Dissertation, « Revient-il à l'État de décider de ce qui est juste ? », sujet de métropole, juin 2022

Énoncé

Revient-il à l'État de décider de ce qui est juste ?

Corrigé

Introduction
Le xxe siècle a été marqué par un certain nombre de luttes pour des droits civiques, du peuple contre l'État. On peut penser à Gandhi et sa lutte non violente contre l'empire britannique en Inde ou Nelson Mandela dénonçant les ségrégations dans l'État sud-africain. La question au cœur de ces mouvements était celle de la justice, dénonçant l'État comme injuste. Ainsi, en réfléchissant à ces exemples historiques, on peut se demander si c'est à l'État de décider de ce qui est juste ? À qui donner le pouvoir de décider de ce qui est juste ?
L'articulation à des cas concrets, historiques, littéraires, cinématographiques éclaire les questions et les arguments philosophiques. Elle peut aussi servir à préciser la réflexion au brouillon. Ici, nous avons choisi d'articuler la question à celle des mouvements historiques du xxe siècle.
La question engage plusieurs réflexions. Dans les faits, l'État est celui qui décide de la justice, c'est l'institution qui décide, instaure et garantit les lois, les tribunaux, l'appareil judiciaire. Dans les faits, donc, il décide de ce qui est appelé « la justice ». Cependant, de quel droit le fait-il ? Peut-on accepter les lois d'un État seulement parce que c'est un État ? On comprend que les mouvements pour les droits civiques montraient que l'État ne décide pas seul de ce qui est juste, ou du moins les limites de l'État sur la question. On peut alors distinguer deux sens de la notion de justice. Par justice, on peut entendre l'idée de légal : ce qui est juste, c'est ce qui correspond aux lois instituées, c'est un système judiciaire. Par justice, on peut aussi entendre ce qui est légitime, c'est-à-dire le principe, souvent moral ou politique, qui justifie les lois. On peut donc reprocher à une loi d'être injuste quand on ne la considère pas légitime. Cependant, on remarque que, derrière la légitimité, un problème surgit : qui peut dire, et selon quel principe, ce qui est légitime ? Ne risque-t-on pas le désordre et le chacun pour soi si chacun devient juge de ce qui est juste ? Ne faudrait-il pas, alors, reconnaître à l'État la légitimité de décider de ce qui est juste ? La question posée engage donc aussi une réflexion sur qui peut décider de ce qui est juste. On peut alors distinguer l'idée d'État et celle de gouvernement. Le gouvernement est l'ensemble des individus utilisant et orientant les pouvoirs de l'État pendant une durée déterminée. Ainsi, le gouvernement actuel n'est pas l'État : peut-on alors éviter de faire que ceux à la tête de l'État l'utilisent injustement et lui fassent perdre sa légitimité ?
Les repères et les distinctions conceptuelles servent à saisir les enjeux engagés dans le sujet posé et les lignes thématiques à suivre. Dans ce sujet, deux couples conceptuels sont particulièrement importants « en fait » et « en droit » et « légal » et « légitime ».
Comment penser donc qu'il revient à l'État de décider de ce qui est juste si, d'un côté, il est celui qui instaure les lois, surplombant les avis individuels, et de l'autre si sa légitimité peut être questionnée et si son pouvoir peut être utilisé injustement ?
Pour répondre à ce problème, nous aborderons tout d'abord la nécessaire articulation de la justice et de l'État, notamment pour faire appliquer ce qui est juste. Ensuite, nous montrerons les limites de cette première articulation, en soulignant le risque d'utilisation de l'État d'une apparente justice pour son intérêt contre celle des citoyens. Enfin, nous essaierons de proposer les conditions selon lesquelles l'État peut décider de la justice sans injustice.
