Avant de rédiger, il faut bien relire sa problématique, son plan et ses arguments pour vérifier que l'on n'a pas oublié de noter des éléments importants. Il ne faut pas rédiger toute la dissertation au brouillon : ce serait trop long. Le plan doit suffisamment détailler les éléments que l'on souhaite y développer. Certains aspects sont essentiels pour concevoir une bonne argumentation : construire ses arguments, soigner les transitions et faire un bon usage des citations.
I. Construire un argument
Chaque sous-partie doit développer un argument qu'il faut rédiger de manière cohérente. Pour chaque argument, il s'agit de :
Introduire l'idée défendue. Le correcteur doit comprendre le rôle de cet argument. Pour commencer un paragraphe argumentatif, on peut utiliser des jalons tels que : « On va défendre l'idée que… ».
Justifier cette idée à l'aide d'un exemple, d'un raisonnement ou d'un concept philosophique. Ici, il s'agit de montrer au correcteur que l'idée que l'on aborde dans l'argument est cohérente, pertinente, valable, et qu'elle s'appuie sur des éléments permettant de la défendre. On peut l'introduire par « car » ou « en effet ».
Conclure l'argument sur la réponse qu'il apporte au sujet. C'est l'étape qui permet de relier l'argument à la question qui a été posée dans le sujet et qui justifie l'usage de l'argument que vous avez choisi. On peut utiliser « donc », « en somme », « en fait », etc.
Le point focal d'un argument est le concept développé. Un exemple seul ne suffit pas car il n'est qu'un cas particulier : il faut au moins l'analyser pour montrer ce qui s'y révèle. Ce sont les distinctions conceptuelles ou les constructions philosophiques de raisonnements qui enrichissent le propos.
La bonne question
Pour chaque argument avancé et développé, il faut se demander s'il répond directement au sujet. Si la réponse est négative, il y a de grandes chances que l'argument soit hors sujet : son exposition doit être reprise.
II. Faire des transitions
Entre chaque grande partie, il s'agit de récapituler brièvement ce qui a été défendu, puis de poser une question ou un problème qui entraîne la discussion de l'argument dans la partie suivante. D'une partie à l'autre, il faut montrer que l'on ne peut pas se contenter du point de vue qui vient d'être présenté, mais qu'il doit être nuancé ou précisé par rapport à certains problèmes qu'il pose.
Il est toujours efficace soit d'utiliser une opposition de deux thèses philosophiques (par exemple, l'hédonisme contre d'autres formes de bonheur), soit de jouer avec les repères conceptuels, comme l'opposition entre accidentel et essentiel, légal et légitime, subjectif et objectif, etc.
III. Utiliser des citations
Citer n'est ni argumenter, ni prouver, ni disserter. Toute citation doit être commentée, car elle n'a pas de valeur en soi : vous devez expliquer ce qu'elle signifie et ce qu'elle apporte à votre réflexion.
Il peut arriver d'oublier le nom de l'auteur d'un concept que l'on souhaite utiliser pour appuyer un argument. Le stress de l'épreuve peut provoquer ce type d'oublis. Dans ce cas, inutile de paniquer : il faut tout de même développer l'argument en insistant sur le concept déployé. Même si le correcteur favorise les connaissances précises, il vaut mieux donner la bonne explication du concept sans le nom de l'auteur qui l'a développé, plutôt que de ne pas le mentionner dans la dissertation alors qu'il est utile à l'argumentation.
IV. Le développement commenté pas à pas
1. La structure d'un paragraphe argumentatif
« On va défendre l'idée que pour être libre, il faut apprendre à faire des choix personnels et réfléchis. [On a annoncé au correcteur ce que l'on allait chercher à montrer.] En effet, on peut observer qu'une personne qui est influencée par ses parents ou par son conjoint n'est pas libre : elle ne choisit pas par elle-même. Choisir au hasard ne serait pas non plus gage de liberté : pour faire un choix libre, il faut savoir pourquoi on choisit. C'est le cas de l'élection présidentielle : la campagne dure assez longtemps pour que chaque citoyen puisse connaître les candidats et leur programme et voter en toute liberté et non par hasard ou selon l'influence du moment. [On a utilisé un exemple – mais il ne suffit pas seul, il faut comprendre ce qu'il propose comme idée ou comme concept.] Or, selon Descartes, le plus haut niveau de liberté est atteint quand la raison s'associe à la volonté pour déterminer nos choix. En effet, la volonté seule pourrait résister aux influences extérieures, à la pression sociale. Cependant, elle n'aurait aucune raison de choisir telle option plutôt que telle autre si elle était seule. Il est donc nécessaire d'utiliser la raison pour déterminer le meilleur choix possible et le suivre, si on le veut. Or, si l'on est tous dotés de raison, seule l'éducation nous permet de l'aiguiser et de l'employer de la meilleure manière. [On a utilisé une référence philosophique et exposé un concept pour donner du sens à notre exemple et construire notre réponse.] Reprenons l'exemple des élections. Il faut être éduqué pour comprendre les arguments avancés, les propositions faites, sans quoi l'on ne peut décider en connaissance de cause. Donc, l'apprentissage qui aiguise notre raison garantit la liberté de choix : c'est la raison qui permet de garder notre indépendance sans être soumis aux influences extérieures. [On a proposé une réponse synthétique au sujet qui permet au correcteur de vérifier la cohérence de notre propos.] »
2. Soigner les transitions
Sujet 1 : « Le plaisir est-il la clé du bonheur ? » – Dans la transition qui suit, on oppose deux conceptions classiques du bonheur : la position hédoniste selon laquelle il consiste dans le plaisir, et la position selon laquelle il suppose une forme de sérénité.
