L'exposition du problème (ou narration)

La narration dans les parties du discours, plus qu'une histoire, est l'exposé des faits. La façon de les présenter est déterminante. En général, une narration doit être sobre, claire, vraisemblable, brève et fonctionnelle, puisqu'elle prépare l'étape suivante : l'argumentation. Un exposé de Grand oral comporte nécessairement une narration très brève, qui prend environ une minute trente. Le travail principal est celui d'une sélection rigoureuse. Et surtout, il s'agit de donner à ses examinateurs des idées de questions pour la suite de l'épreuve. Le candidat doit réussir à montrer qu'il ne fait état que d'une toute petite partie des faits, mais qu'il pourrait en développer bien d'autres.
La narration dans le discours du 17 septembre 1981 de Robert Badinter sur l'abolition de la peine de mort.
L'exposition du problème (ou narration) - illustration 1
par iBooCREATION – Travail personnel, CC BY-SA 3.0
Le 17 septembre 1981, Robert Badinter – alors ministre de la Justice – prononce à l'Assemblée nationale un discours demandant l'abolition de la peine de mort. La loi est promulguée le 9 octobre 1981. Après un exorde clair et sobre, voici le début de la narration.
« Près de deux siècles se sont écoulés depuis que, dans la première Assemblée parlementaire qu'ait connue la France, Lepeletier de Saint-Fargeau demandait l'abolition de la peine capitale. C'était en 1791. Je regarde la marche de la France. La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l'éclat des idées, des causes, de la générosité qui l'ont emporté aux moments privilégiés de son histoire. La France est grande parce qu'elle a été la première en Europe à abolir la torture malgré les esprits précautionneux qui, dans le pays, s'exclamaient à l'époque que, sans la torture, la justice française serait désarmée, que, sans la torture, les bons sujets seraient livrés aux scélérats. La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l'esclavage, ce crime qui déshonore encore l'humanité. Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d'efforts courageux, l'un des derniers pays, presque le dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort.
Pourquoi ce retard ? Voilà la première question qui se pose à nous. »
Analyse de la narration
→ En partant d'une simple date, Robert Badinter inscrit le moment de son discours dans le cours de l'histoire de France. Ce faisant, il confère une dimension historique à la décision que s'apprête à prendre l'Assemblée nationale. Son discours solennel flatte les députés, et joue sur leur orgueil. Badinter en appelle à leurs sentiments.
→ L'anaphore « la France est grande », la personnification de la France qui en crée une allégorie, ainsi que les différentes énumérations, renforcent la gravité, et même la majesté, de son propos.
→ Le commentaire de sa propre voix (« et je baisse la voix pour le dire ») plonge sa propre personne au sein de son discours. Par ce « métadiscours », il affirme sa personne, et exprime subtilement sa honte du retard de la France sur ce sujet. Il s'agit d'un argument de valeurs.
→ La dernière phrase, qui constitue le début de l'argumentation, montre à quel point la narration est habilement menée : elle lui sert de support au développement de son raisonnement.
Et pour l'épreuve ?
Inscrire son exposé de grand oral dans un contexte large lui donne encore plus de valeur. Montrez que l'aspect précis que vous examinez ne sort pas de nulle part. Il appartient sinon à une histoire, du moins à un champ où figurent d'autres thématiques très importantes.
Il s'agit d'un oral concis de vulgarisation et d'appropriation personnelle d'un sujet. Plus vous rendrez votre propos accessible, comme Robert Badinter, plus vous révélerez vos qualités d'orateur. Soyez donc clair.
Si votre sujet s'y prête, vous pouvez employer des arguments de valeurs. Il est attendu que quelqu'un s'indigne de l'inhumanité, la pauvreté, la déforestation…
Enfin, vous pouvez adopter un ton solennel, selon le sujet que vous traitez. Attention à ne pas l'employer à mauvais escient, sous peine de produire un effet ridicule. Veillez aussi à ne pas verser dans la prise de position trop tranchée, si la question que vous traitez est polémique, éthique ou politique.
