Explication de texte, Cournot, sujet de métropole, juin 2022

Énoncé

Explication de texte
« Pour qu'une observation puisse être qualifiée de scientifique, il faut qu'elle soit susceptible d'être faite et répétée dans des circonstances qui comportent une définition exacte, de manière que, à chaque répétition des mêmes circonstances, on puisse toujours constater l'identité des résultats, au moins entre les limites de l'erreur qui affecte inévitablement nos déterminations empiriques (1). Il faut en outre que, dans les circonstances définies, et entre les limites d'erreurs qui viennent d'être indiquées, les résultats soient indépendants de la constitution de l'observateur ; ou que, s'il y a des exceptions, elles tiennent à une anomalie de constitution, qui rend manifestement tel individu impropre à tel genre d'observation, sans ébranler notre confiance dans la constance et dans la vérité intrinsèque du fait observé. Mais rien de semblable ne se rencontre dans les conditions de l'observation intérieure sur laquelle on voudrait fonder une psychologie scientifique ; d'une part, il s'agit de phénomènes fugaces, insaisissables dans leurs perpétuelles métamorphoses et dans leurs modifications continues ; d'autre part, ces phénomènes sont essentiellement variables avec les individus en qui se confondent le rôle d'observateur et celui de sujet d'observation ; ils changent, souvent du tout au tout, par suite des variétés de constitution qui ont le plus de mobilité et d'inconsistance, le moins de valeur caractéristique ou d'importance dans le plan général des œuvres de la nature. Que m'importent les découvertes qu'un philosophe a faites ou cru faire dans les profondeurs de sa conscience, si je ne lis pas la même chose dans la mienne ou si j'y lis tout autre chose ? Cela peut-il se comparer aux découvertes d'un astronome, d'un physicien, d'un naturaliste (2) qui me convie à voir ce qu'il a vu, à palper ce qu'il a palpé, et qui, si je n'ai pas l'œil assez bon ou le tact assez délicat, s'adressera à tant d'autres personnes mieux douées que je ne le suis, et qui verront ou palperont si exactement la même chose, qu'il faudra bien me rendre à la vérité d'une observation dont témoignent tous ceux en qui se trouvent les qualités du témoin ? »
COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851.

(1)« empiriques » : issues de l’expérience.
(2)« naturaliste » : celui qui étudie la nature, en particulier les êtres vivants.

Corrigé

Introduction
Dans cet extrait de l'Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, paru en 1851, Cournot aborde les thèmes de la science et de la conscience. Il interroge les conditions d'une analyse scientifique de la conscience. En effet, il questionne les approches psychologiques : comment éviter de tirer une généralisation abusive de l'observation particulière de ma conscience ou de celle de quelques individus ? Si la science doit proposer des lois décrivant et prévoyant le réel universellement, comment, en psychologie, ces lois peuvent être légitimement atteintes ? Il oppose ainsi des pratiques scientifiques pour interroger les sciences de la conscience. Sa thèse va donc défendre le fait que la psychologie de son époque se fonde sur des principes non scientifiques qui l'empêchent d'être qualifiée de scientifique car ses observations sont subjectives et particulières. Comment Cournot construit-il cette opposition ?
L'introduction d'une explication doit situer les axes de la réflexion de l'auteur dans l'extrait étudié. Il est important de cerner les thèmes abordés, les liens entre ces thèmes, la question qui a conduit l'auteur à écrire ce texte et la thèse qu'il y défend.
Les distinctions et les repères conceptuels peuvent permettent de cerner les cadres de la réflexion. Ici, les éléments de « universel » et « particulier » comme les éléments de « subjectif » et « objectif » forment les couples d'opposition qui dessinent les angles de réflexion de Cournot.
Il commence son analyse, de la première ligne à « du fait observé », par celle des conditions de la scientificité d'une observation, notamment la répétabilité de l'expérience et l'objectivité ou la non-subjectivité de celle-ci. À partir de « Mais rien de semblable », il oppose la psychologie à ses conditions montrant, d'abord, son instabilité comme s'opposant à la condition de répétabilité et d'absence d'objectivité comme s'opposant à la seconde condition de la science. Pour finir, de « Mais rien de semblable » à la fin de l'extrait, cette absence de correspondance aux critères de scientificité le conduit à conclure que la psychologie n'a pas l'intérêt de sciences instituées, créant une hiérarchie entre les sciences.
