L'évolution de la structure socioprofessionnelle, sujet de métropole prévu en mars 2021 (EC3)

Énoncé

Partie 3 d'épreuve composée
À l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que la structure socioprofessionnelle a évolué en France depuis la seconde moitié du XXe siècle.
Document 1. Part dans l'emploi selon la catégorie socioprofessionnelle, par sexe, en moyenne annuelle
Note : données de 1982 à 2019, corrigées pour les ruptures de série. Champ : France hors Mayotte, population des ménages, personnes de 15 ans et plus. Source : d'après INSEE Résultats, juin 2020 (en raison des arronddis, le total peut ne pas être exact).
Document 2. Emploi salarié par secteur d'activité de 1989 à 2019
Champ : France hors Mayotte, personnes de 15 ans ou plus. Source : « Emploi, chômage, revenus du travail », INSEE Références, juillet 2020
Document 3
Quels que soient les chiffres, les taux, les indicateurs que l'on utilise, les faits sont là : depuis le début des années 1960, la montée de l'activité féminine est l'élément moteur de la croissance de la population active. Dans la période récente, ce sont les femmes qui ont assuré l'essentiel de l'augmentation des forces de travail. […]
Les faits étant établis, comment peut-on expliquer ce mouvement […]  ? Il serait bien commode, ici, de pouvoir parler d'un « changement de mentalités », de l'émergence de nouveaux courants socioculturels : les femmes en veulent plus, comme on dit, elles s'accrochent à leur travail, elles affirment leur désir d'indépendance économique, etc. Tout cela est juste, mais n'explique rien. […] On pourrait, bien sûr, renvoyer à des mutations socioculturelles d'un autre ordre : c'est la même génération de femmes qui a inauguré, à la fin des années 1960, la liberté de la contraception et de l'avortement, l'apparition d'un mouvement féministe radical, l'émergence de nouveaux modèles familiaux et la poussée de l'activité féminine. La coïncidence est trop belle pour n'être pas mentionnée. Mais au fond, qu'est-ce qui explique quoi ? Est-ce la maîtrise de la conception qui pousse au développement du travail féminin ou l'inverse ? Est-ce le renouveau du féminisme qui est à l'origine de la volonté d'autonomie économique des femmes, ou l'inverse ? La prudence, ici, s'impose. Ne parlons pas d'explication, mais de corrélation. Ces phénomènes forment un tout. Ils sont le signe des temps, ils sont concomitants, mais c'est tout ce que l'on peut dire. À défaut de pouvoir expliquer, on peut tenter de caractériser cette mutation sociale, d'en identifier les acteurs. Qui sont les femmes qui, depuis le début des années 1960, ont afflué sur le marché du travail ? Ce sont pour l'essentiel des mères de famille, des salariées du tertiaire, des femmes instruites et qualifiées.
Depuis la fin des années 1950, deux tendances ont caractérisé l'évolution de la structure des emplois : la tertiarisation et la salarisation du marché du travail. Au cœur de ces mutations, les femmes n'ont pas accompagné le mouvement, elles ont très fortement contribué à le produire. Et inversement : c'est parce que l'emploi devenait de plus en plus tertiaire et salarié que les femmes y ont accédé nombreuses.
Source : Margaret MARUANI, Travail et emploi des femmes, La Découverte, 2017.
La bonne méthode
Bien reprendre les termes exacts du sujet dans la problématisation et dans la première phrase de la conclusion. Pour l'accroche et/ou l'ouverture, vous pouvez faire un pont entre différents chapitres du programme.
Ce qu'il ne faut pas faire 
Croire qu'il faut suivre l'ordre des documents ; ils sont présentés de manière totalement aléatoire.
S'en tenir à une étude des documents ; comme le libellé du sujet l'indique, il est impératif d'apporter des éléments du cours (« à partir de vos connaissances »).

