Toute votre concentration est à présent dirigée sur le jury. Mettez-vous dans la peau d'une personne interviewée. Certes, il faut préparer l'entretien en amont. Mais l'essentiel se joue dans la compréhension des questions qui vous sont posées.
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Rodin, Le Penseur.
Comprendre les questions posées
Pour comprendre, il faut prendre le temps de réfléchir. Pendant une à cinq secondes, vous assimilez calmement les termes employés par le jury. Si besoin est, vous lui demandez de reformuler ou préciser – mais pas systématiquement.
D'ailleurs, se lancer de but en blanc dans sa réponse fait mauvaise impression. Vous sembleriez complètement négliger les questions.
Ces dernières peuvent prendre des formes très variées. On peut cependant les répartir en trois catégories selon les types de réponses qu'elles appellent :
• les questions à réponse classique ;
• les questions à réponse ouverte ;
• les questions à réponse brève.
Comprendre une question posée c'est identifier, au-delà de sa technicité, à quelle catégorie elle appartient. Parce qu'à chaque type de question correspond une attente plus ou moins précise de l'examinateur.
Les questions à réponse classique
La plupart des questions exigent une réponse structurée d'environ deux minutes. Il s'agit principalement de celles que votre examinateur aura préparées en amont – et vous aussi ! Ces questions classiques sont celles que vous pouvez anticiper le plus facilement. Elles découlent naturellement de votre projet.
Le jury s'attend donc à ce que vous parliez sans discontinuer pendant au moins une minute. Prenez la parole en toute autonomie, et ne demandez pas quand vous devez vous arrêter.
Le fil conducteur doit être la question telle qu'elle a été précisément posée par l'examinateur. Ne partez pas dans tous les sens.
Au-delà d'une minute environ, et en particulier quand vous pensez avoir donné assez de détails sur cette question précise, interrogez votre examinateur du regard.
S'il donne l'impression de vouloir intervenir, faites une courte pause à la fin d'une idée, et donnez-lui l'opportunité d'enchaîner sur une autre question.
S'il est plutôt réceptif et attentif, glissez subtilement vers un autre développement que vous maîtrisez, en explicitant bien le lien avec la question posée.
Exemple
Le grand oral d'un candidat traite de la genèse de la Comédie humaine d'Honoré de Balzac au début des années 1830 en spécialité humanités, littérature et philosophie. La première question du jury porte sur le résumé des Chouans, premier roman qui fera par la suite partie du projet réaliste. Après sa réponse d'une minute relativement exhaustive, il sent que le jury ne s'apprête pas à intervenir. Il propose donc soit d'approfondir sur la préparation de l'écriture des Chouans, pour laquelle Balzac a séjourné deux mois chez des militaires à la retraite, soit de résumer une autre des œuvres qui composeront le premier volet de la Comédie humaine : Scènes de la vie privée. Il prouvera ainsi sa connaissance approfondie du sujet en analysant Le Bal de Sceaux, ou Modeste Mignon.
Les questions à réponse ouverte
D'autres questions donnent l'impression d'être très générales, voire peu claires. Elles constituent en réalité des prétextes à ce que vous vous exprimiez librement sur votre projet. L'examinateur n'a pas d'attentes précises quant au contenu, mais il évalue l'autonomie et la pertinence de votre réaction.
Avant de se lancer dans la réponse à ce deuxième type de question, il importe de prendre le temps de réfléchir soigneusement. Ai-je bien compris la question posée ? Est-elle aussi générale que ce que je crois ? À ce stade, vous pouvez demander à votre examinateur de reformuler ou préciser sa demande.
Une fois que vous êtes certain de la latitude dont vous disposez, utilisez au mieux votre liberté. Ces questions, à condition de bien les aborder, vous permettront de compléter votre exposé, par des détails que vous maîtrisez bien. Vos digressions doivent être bien structurées et garder un rapport logique avec la question.
Exemple
\bullet Quel lien pouvez-vous faire entre votre projet et… ?
\bullet Les questions qui portent sur votre opinion. (« Que pensez-vous de… ? » ; « Croyez-vous que… ? »)
Les questions à réponse brève
Plus occasionnelles, ces questions portent sur un détail. L'examinateur vous interroge sur un aspect très précis, comme une donnée, un fait, une théorie. Il peut aussi vous demander de confirmer ou d'infirmer tel ou tel aspect. Une fois que vous aurez répondu, il pourra faire une remarque et vous poser une question plus vaste.