Le plan du développement suit celui du texte. L'explication cherche à déplier le sens des propos de l'auteur et l'auteur a mené un raisonnement, il est donc parti d'un principe pour en arriver à une conclusion. Il faut suivre attentivement les mouvements de sa pensée.
I. En quoi consiste une observation scientifique ?
1. L'enjeu empirique de la science
Le premier objet de ce texte est posé avec clarté par Cournot : il s'agit de définir ce qu'est une observation scientifique. Le but est donc d'établir les caractéristiques qui rendent scientifique un discours, ce qui le distingue d'autres types de discours, comme des discours d'opinion, des discours politiques ou de pseudoscientifiques. Ce premier passage peut alors servir à qualifier les caractéristiques de la science. En première analyse, on constate qu'il ancre la science dans l'« observation ». L'observation désigne donc le processus de prise de contact avec le réel, et non pas un raisonnement purement abstrait, comme on peut en trouver en mathématiques. En mathématiques, en effet, on réfléchit et analyse des notions sans observation. En sciences, selon Cournot, c'est l'observation qui va donner les conclusions que nous allons en tirer, selon les principes de l'induction. Cournot se trouve dans une perspective empiriste de la science : la science se construit avant tout de manière liée à l'expérience du réel.
Clarifier un texte passe par cerner le rôle argumentatif des différents passages. Ici, « qualifiée de scientifique » indique l'idée de définition et « il faut que » indique l'idée de conditions. Du point de vue de la construction du raisonnement, c'est donc le rôle de ce passage que d'indiquer un modèle pour, en deuxième partie, vérifier si l'objet étudié, la psychologie, correspond à ce modèle.
2. Une première condition de la scientificité : la répétition de l'observation
Or, cette expérience pose une question : comment éviter que l'expérience, que l'observation ne soit biaisée ? Comment éviter de prendre une observation particulière pour une vérité universelle ? Comment éviter le problème de l'induction ? Le problème de l'induction est un problème qui se pose à l'empirisme : y a-t-il une façon d'assurer la véracité (qui se veut en science universelle, c'est-à-dire valable en tout temps, tout lieu et pour tous) d'une conclusion tirée d'observations particulières, c'est-à-dire limitée à un lieu, un temps et une personne ? Si j'observe un cygne blanc, que mes ancêtres en ont vu des blancs, que d'autres confirment avoir vu des blancs, puis-je être sûr qu'il n'existe que des cygnes blancs ? La science doit donc prendre en compte l'observation tout en restant dans une distance critique avec elle. C'est pourquoi Cournot indique que, malgré toutes les précautions, il y a une part d' « erreur qui affecte inévitablement nos déterminations empiriques ». Quelles sont les précautions nécessaires ? Il faut que l'observation soit répétable dans des circonstances établies clairement. La science passe donc par un contrôle de la situation observée pour essayer de saisir des éléments invariables et, en étudiant ce qui varie et ce qui ne varie pas, en tire des conclusions. Si à la pression atmosphérique du niveau de la mer je chauffe de l'eau et vérifie à chaque fois qu'elle bout à 100 °C, alors je peux conclure de cette régularité une implication entre la pression atmosphérique, la température et l'état de l'eau. Ainsi, il faut un cadre défini clairement : Cournot parle de « circonstances qui comportent une définition exacte », et une expérience qui peut être répétée pour assurer une validité scientifique à l'observation. C'est la première condition de la scientificité.
Un texte de philosophie se situe dans une perspective conceptuelle, connaître les grands problèmes de la pensée aide à situer les concepts abordés par un auteur. Ici, par exemple, Cournot se situe dans la lignée du problème de l'induction. Les exemples peuvent servir à clarifier un ensemble conceptuel abstrait.
