plastique qui les recouvraient totalement : États-Unis, New York ; Italie, Anzio ; Angleterre, Falmouth. Pourquoi donc avions-nous quitté Noirmoutier ? La vie y était simple et tranquille, près de la mer que j'aimais contempler et sur laquelle nos voisins m'emmenaient quelquefois avec leurs enfants jusqu'à l'île d'Yeu. Une partie de ma vie passée s'étendait devant mes yeux embués de larmes. Cette visite me remplissait de vague à l'âme, d'une nostalgie douloureuse qui me fit prendre conscience que les jours passent, que le temps s'enfuit peu à peu. Mes parents restaient silencieux ; une vive émotion les avait étreints sans doute aussi. Nous quittâmes l'île en fin d'après-midi sans nous retourner.