I. L'État, par définition et dans les faits, décide des lois donc de la justice
1. L'État a su faire reconnaître sa légitimité à légiférer
De fait, tout d'abord, l'État opère l'articulation entre le légal et le légitime : il se définit comme celui qui décide de ce qui est juste car il est reconnu par ses citoyens, par les autres États, mais aussi comme celui qui peut garantir, par la violence si nécessaire, cette justice. En effet, Max Weber définit l'État comme « une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé […], revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime » dans Le Savant et le Politique. Par cette définition, il cherche à cerner les caractéristiques d'un État et à le distinguer d'autres structures de pouvoir. Ainsi, un État se distingue d'un groupe mafieux, par exemple, qui lui aussi a des règles, par sa légitimité. Si la mafia impose des règles, elle n'est pas reconnue comme légitime, elle ne réussit que par la violence. L'État, lui, réussit à faire considérer comme juste l'usage de la violence : il s'impose comme garant d'un certain ordre social, d'une certaine justice, en tout cas sur un territoire donné par des citoyens. Un État qui chercherait donc à s'imposer sur un autre territoire serait considéré comme faisant des lois injustes, un simple agresseur. Ce qu'on comprend au travers de cette définition, c'est que l'État mobilise les deux concepts cernés en introduction : il dicte la justice, en termes de lois, et il est reconnu comme légitime à le faire, autrement dit, il est juste et justifié de lui obéir. Ainsi, un État est l'appareil humain décidant pour un territoire de ce qui est juste.
Une citation a de la valeur en étant précise et surtout expliquée. Une citation doit donc être articulée à une explicitation des enjeux et des liens qu'elle pose avec le sujet.
La fin d'un argument doit marquer clairement son rôle dans le raisonnement et la réponse qu'il apporte au sujet, c'est une façon d'éviter le hors sujet en vérifiant la pertinence de son propos.
2. L'État instaure la justice et, par ses lois, décide de ce qui est juste
L'État est donc le producteur de la justice grâce à la force légitime qu'il peut déployer. C'est ainsi qu'historiquement, Thomas Hobbes, dans Le Léviathan, déploie la première conception de l'État moderne. Confronté aux guerres internes de l'Angleterre du xviie siècle, il fonde une certaine conception de l'État. Face à l'insécurité de l'état de nature, c'est-à-dire de l'état hypothétique dans lequel l'humanité se trouvait avant la société civile et ses lois, et son état de compétition pour la survie de chacun, où tous avaient le droit sur tout, où c'était la guerre du tous contre tous, les individus ont passé un contrat. Ce contrat les engageait à abandonner leur force, c'est-à-dire leur puissance d'agir, à un individu, le souverain, qui les gouvernerait de façon à assurer la sécurité de chacun. L'État est ainsi formé : il est la force de tous contre l'individu, force qui sert à appliquer les lois contre ceux qui pourraient refuser l'ordre et les lois. Ce que repère Thomas Hobbes, c'est qu'il n'existe pas de justice avant le passage à l'état politique, avant l'État. Ce qu'on appelle la justice, c'est la loi émise et garantie par un État. Il n'existe donc aucune légitimité extérieure à celle de la règle de l'État. L'État est celui qui décide de ce qui est juste car sans État, il n'existe pas justice. La justice n'existe qu'à travers les lois d'un État. Dans les faits, comme dans le droit, l'État décide donc de ce qui est juste.
3. Puisque la justice ne peut exister sans État, il revient à l'État de décider de ce qui est juste
On peut aussi se demander ce qu'il se passerait si l'État ne décidait pas de ce qui est juste. Que se passerait-il pour la justice ? S'appliquerait-elle toujours ? Aurait-elle encore un sens ? Blaise Pascal, dans Pensées, produit une analyse des liens entre force et justice et démontre que sans force, il n'y a pas de justice possible. Ce qu'il montre donc c'est que, sans État pour l'appliquer, la justice n'est qu'un mot, une idée et non pas une réalité. Ainsi, il analyse que la force s'impose de suite et est reconnue sans difficulté par celui qui la subit. La justice, elle, est une question qui sera débattue : chacun aura son idée de la justice. Sans la force, la justice est contestée, contestation qu'elle ne peut faire taire. On peut par exemple penser au criminel : si on se contente de lui signaler qu'il commet un crime, il peut toujours aller contre ce qui est juste. Ainsi, la justice ne s'applique que si elle est épaulée d'une puissance d'action : c'est l'articulation des institutions liant la loi décidée au parlement, le jugement du tribunal, et l'exécution de ses décisions par la police. Sans police, les décisions resteraient de vaines déclarations. Ainsi, conclut le philosophe dans ses Pensées, ne pouvant faire que la justice fut forte, on a déclaré la force juste. Il conclut alors que la justice est décidée par l'État, non parce qu'il saurait ce qui est juste à faire, mais parce qu'il peut maintenir l'ordre et éviter la contestation. Il a revendiqué la justice et a imposé ses conceptions de la justice. La force des lois est déclarée légitime car, sans cette idée, alors on risquerait le chaos et le désordre, et donc une situation aussi injuste, mais plus dangereuse. L'État doit être le seul à décider ce qui est juste car il a l'appui d'une certaine puissance d'application.