3. Une seconde condition de la scientificité : la variation de l'indépendance des observateurs
Selon Cournot, la répétabilité de l'expérience ne suffit pas à elle seule à garantir des erreurs et à garantir la scientificité de l'observation. Il marque la nécessité d'une seconde condition. Car il faut que « les résultats soient indépendants de la constitution de l'observateur ». Par la constitution de l'observateur, il signifie les capacités physiques, visuelles, auditives, mais aussi le vécu de la personne qui observe en fait l'expérience scientifique. Si les résultats de l'expérience dépendaient de l'observateur, il aurait beau répéter l'expérience, sa conclusion serait invalide. Ce que cherche Cournot, c'est d'éviter cette fois le problème de la subjectivité de l'observation. Une observation doit être répétable et observable peu importe l'individu, la faisant pour assurer au maximum l'absence de biais, de partialité, d'erreur due à la subjectivité. Que faire si l'observation faite est contredite par certains individus ? Alors « s'il y a des exceptions, elles tiennent à une anomalie de constitution, qui rend manifestement tel individu impropre à tel genre d'observation ». Il mentionne l'anomalie, c'est-à-dire un cas anormal où ce qui est attendu et prévu n'est pas observé : l'anomalie ne doit pas venir de l'observation, sans quoi tout le modèle scientifique doit être repensé, mais de l'observateur si on veut garantir la validité de l'observation. Par exemple, si un daltonien, qui ne distingue pas le rouge, venait à faire une expérience de chimie et ne pas constater l'apparition d'un précipité rouge dans la fiole, cela ne mettrait pas en doute l'expérience, mais c'est sa capacité à l'observation qui serait questionnée. Ainsi, la seconde condition de la scientificité est celle d'avoir une observation la plus indépendante de la subjectivité de l'observateur possible, il faut pour cela multiplier, non pas seulement les observations, mais aussi les observateurs compétents.
Dans cette première partie du texte, Cournot définit donc les conditions de la science. Il s'agit de partir d'observations qui sont répétables et définies et éloignées de la subjectivité. Le but est d'avoir les observations les moins particulières et les plus objectives possible. À partir de ces conditions, il va alors confronter l'état de la psychologie de son époque à ces critères pour voir si elle peut être dite scientifique.
Pour montrer la progression du raisonnement, les transitions résument le propos et montrent l'articulation entre les différents moments argumentatifs.
II. La psychologie répond-elle aux critères de la science ?
1. La psychologie n'est pas scientifique
Cournot est sans appel « ou que, s'il y a des exceptions, elles tiennent à une anomalie de constitution » à « dans la vérité intrinsèque du fait observé » : rien de semblable à ces critères de science ne se trouve dans la psychologie prétendument scientifique. Ainsi, il rejette la psychologie, c'est-à-dire l'étude de l'esprit, de son époque, hors du domaine scientifique. On comprend aussi en creux qu'il donne un modèle scientifique à la psychologie, et lui indique le chemin à suivre pour construire ses observations et raisonnements. Le problème pour la psychologie peut se résumer en un mot que Cournot ajoute à l'observation : son observation est intérieure. Si les sciences de la nature, chimie, physique ou biologie par exemple, étudient des choses extérieures, que l'on peut voir et entendre, la psychologie procède par une intuition intérieure de nos pensées. Or, cette observation interne ne peut pas correspondre aux conditions de la science, comme le montre Cournot par la suite.
Il n'est pas toujours nécessaire de citer la phrase expliquée. Parfois, la citer permet d'insister sur son propos, parfois certains termes sont importants à mettre en avant, d'autres fois le passage peut être seulement indiqué. Cependant, pour que le correcteur comprenne les éléments commentés, ils doivent toujours être indiqués en mentionnant le passage concerné et les lignes auxquelles il se trouve.
2. Par rapport à la première condition, la psychologie n'est pas répétable et ses observations sont instables
Le premier problème est qu'« il s'agit de phénomènes fugaces », autrement dit d'éléments qui s'observent bel et bien, mais qui disparaissent si rapidement qu'ils n'ont pas la stabilité nécessaire à l'étude. Cette fugacité les rend « insaisissables dans leurs perpétuelles métamorphoses et dans leurs modifications continues ». Chaque phénomène psychologique change et évolue sans cesse dans le cours de nos pensées, de notre vécu, de nos analyses. Ainsi, il manque la stabilité et la répétabilité, conditions de l'observation, et la conclusion scientifique. On pourrait ici emprunter un concept à un autre philosophe, Bergson, dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience, pour clarifier la perspective de Cournot. Bergson distingue le temps, mathématique, divisible, quantifiable de la durée de la conscience, changeante, confuse et d'une nature toujours différente. Par ce terme de durée, Bergson saisit la dimension psychologique : nous n'éprouvons jamais deux fois la même expérience car nous sommes modifiés à chaque instant par les expériences précédentes. Nous n'écoutons jamais deux fois la même chanson, car la deuxième écoute est déjà modifiée par la première : nous savons comment le morceau est construit. Si on se rattache à la science, on ne peut jamais trouver d'expériences répétables car chaque expérience a modifié notre façon de la considérer. Si on voulait dresser l'effet psychologique d'un accident de voiture, une personne qui a eu plusieurs accidents de voiture ne le vivra pas comme le premier. L'esprit est donc profondément instable et donc ne peut être stabilisé pour être analysé, et régularisé par la science.