Ce sont les seules questions où vous pouvez admettre ne pas connaître la réponse. Si vous ne connaissez pas telle donnée précise, tant pis. Les questions les plus pointues interviennent souvent quand la prestation du candidat est déjà très bonne. L'examinateur, constatant l'étendue du savoir du candidat, lui pose cette question en guise de bonus. Mais s'il ne sait pas y répondre, il ne sera pas pour autant sanctionné.
Exemple
\bullet Quelle est la température d'ébullition du lait ?
\bullet Quelle est la formule du binôme de Newton ?
\bullet « Vous me confirmez que vous aviez bien affirmé que les classes sociales et les catégories socioprofessionnelles étaient deux concepts différents ? » Dans cette question, l'examinateur ne vous demande pas de définir de nouveau ces concepts, mais d'apporter une simple confirmation. Il s'appuiera certainement sur votre réponse brève pour vous demander de préciser la définition de l'un ou de l'autre.
Une réponse efficace et organisée
Une réponse efficace commence par un lien clair avec la question, quelle qu'elle soit. On peut même en reprendre exactement les mêmes termes au début.
On énonce ensuite le premier axe de réponse, avant de l'étayer par des faits, des données, des raisonnements.
Vient ensuite le deuxième axe de réponse, qui suit la même logique, tout en se rapportant de nouveau à la question posée. Et ainsi de suite.
En somme, une réponse efficace est une réponse qui suit un plan, dont chaque partie permet d'éclairer un peu différemment la question posée. Ce plan doit aller du plus évident vers le plus subtil.
Prenons la question d'histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques : « Quelles dynamiques sont en jeu dans la volonté de sécessions des populations de certains pays de l'Union européenne ? » Une bonne manière de procéder serait d'envisager successivement les dimensions politique, économique, culturelle, en trois temps différents.
Quand la question est fermée – réponse par oui ou par non –, la plupart du temps il s'agira d'apporter une réponse nuancée, en pesant les aspects positifs et négatifs.
Par exemple, la question « La sensibilité à l'art est-elle en train de disparaître aujourd'hui ? » incite à développer une réponse en deux temps, l'un qui abonde dans son sens, et l'autre qui la réfute.
Le comportement du jury
Étudiez bien l'attitude et la gestuelle du jury. S'il vous encourage à développer au-delà de la question de détail, vous le sentirez. Il faut dégager une certaine confiance en soi, et approfondir ses idées, mais sans oublier son jury.
À tout moment du dialogue, vous pouvez lui demander s'il souhaite que vous continuiez sur telle ou telle voie. N'en abusez pas, cependant.
Le jury aura un nombre minimum de questions à poser, qu'il notera dans son rapport. On peut estimer qu'il en posera environ cinq. Le dialogue n'est donc pas un exposé bis, mais un véritable échange.
Diogène de Sinope
Au ive siècle av. J.-C., le philosophe cynique Diogène de Sinope était réputé pour son mode de vie excentrique – il vivait dans un tonneau sans aucune ressource –, ses provocations répétées dans l'espace public, et son sens de la repartie.
Les Athéniens défilaient régulièrement devant lui pour lui poser des questions philosophiques et profiter de ses traits d'esprit. Voici l'exemple d'un passant qui l'interpelle : « Eh, le philosophe, tu sais ce qui vieillit le plus vite chez les humains ? – La bienveillance, répond Diogène. – Et ce qu'il y a de plus beau au monde ? – Le franc-parler ! Et toi, tu es un casse-pieds. »
Le grand oral offre peu de possibilités d'un tel cynisme, ou de provocations. Mais un peu de légèreté et d'humour dans le dialogue peuvent détendre l'atmosphère. Associée à une prestation sérieuse, approfondie et fluide, la repartie sera bienvenue !
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À éviter coûte que coûte
\bullet Ne pas répondre.
\bullet Répondre sans prendre en compte la question posée.
\bullet Faire des réponses trop courtes.
\bullet Être à l'origine de moments de silence trop prolongés.
\bullet Répondre tout de suite (il faut réfléchir).
\bullet Empêcher son examinateur de poser certaines questions.
\bullet Couper la parole de l'examinateur.
\bullet Répondre de façon confuse, sans logique.
Qualité de l'interaction
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