Dans la construction du plan de la dissertation, si parfois il est difficile de trouver un nouvel argument, il peut être envisagé d'inverser l'argument. Ici, par exemple, l'argument ne montre pas tant le lien entre l'idée d'État et de justice, mais que si ces deux concepts ne sont pas liés, il y a des conséquences indésirables. Cette inversion de l'argumentation aide à changer de point de vue et d'envisager d'autres thèmes de réflexion.
Ainsi, l'État dans les faits, par sa capacité à imposer ses décisions, est aussi celui qui décide des lois, de la justice et qui garantit son application. Hors de son application, le risque est à la désobéissance et l'insécurité. Cependant, on voit aussi qu'historiquement, l'État est contesté par des mouvements sociaux et peut être dénoncé comme illégitime et injuste. Pour quelles raisons contester les approches étatiques de la justice et à qui pourrait-on donner la décision de ce qui est juste ?
Une transition aide le correcteur à suivre les étapes du raisonnement. Un résumé des idées développées et une question pour relancer le propos permettent d'aiguiller le lecteur sur les différents moments de l'argumentation.
II. Revient-il légitimement à l'État de décider de ce qui est juste ?
1. Si les lois de l'État sont justes, sa légitimité est remise en question
L'État est certes celui qui décide des lois, mais cela ne signifie pas que ces lois sont justes. Ainsi, l'État prétend pouvoir décider de ce qui est juste, ce qui est contestable : il décide de ce qui est légal et dans les intérêts des dirigeants, non pas juste pour la majorité. C'est en tout cas la critique que lui adresse Karl Marx dans Sur la question juive. Dans ce texte, il montre que les droits que donne l'État et qu'il garantit correspondent aux intérêts de la classe dirigeante et non du bien commun. C'est une justice apparente qui sert l'intérêt des plus forts et non pas une justice réelle servant l'ensemble de la société. Au contraire même, ajoute-t-il, les lois et les droits reconnus servent à empêcher une contestation sociale pour une justice collective. Il prend l'exemple des droits de l'homme en montrant que ces droits correspondent aux intérêts d'une classe sociale, et que même si on les a donnés à tout individu, seuls certains peuvent s'en servir. Ainsi, il distingue ce que les droits sont dans les faits et dans le droit. Ce que garantissent les droits de l'homme, c'est par exemple la liberté de propriété. Nul ne peut prendre ce que je possède sans mon consentement. Cela semble juste. Mais Karl Marx montre que seuls ceux qui ont les moyens peuvent profiter de ce droit : l'État protège alors leurs possessions contre ceux qui en ont besoin et qui pourraient vouloir leur prendre. En droit, tout le monde a un droit de possession ; mais dans les faits, ce droit sert les plus aisés. Ainsi, posséder plusieurs logements et qu'on ne puisse pas nous en prendre un semble juste. Mais, du point de vue de la personne sans logement, il est injuste qu'elle ne puisse dormir au chaud au nom de la justice, c'est-à-dire au nom des lois et du droit de propriété. Karl Marx montre alors que les décisions de l'État relèvent d'intérêt particulier et donc sont illégitimes du point de vue de la justice réelle. Ce ne serait donc pas à l'État de décider de ce qui est juste.