Parfois, en explication de texte, convoquer un autre auteur qui traite d'une question proche ou de la même question permet de poser une précision ou un contrepoint intéressant. Les références et les connaissances peuvent éclairer le texte, mais ne doivent pas prendre la place du texte.
3. Par rapport à la seconde condition, la psychologie s'appuie sur des observations trop subjectives
On pourrait alors rétorquer que nous pouvons du moins observer l'impact du même événement chez différentes personnes pour essayer de trouver un invariable. Or, même là, il y a une impasse pour la psychologie. En effet, « ces phénomènes sont essentiellement variables avec les individus ». Ce qui est à observer ne peut être vécu de la même façon selon l'histoire de l'individu qui change donc l'impact observable. Son éducation, son milieu social, ses expériences de vie changent, modifient, transforment sa façon d'éprouver et d'analyser un événement donné. Il est donc difficile de trouver une régularité et une généralisation entre les individus. Le problème se redouble car celui qui observe est celui qui est observé, or il y a un risque de biais dans l'observation. Voudrait-on reconnaître certaines de nos failles ? N'a-t-on pas un ego en jeu ? Ne sommes-nous pas parfois confus par rapport à ce qu'on observe ? On peut ici se souvenir d'un constat que fait Freud dans les réactions aux thèses de la psychanalyse : certaines personnes seraient incapables de reconnaître que leur conscience a des failles, ce qui les empêche, comme des points aveugles, de reconnaître la valeur de la psychanalyse. Ainsi, la psychologie tire les fondements de ces analyses sur des éléments précaires et subjectifs.
Ces deux aspects montrent que cette variété entraîne des problèmes de stabilité dans l'observation et de subjectivité dans celle-ci. Les observations psychologiques sont donc inconsistantes. Or, ces différences de constitution qui modifient les observations sont celles qui ne sont pas les plus intéressantes à comprendre quand on s'intéresse à la science. Elles peuvent brouiller l'analyse de la psychologie et de la nature de l'esprit.
La psychologie ne répond pas aux critères scientifiques selon Cournot, trop variable et particulière, trop subjective et relative à l'individu. Comment doit-on alors considérer son discours ?
III. Quelle valeur donner à l'étude de l'esprit ?
1. La philosophie ne peut rien nous apprendre d'intéressant
Cournot engage alors la conclusion de son texte : si la psychologie ne répond pas aux critères de la science, que doit-on en faire ? Elle n'est que de peu d'intérêt. Elle n'importe que peu. Car « que m'importent les découvertes qu'un philosophe a faites ou cru faire dans les profondeurs de sa conscience, si je ne lis pas la même chose dans la mienne ou si j'y lis tout autre chose ? ». En effet, ce que remarque Cournot c'est que les prétendues découvertes en psychologie ont la limite d'être relative à un individu, à son vécu particulier, à sa perspective subjective. Or, si je ne rencontre pas la même chose en moi, ce n'est qu'une simple découverte biographique, non pas universelle dans la nature de l'esprit humain. Le problème est donc de lier les expériences humaines. Car je peux lire, c'est-à-dire observer, dans ma conscience, autre chose que ce qu'a observé le psychologue. Ainsi, la psychologie, dans l'état dans laquelle la décrit Cournot, n'apprend rien d'intéressant. Il faut ajouter ici autre chose : un terme apparaît, celui de philosophe. Cournot utilise, pour parler de la psychologie, le terme non de psychologue, mais de philosophe. Pourquoi ? Tout d'abord, on peut comprendre que la philosophie est conçue comme une exploration de l'esprit, et donc comme un terme synonyme. Ensuite, c'est une manière d'adresser une critique à la philosophie : ses perspectives ne sont pas scientifiques, mais personnelles. Cournot participe à un mouvement historique pensant que la philosophie était au mieux une étape avant une structuration de la science par des méthodes plus précises.
