Étymologiquement, le devoir désigne le fait d'être redevable à quelqu'un. Pour en examiner les ressorts, il convient donc de distinguer deux aspects : l'origine (comment en suis-je venu à être redevable ?) et la destination (à qui suis-je redevable : autrui, moi-même… ou les deux ?).
L'origine du devoir est-elle divine (édictée par un dieu ou des dieux), naturelle (il préexisterait à notre éducation), rationnelle (il serait le résultat de la réflexion humaine) ou sociale (les liens sociaux le définiraient) ? Cette question très débattue implique de s'interroger sur sa nature.
Selon Nietzsche, le devoir naît de la dette. Je fais mon devoir parce que je me sens débiteur ; si je ne paye pas ma dette, je serai passible d'une sanction.
Kant, en revanche, ne voit pas dans le devoir une contrainte mais une émancipation. En me conformant à mes devoirs, mon moi raisonnable — celui qui me permet d'agir conformément à ce qui est juste — me libère des passions et désirs que voudrait m'imposer mon moi sensible.
Ainsi, partis de l'origine du devoir, nous glissons vers la question de sa destination : est-ce que j'accomplis ce que je dois pour moi-même ou pour les autres ?
Pour Kant, la finalité du devoir est à la fois universelle et individuelle. Elle est universelle, car le devoir, en tant qu'« impératif catégorique », exige que nous agissions uniquement selon des maximes que nous souhaiterions respectées par toute l'humanité. Elle est individuelle car le devoir, en tant que loi morale, assure mon autonomie raisonnable contre les limitations qui me livreraient aux seuls sens.
Toutefois, Hegel estime que, si la destination d'une action est le bien commun, le devoir peut exiger de ne pas agir selon des lois morales pour y parvenir : c'est le but visé qui compte, pas les moyens. Cela s'approche de la position de John Stuart Mill, philosophe britannique du xixe siècle, pour qui le seul critère qui doit nous guider est de ne pas nuire directement à autrui. Dans cette perspective, les conséquences des actions l'emporteraient sur toute autre considération.
En conclusion, comme l'a montré Bergson, la question du devoir rejoint celle de l'obligation sociale. Le devoir ne désignerait-il alors rien d'autre que la pression exercée par une société sur la raison de l'individu ?