Les repères et les distinctions conceptuelles peuvent être réutilisés, nuancés, précisés au cours de la dissertation et peuvent montrer aussi au correcteur la continuité, mais aussi l'évolution du propos. Ici, le repère « en fait » et « en droit » est réemployé de manière inversée par rapport à l'introduction : il y a une justice en droit, mais pas en fait, pour marquer l'opposition avec la thèse défendue en première partie de dissertation.
2. L'État est un obstacle : il empêche la société de décider pour elle-même de ce qui est juste
Poursuivant ces réflexions, ces contestations sont aussi apparues chez les anarchistes. L'anarchisme est une position politique contestant l'autorité de l'État, la dénonçant comme un système d'oppression qui empêche la liberté, la justice, l'égalité. Ainsi, un auteur comme Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine dresse un portrait de l'État comme se servant des lois comme d'une arme pour opprimer la société. Il oppose l'État, une structure historique qui est apparue à l'époque moderne et qui selon lui disparaîtra un jour, à la société que forme l'ensemble des relations entre les individus et leurs échanges. La structure de l'État conduit à créer un appareil judiciaire toujours détourné à l'avantage des plus puissants. Ainsi, ceux qui votent les lois et qui les font appliquer vont toujours être avantagés par rapport à ceux qui les subissent. L'État ne peut donc jamais être juste, être légitime, il faut le rejeter pour choisir des rapports de décision plus directs. Qui déciderait donc de ce qui est juste ? Chacun, sans déléguer son pouvoir à un dirigeant. L'idée est que tout le monde ait une voix, sans délégation du pouvoir, que tout le monde puisse faire valoir ses besoins et que tout le monde puisse répartir les droits, les richesses, les biens pour garantir une société juste. Ainsi, selon les anarchistes, l'État est un appareil qui ne doit ni exister ni décider de ce qui est juste. Seule la société est légitime à décider de ce qui est juste.
3. S'il ne revient pas à l'État de décider de ce qui est juste, il faut lui désobéir au nom de la justice
C'est ainsi que se développe, face à l'État, une certaine contestation de la justice qu'il instaure : on conteste tour à tour ces lois et sa légitimité. On conteste qu'il revienne à l'État la décision de ce qui est juste. En réponse à la structure étatique se développe l'idée de désobéissance civile : l'idée qu'il est du devoir du citoyen de s'opposer à l'État quand ce dernier bascule dans une situation où il est injuste. C'est sur le fond de cette idée que se sont développés les mouvements sociaux cités en introduction : Gandhi dénonçant, par la non-violence, la colonisation de l'Inde, Nelson Mandela dénonçant l'apartheid en Afrique du Sud, ou Martin Luther King dénonçant la ségrégation raciale aux États-Unis. L'État est considéré comme illégitime. Un auteur a théorisé cette idée de désobéissance civile : Henry David Thoreau, dans un texte qu'il intitule, justement, La Désobéissance civile, qu'il a écrit suite à son emprisonnement après son refus de payer ses impôts pour contester la guerre des États-Unis contre le Mexique et contre l'esclavage. Sa critique de l'État s'articule autour de deux aspects : par sa force, il peut rapidement être corrompu et le peuple peut être surpris et, avant même de pouvoir y résister, être pris dans les engrenages de l'État. L'État risque donc de basculer vers l'injustice. Secondement, la structure de l'État empêche de prendre une décision juste et de suivre une idée de la justice : il suit plutôt l'idée qui remporte le plus d'adhésions. On peut parler ici d'une théorie de la tyrannie de la majorité sur la minorité. Les intérêts du plus petit nombre, ou du moins de celui qui a le moins de voix peuvent être oubliés. Ainsi, lors d'une élection, on voit par exemple que les lois qui seront passées correspondront à un seul des partis, celui victorieux au final, sans prendre en compte nécessairement les idées de justice défendues dans les autres parties. Henry David Thoreau appelle donc à redonner un rôle à chacun et laisser le moins possible de pouvoir à l'État. Ainsi, selon le philosophe, l'État ne doit pas décider de ce qui est juste : c'est à l'individu de le faire.