« On a vu que le bonheur consistait dans le plaisir selon la thèse hédoniste, et l'on en a tiré l'idée que l'accomplissement de nos désirs permettait donc d'être heureux. [On rappelle ce qui a été exposé.] Cependant, est-ce que certains désirs ne sont pas contraires au bonheur ? Est-ce que la recherche perpétuelle de cette satisfaction n'empêche pas d'accéder à une deuxième condition du bonheur : la sérénité ? [On introduit la tension qui relance la réflexion.] »
Sujet 2 : « Parler, est-ce imposer sa vision du monde ? » – Dans ce cas, on se demande si imposer sa vision du monde dépend d'un usage accidentel de la langue ou si parler consiste essentiellement à imposer sa vision du monde.
« Parler semble nous mettre dans une situation de confrontation des points de vue, où chacun pense avoir raison et cherche à l'imposer à l'autre. S'ensuit alors un débat, une opposition dont chacun tente de sortir victorieux. Toute expression devient une expression de soi contre l'expression des autres. [On rappelle ce qui a été exposé.] Mais ne serait-ce pas alors qu'un type d'usage de la parole ? Est-ce tout le langage qui impose un point de vue, ou est-ce accidentel ? [On introduit la tension qui relance la réflexion.] »
3. Du bon usage de la citation
Citer une phrase de Bergson sur le sujet « Parler, est-ce imposer sa vision du monde ? » ne suffit pas : il faut donner un exemple, expliquer le sens de la phrase citée et montrer en quoi elle sert le propos.
« C'est au niveau même de la langue que le fait de parler impose une vision du monde. Parler, c'est essentiellement utiliser une vision du monde, imposée par le langage. C'est ce que montre Bergson dans L'Énergie spirituelle, quand il écrit : ”Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu'elle s'éparpille en mots.“ La pensée doit s'éparpiller en mots pour médiatiser nos idées. Que veut-il dire ? La pensée est confuse, emmêlée quand elle n'est pas encore posée dans les mots. Les mots seront alors les cadres de la pensée. Or, ces mots viennent d'une langue qui porte une certaine façon de penser, de raisonner, d'exprimer un point de vue. Par exemple, le français ne possède pas la forme it neutre de l'anglais pour penser l'inanimé. Une langue n'est pas neutre et les mots employés sont porteurs d'un point de vue : utiliser les termes noir, black ou nègre pour désigner la même personne à la peau noire ne véhicule pas la même information. Exprimer une idée, avec certains mots plutôt que d'autres, témoigne d'un point de vue. Les mots que l'on emploie et ceux que l'on choisit déterminent une certaine conduite et une certaine pensée. »
4. Utiliser un concept sans nom d'auteur
Sur le même sujet « Parler, est-ce imposer sa vision du monde ? », l'argument ne mentionne pas la source de son argumentation qui est la question du goût et de son expression telle qu'on la trouve débattue dans des textes de Kant, selon qui le jugement de beauté requiert un assentiment universel, ce qui le distingue du jugement de l'agréable.
« En utilisant le langage, on forme une opposition du soi et de l'autre pour affirmer notre façon de penser. [On annonce ce que l'on va chercher à démontrer.] En effet, accepter le discours de l'autre sans contestation, sans apport est vécu comme une forme de soumission. Il est difficile d'accepter que l'autre puisse proposer un point de vue qui nous est contraire ou différent. [On propose une justification de notre première affirmation.] On voit ce besoin de se confronter à l'autre apparaître dans plusieurs situations. Prenons d'abord le cas du différend artistique : quelqu'un dit que telle chanson est belle, et je ne suis pas d'accord ; je me sens obligé de le signaler. Car derrière l'usage du mot belle, mon interlocuteur m'impose, d'une certaine manière, d'être d'accord avec lui. Or, je sens alors que mon jugement pourrait être menacé, que l'on pourrait tenter de me faire taire, et que l'on pourrait se revendiquer de mon silence pour affirmer que ”tout le monde est d'accord avec moi pour dire que telle chanson est belle“. [On propose un premier exemple qui confirme notre analyse.] Parler du monde, c'est le commenter, et ce jugement n'est pas qu'individuel : c'est un fait social qui réclame en ce sens une discussion. On trouve, de manière assez similaire, ce comportement chez l'enfant qui apprend à parler : soudainement, il va répéter non à chaque question. Ce non est une manière d'affirmer qu'il a sa volonté, qu'il est indépendant, qu'il a le droit à ses choix. [On propose un second exemple qui vient renforcer notre propos.] Apprendre à parler, c'est aussi apprendre à vouloir, à juger, à être soi-même. À travers nos mots, on s'expose et l'on se confronte aux autres consciences, et à leurs mots. [On répond à la question soulevée en expliquant l'opposition que l'on trouve au cœur du langage.] »