Une explication de texte demande de l'attention. Quand un auteur décide d'utiliser un terme, d'en faire apparaître, disparaître ou d'en remplacer un, il faut interroger ses raisons. Ici, philosophie et psychologie sont liées pour la première fois, il faut donc justifier cette nouvelle donnée.
2. Seul le témoignage des sciences bien fondées peut nous intéresser
Il poursuit cette critique dans la dernière question rhétorique de cet extrait. Les découvertes des autres sciences, qui, elles, observent le monde extérieur et non pas intérieur, ont plus de valeur que celles de la psychologie. Car ces découvertes sont vérifiables, répétables, et objectives. Il répond à une objection possible : je peux ne pas observer la même chose dans le monde que le scientifique comme je peux ne pas observer la même chose en moi que le philosophe. Cournot rétorque : la science « si je n'ai pas l'œil assez bon ou le tact assez délicat, s'adressera à tant d'autres personnes mieux douées que je ne le suis ». La différence entre la science et la psychologie (ou, on le comprend, la philosophie) est que la science peut être corroborée par d'autres personnes, si par ma faiblesse ou mon incapacité, je ne saisis pas ce qui est dit, je peux faire confiance à d'autres personnes qui le vérifient pour moi. Il y a donc ce qu'il appelle, à la dernière ligne, les « qualités du témoin », qui permettent la distinction entre l'autorité biaisée d'un avis et de l'opinion et celle de la science. Les qualités du témoin sont la probité, c'est-à-dire ne pas pouvoir accuser quelqu'un de mensonge ou de défendre ses intérêts, des qualités dans la formation de l'esprit, qui permet de suivre le raisonnement, et dans l'observation faite dans de bonnes conditions. La science trouve une nouvelle condition ici : elle doit être l'objet d'un consensus de témoins. Au contraire, la philosophie semble de son côté suspecte d'être individuelle, terrain d'un combat d'avis contradictoire et d'autorité, dont les témoins seraient douteux.
L'explication d'un texte consiste à déplier le sens de celui-ci. Pour ce faire, tout le long de l'argument, les définitions des termes importants et leurs articulations – que ce soit leurs liens ou leurs oppositions – doivent être soulignées, articulées et justifiées. Des questions à se poser peuvent aider à opérer ces articulations : « En quoi ce terme répond-il à cet autre terme ? Pourquoi utilise-t-il ce lexique plutôt que celui-là ? » Ici, c'est l'opposition philosophie et science de la nature sur laquelle nous avons eu l'occasion d'insister.
3. Quel modèle scientifique pour la psychologie ?
On peut, en dernière instance, avancer quelques remarques supplémentaires pour poursuivre le raisonnement déployé par les arguments de Cournot. La première remarque est qu'il n'exclut pas définitivement la psychologie comme non scientifique ; uniquement celle de son époque : il donne un cadre scientifique à suivre pour qu'elle se refonde. Or, à cette perspective qui essaie d'établir un modèle scientifique, certaines réponses ont été émises. Notamment celle-ci : il n'y a pas un modèle de science, car chaque science a un objet d'étude demandant des conditions particulières d'étude. L'histoire, la sociologie, la psychologie sont des sciences qui ont des cadres de scientificité ne pouvant pas ressembler aux cadres de la physique, car leurs objets d'étude ne sont pas similaires. Ainsi, on pourrait comprendre que Cournot dénonce des faiblesses dans les thèses de la psychologie, mais lui-même a un biais dans une certaine conception de ce que doit être la science.
L'explication de texte consiste d'abord à suivre la perspective de la pensée d'un auteur, cependant une réponse peut lui être adressée. Cette réponse doit veiller à montrer que la perspective de l'auteur a été saisie clairement et que l'on se place non dans un rejet, mais un questionnement problématique.
Conclusion
Dans cet extrait, Cournot s'est donc interrogé sur ce qu'est la science et si la psychologie pouvait être scientifique. Il a commencé par donner les conditions de la science : éviter l'observation particulière par sa répétition et éviter la subjectivité par la confrontation des sujets observants. Il a testé la psychologie par rapport à ces critères et a constaté que les découvertes psychologiques étaient variables, particulières et subjectives. Il en a conclu un rejet de ces thèses comme non pertinentes dans l'état scientifique actuel, le témoignage scientifique donnant la valeur aux découvertes des différents domaines scientifiques.
La conclusion rappelle le point de départ de la réflexion de l'auteur et la progression de son argument, elle doit noter les points importants que l'explication a fait apparaître.