Les exemples déjà utilisés peuvent être réemployés et analysés selon de nouvelles perspectives, pour les préciser ou les nuancer. Ces reprises créent une continuité et un raisonnement qui fonctionnent ensemble. Ici, les exemples de l'introduction sur les mouvements sociaux sont analysés à l'aide des concepts déployés et donc leur rôle est précisé.
On voit donc la légitimité de l'État à décider de la justice être mise en cause. Sa force, condition des lois, est d'ailleurs la raison pour laquelle sa légitimité est mise en doute. Cependant, on a vu que sans loi on risquait le désordre. Mais que faire si cette même loi peut devenir illégitime ? Ainsi, comment concilier le rôle de l'État et sa légitimité ? N'est-ce pas une nouvelle conception de la structure et du rôle de l'État vers laquelle nous sommes conduits ?
Construire un plan et notamment une troisième partie est parfois compliqué. Quelques questions peuvent aider à structurer un plan classique, mais efficace. Quelle thèse évidente peut-on poser en première idée ? Quelle limite peut lui être opposée en deuxième partie ? Quel élément peut être ajouté à la première partie pour répondre à la mise en question de la deuxième partie ?
III. Comment organiser l'État de façon à ce qu'il soit légitime dans ses décisions et ses actions ?
1. L'État ne décide pas de ce qui est juste : il fait respecter un droit
Ainsi, le risque de l'État est son autoritarisme, mais son pouvoir légal sert un rôle d'organisation sociale. Il faut donc repenser un État conciliant ces deux aspects. C'est ce que se propose de faire John Locke dans son Traité sur le gouvernement civil. Il reprend l'idée de contrat social proposé par Thomas Hobbes, avec quelques nuances importantes. La première, c'est que John Locke repère des droits naturels dans l'hypothèse de l'état de nature. Ces droits sont les droits de liberté, de propriété, de vie et de justice. Ainsi, à l'état de nature, je vis, je suis maître de ma propre vie, je peux m'approprier des biens, et me faire justice moi-même. Selon lui, c'est ce droit de se faire justice soi-même qui cause les troubles à l'état naturel, engendrant une violence permanente, chacun se vengeant en évaluant mal le rapport entre le tort subi et le mal commis. Il faut donc passer un contrat donnant le droit de la justice à l'État, et uniquement à l'État. Je perds ce droit naturel en échange d'une structure sociale garantissant ma vie, ma propriété et ma liberté. C'est le deuxième changement important qu'il opère sur la théorie de John Locke : l'État n'est plus un souverain tout-puissant. Il est limité par le droit naturel. Un gouvernement qui utiliserait la force de l'État et qui ne respecterait ni mon droit à la vie, ni celui à ma liberté ou à ma propriété, serait un gouvernement qui subirait un soulèvement et une désobéissance. John Locke fonde un droit à la désobéissance en pensant une limite à l'État : le droit naturel. C'est à partir de ces droits qui ne sont pas institués par la loi, mais qui existent du simple fait que nous naissons en tant qu'être humain qui limitent le pouvoir de l'État. L'État ne décide plus de ce qui est juste, il se contente d'assurer dans la société la justice naturelle.
Les philosophes procèdent par réponse, nuance, rectification des théories qui les ont précédées. En dissertation, répondre à une première théorie émise par un philosophe et la nuancer permet de construire une argumentation fluide et pertinente. Ici, Thomas Hobbes, étudié en première partie, est nuancé par John Locke, puis Jean-Jacques Rousseau. S'appuyer sur ces évolutions historiques peut aider à construire un plan solide et pertinent.