Corrigé

Introduction
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'emploi en France a connu de profondes transformations. Plus récemment, l'introduction du numérique a, par exemple, largement transformé les relations d'emploi. D'un point de vue général, la structure socioprofessionnelle désigne les types d'emplois proposés dans un pays. Ces emplois peuvent être variés quant aux secteurs d'activité, quant à la qualification requise, quant au statut (salarié/non-salarié) ou aux actifs qui les occupent.
Nous montrerons que la structure socioprofessionnelle a évolué de différentes manières en France. Dans un premier temps, nous verrons que les emplois sont de plus en plus souvent salariés. Puis, nous montrerons que les emplois en France se sont tertiarisés, qu'ils ont connu une élévation du niveau de qualification et, enfin, que les emplois sont de plus en plus occupés par des femmes.
Développement rédigé
Enclenchée dès le XIXe siècle, la salarisation de la population active est une transformation majeure de la structure socioprofessionnelle depuis la seconde moitié du XXe siècle en France. En effet, depuis les années 1950, la progression de la part des emplois salariés dans l'emploi total a accéléré de manière significative pour dépasser les 90 %. Ainsi, de plus en plus d'actifs occupent un emploi salarié, c'est-à-dire qu'ils signent un contrat de travail et vendent leur temps de travail en échange d'un salaire. Dans le même temps, la part des emplois indépendants s'est progressivement réduite (même si l'on note un retour des travailleurs « à leur compte » depuis quelques années, du fait notamment de l'apparition des « emplois de plateforme »). La salarisation de la population active s'est accompagnée d'une sécurisation des emplois pour les salariés avec l'avènement progressif d'un « emploi standard » : le CDI à temps plein. Cette transformation majeure de la structure socioprofessionnelle peut être constatée grâce aux chiffres du document 1 : les groupes des indépendants (« agriculteurs exploitants » et « artisans, commerçants et chefs d'entreprise ») ont vu leur part respective baisser depuis les années 1980 ; la part des agriculteurs est passée de 7,1 % en 1982 à 1,5 % en 2019 tandis que la CSP des « artisans, commerçants et chefs d'entreprise » a baissé de 1,6 point de pourcentage.
Une deuxième transformation majeure de la structure socioprofessionnelle, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est la tertiarisation des emplois. Ce processus désigne la progression de la part des emplois du secteur tertiaire (commerce et services, notamment) et la baisse des emplois dans les secteurs primaire et secondaire. En effet, les chiffres du document 2 montrent que les secteurs tertiaires marchands (8 millions d'emplois) et non marchands (6 millions) représentaient 14 millions d'emplois en 1989 tandis qu'ils représentent aujourd'hui plus de 20 millions d'emplois (12,5 millions environ pour le tertiaire marchand et 8 millions pour le tertiaire non marchand). Dans le même temps, le nombre d'emplois dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie et de la construction s'est réduit.
Ensuite, la structure socioprofessionnelle a connu, en France, depuis 1950, une élévation du niveau de qualification : les emplois proposés par l'économie française exigent une qualification de plus en plus élevée. Par exemple, la part des emplois de « cadres et professions intellectuelles supérieures » a progressé depuis 1982 en passant de 7,8 % des emplois à 19,3 %. À l'inverse, la proportion d'ouvriers non qualifiés dans la population active a baissé de 7,4 points de pourcentage (14,2 % en 1982 ; 6,8 % en 2019).
Enfin, la féminisation des emplois est une évolution centrale de la structure socioprofessionnelle en France depuis le début des années 1960. Si les femmes ont toujours travaillé (travail domestique, par exemple), elles occupent désormais un emploi, le plus souvent salarié. Dans le document 3, Margaret Maruani précise qu'il est délicat d'évoquer les causes précises de ce processus de féminisation de la population active : plusieurs explications, de différentes natures (économiques, culturelles, médicales, technologiques, etc.), peuvent être évoquées et ont été concomitantes à la progression de l'emploi des femmes. (« Ne parlons pas d'explication, mais de corrélation. Ces phénomènes forment un tout. Ils sont le signe des temps, ils sont concomitants, mais c'est tout ce que l'on peut dire », document 3). Margaret Maruani précise enfin que les processus de salarisation et de tertiarisation d'un côté et féminisation de l'autre se sont renforcés mutuellement, contribuant ainsi à une profonde transformation de la structure socioprofessionnelle des emplois.
Ainsi, la structure socioprofessionnelle en France a connu quatre évolutions majeures : une salarisation, une tertiarisation, une féminisation des emplois et une élévation du niveau de qualification. Si ces transformations de la structure socioprofessionnelle ont une importance considérable, il peut être intéressant de nous interroger également sur d'autres mutations qu'ont connues le travail et l'emploi ces dernières décennies : changements dans l'organisation du travail, impact du numérique, précarisation, polarisation des emplois, conditions de travail, etc.