Dans d'autres contextes
Si vous devez un jour prononcer un long discours politique, vous aurez encore plus le loisir d'employer les procédés de Robert Badinter. Les références à l'histoire et aux accomplissements passés fonctionnent très bien dans ce type de discours.
Par ailleurs, la connaissance de quelques dates, chiffres, et faits précis, même en nombre restreint, donne du contenu à un discours. La narration est le meilleur endroit pour les évoquer, avant de déployer votre argumentation proprement dite. Les oraux de concours ou d'examen de très nombreuses matières gagnent considérablement à contenir de telles précisions. Cultivez donc l'anecdote !
Une narration époustouflante
Cicéron, dans ses discours Contre Verrès, fait preuve d'un art de la narration extraordinaire. De – 73 à – 71, Verrès, gouverneur de la Sicile, lève des impôts et pille les richesses. Les Siciliens font appel à Cicéron. Après le premier réquisitoire, accablant, de l'orateur, Verrès décide de ne plus assister aux débats. Cicéron prononce néanmoins quatre autres discours comme si Verrès lui faisait face. Ces textes sont des modèles antiques des procès pour corruption politique. Ils donnent à Cicéron sa réputation de maître de l'éloquence judiciaire. Il jongle entre les énumérations de faits principaux répétés.
Un exemple d'exposition du problème pour l'épreuve
Question
L'hypothèse Gaïa de James Lovelock peut-elle faire évoluer la réflexion écologiste aujourd'hui ? (biologie-écologie et humanités, littérature, philosophie)
L'exposition du problème (ou narration) - illustration 2
Exemple d'exposition
Dans le cadre d'investigations de la NASA sur la planète Mars dans les années 1960, le chimiste renommé James Lovelock a constaté l'immense différence de composition des atmosphères martienne et terrestre, qui démontrent, selon lui, l'absence de vie sur Mars. Notamment, la coexistence sur Terre entre des gaz très réactifs comme le méthane ainsi que la grande quantité d'oxygène seraient impossibles sur une planète sans vie. Cette thèse a été le point de départ de ses réflexions sur les conditions de la vie sur Terre, et donc de ses recherches approfondies qui l'ont conduit à formuler l'hypothèse Gaïa, si controversée.
En 1972, il avance que la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d'années en harmonie avec la vie ». En d'autres termes, la Terre se comporterait comme un organisme vivant, se régulant elle-même afin de se développer et survivre. La biosphère – tous les êtres vivants – interagirait avec l'atmosphère et l'environnement afin de maintenir un état d'équilibre chimique, qui permettrait à la Terre de continuer d'exister.
Si cette hypothèse Gaïa a soulevé de nombreuses critiques, elle a aussi été particulièrement féconde dans plusieurs champs scientifiques et philosophiques. Le manque de rigueur opposé à James Lovelock dans la formulation de son hypothèse ne l'a pas empêché de passer à la postérité. Reste qu'une des conséquences de la théorie initiale est que l'homme n'aurait pas à agir pour assurer l'avenir écologique de la planète, ce qui pose un sérieux problème ! Mais cette passivité a, depuis, été amendée. Peu de continuateurs sérieux de Lovelock maintiennent une telle position. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Analyse
L'exposition de cette théorie complexe est claire, brève et efficace. Les détails sélectionnés servent chacun à construire la réflexion. Le lien avec la question posée n'est jamais perdu de vue. Le jargon scientifique est expliqué ou évité. Le temps de parole, à débit lent et limpide, avoisine la minute trente.
Au reste, elle débute par une anecdote, sans s'y attarder et sans les multiplier. Celle-ci rend la présentation moins monotone et plus originale, sans pour autant en compromettre la rigueur et la précision.
À éviter coûte que coûte
\bullet Rentrer dans trop de détails et oublier l'essentiel.
\bullet Perdre de vue l'argumentation.
\bullet Adopter un ton décalé avec votre propos.
\bullet Trop anticiper l'argumentation.
\bullet Présenter confusément les problèmes et faits.