2. Quand l'État s'arroge le droit de décider de tout, il devient injuste : il faut limiter son pouvoir de décision
Pour poursuivre et confirmer cette hypothèse de John Locke, on peut s'appuyer sur ses Lettres sur la tolérance, dans lesquelles il analyse les rapports entre État et religion. Il montre ainsi qu'un État est illégitime à décider de la religion de ces citoyens. Il ne peut pas dire qu'une religion est plus juste, plus vraie ou plus légitime qu'une autre et l'imposer. Et cela pour plusieurs raisons : tout d'abord, il ne peut pas contrôler la foi des individus, puisque la foi est intérieure et qu'il ne peut agir que sur les corps des individus, par des peines de prison ou des châtiments corporels. Ensuite, parce qu'il ne peut pas savoir quelle religion est la meilleure : le souverain n'étant qu'un être humain comme les autres. Enfin, et surtout, parce que s'il essaie d'imposer une religion, au nom de la justice, il bafoue le droit à la liberté et entraîne le désordre et les contestations qu'il est supposé éviter. Ainsi, il ne revient pas à l'État de décider quelle religion est juste. De manière plus générale, ce cas montre qu'il ne revient pas à l'État de décider d'une vie juste : il doit assurer la sécurité et les droits naturels des individus, chacun peut alors mener une vie selon ses conceptions.
Un auteur peut être repris et réutilisé, que ce soit pour le nuancer ou préciser son propos. Ici, on imagine une reprise de la théorie de John Locke dans un cas particulier, celui du droit à la religion, pour donner un exemple de sa théorie.
3. L'État est légitime à décider de ce qui est juste s'il correspond à la volonté des citoyens
Enfin, on pourrait toujours questionner comment, dans les faits, un État doit s'organiser pour éviter un abus de son pouvoir. C'est, en un sens, la question que se pose Jean-Jacques Rousseau dans Le Contrat social, en reprenant les théories de Thomas Hobbes et John Locke. En effet, il repère une liberté naturelle, liberté qui change et risque de se perdre à l'état social. Comment donc retrouver une liberté dans l'État ? Ce que repère Jean-Jacques Rousseau, c'est qu'on ne peut accepter l'idée que l'État est comme un père de famille décidant pour les citoyens de la façon dont ils doivent mener leur vie. La loi n'est pas la règle familiale. Il va donc faire l'hypothèse d'un contrat social dans lequel chaque citoyen donne toute sa liberté à tous les autres citoyens et, qu'en échange, il reçoit la liberté de tous les autres citoyens. La conséquence étant que je suis soumis aux autres, mais que je les commande aussi. L'hypothèse de Jean-Jacques Rousseau le conduit à définir l'État comme l'ensemble des citoyens qui sont à la fois souverains quand ils légifèrent et décident des lois et sujets quand ils suivent ces mêmes lois. Ces citoyens doivent donc émettre les lois non pas en suivant leur intérêt particulier et personnel, sans quoi la loi deviendrait oppressive et dans l'intérêt de quelques-uns, mais en suivant l'intérêt général, c'est-à-dire en se plaçant du point de vue de l'ensemble des citoyens. Ainsi, je pourrais vouloir avoir le droit de posséder un fleuve pour louer son utilisation aux autres, mais je ne peux pas le vouloir du point de vue général puisque les autres pourraient aussi m'imposer une loi similaire, ce que je ne peux désirer. L'État, structuré par ses citoyens, devient légitime et apte à décider de ce qui est juste. Ainsi pour qu'un État puisse décider de ce qui est juste, il faut qu'il soit structuré pour correspondre à l'intérêt général et donc fait par et pour les citoyens.
Conclusion
Ainsi, revient-il à l'État de décider de ce qui est juste ? On a vu dans un premier temps que, dans les faits, l'État est celui qui légifère, donc qui décide de la justice sur un territoire. Cependant, on a montré que la force par laquelle il légifère peut être contestée et perçue comme illégitime, au service de quelques-uns et non de la société et de l'individu. On a donc pu reproposer une nouvelle forme de l'État garantissant les droits individuels et le pouvoir de décision de la société à décider elle-même de ce qui était juste. C'est cette structuration de son pouvoir qui permet à un État de décider légitimement de ce qui est juste.
La conclusion doit montrer la manière dont la réflexion a permis une réponse au sujet. Une reprise du sujet permet de rappeler le point de départ puis dresser une esquisse des concepts et de leurs articulations pour amener la position finale permettant de résumer la copie et conclure.