Sujet national, seconde partie, exercice 2, juin 2017

Énoncé

Sujet d'étude : l'Inde depuis 1947
Document 1
Bilan de la démocratie indienne vers 1960
« Il est incontestable, à la fin des années 1950, que l'Inde a réussi son indépendance. Les formidables menaces qui pesaient sur la survie et l'unité du pays, afflux des réfugiés, guerre frontalière, marasme économique, morcellement politique, ont été levées. Le pays s'est donné un corps d'institutions, une politique de développement, une personnalité internationale… L'Inde est un des rares pays du Tiers-monde où fonctionne un véritable système démocratique. Contrairement à bien des pronostics, cette démocratie a survécu à la mort de son fondateur, Nehru, et ne semble menacée, en 1960, ni par une révolution ni par un coup d'État… »
Source : Jacques Pouchepadass, L'Inde au xxe siècle, 1975.

Document 2
Un État en quête de puissance
« Les élections législatives organisées entre le 7 avril et le 12 mai 2014 ont été saluées pour les nouveaux records qu'elles ont permis d'établir : près de 815 millions d'électeurs étaient invités à voter dans « la plus grande démocratie du monde » et deux tiers d'entre eux ont rempli ce devoir citoyen, ce qui fait passer le taux de participation de 59,7 % en 2009 à 66,3 %. Autre fait sans précédent, le Congrès national indien (INC en anglais) – lointain héritier du mouvement d'indépendance animé par le Mahatma Gandhi (18691948) – […] a enregistré la pire défaite de son histoire […] avec seulement 19,3 % des voix. […] Le grand vainqueur du scrutin est le BJP (Bharatiya Janata Party), le parti nationaliste hindou dont la « vague safran » (la couleur de l'hindouisme) a submergé le pays. […] Il s'agit d'un tournant dans l'histoire politique de l'Inde […] le BJP prône en effet une idéologie de l'« hindouité » largement dirigée contre les minorités religieuses. […]
Une autre menace pesant sur la démocratie indienne vise l'état de droit. La corruption a été au cœur de la campagne électorale en raison des scandales qui ont marqué le second mandat de Manmohan Singh(1), notamment dans les secteurs des télécommunications et des mines. […]
L'image de l'Inde – donc son soft power – se trouve remise en cause par des atteintes nouvelles concernant la place des minorités religieuses, le respect de la démocratie parlementaire, la lutte contre les inégalités, la vertu des personnalités politiques et la liberté d'expression. […] On rappellera que l'Inde est le pays qui présente le plus important nombre de pauvres au monde : entre 500 millions et 700 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté […] soit entre 40 et 60 % de la population totale. […] Ces atteintes s'ajoutent à d'autres. La montée d'une intolérance d'origine nationaliste hindoue affectait déjà les artistes et les viols suivis d'assassinats dont la presse s'est fait l'écho depuis quelques années ont jeté une lumière crue sur la condition des femmes. Si l'Inde peut toujours compter sur Bollywood pour redorer son blason, elle semble miser davantage sur un hard power qui reste toutefois assez limité. […]
L'Inde est une puissance émergente qui, dans les années 2000, s'est affirmée dans tous les compartiments du jeu international, qu'il s'agisse du hard power ou du soft power, non seulement en raison de ses succès économiques, mais aussi de son arsenal militaire, de son dynamisme démographique et de la force de séduction de son régime démocratique comme de sa capacité d'attraction culturelle. Comme d'autres pays émergents, elle semble toutefois ne pas bien savoir à quelle fin utiliser sa puissance. D'une part, elle a perdu le guide pour l'action diplomatique que lui avait légué Jawaharlal Nehru à travers un ensemble de grands principes moraux eux-mêmes hérités de Gandhi.
Le non-alignement n'était pas une politique abstentionniste ; il s'agissait au contraire d'une démarche courageuse, comme la non-violence. D'autre part, New Delhi hésite entre la poursuite d'un rapprochement avec les États-Unis amorcé dans les années 2000 et une diplomatie d'inspiration anti-occidentale dont les BRICS constituent un puissant véhicule. »
Source : Christophe Jaffrelot, revue Carto n° 24, juillet-août 2014.

Questions 
1. D'après le document 1, quelles étaient les « formidables menaces » auxquelles l'Inde était confrontée au moment de son indépendance ? Expliquez-les.
2. Relevez dans les deux documents ce qui permet de qualifier l'Inde de « plus grande démocratie du monde ».
3. Identifiez, à l'aide du document 2, les difficultés qui pèsent actuellement sur la démocratie indienne.
4. Montrez l'évolution de la place et de l'image internationales de l'Inde depuis son indépendance.
(1)Chef du Congrès national indien et Premier ministre de 2004 à 2014.

Corrigé

1. Au moment de son accession à l'indépendance en 1947, l'Inde devait faire face à plusieurs défis, dont certains constituaient même des menaces pour son avenir. En premier lieu, il lui fallait gérer la partition avec le Pakistan et les flux de réfugiés qui en résultaient. Il lui fallait aussi gérer les tensions qui avaient immédiatement éclaté avec le Pakistan, notamment à propos du Cachemire, et en Inde même, ainsi qu'en témoigne l'assassinat de Gandhi en 1947. Sur la plus longue durée enfin, il lui fallait relever le défi du développement d'un pays caractérisé par une misère généralisée.
2. L'Inde aime à se qualifier de « plus grande démocratie du monde » pour donner d'elle une image positive, notamment par contraste avec la Chine. C'est en effet « un des rares pays du Tiers-monde où fonctionne un véritable système démocratique », c'est-à-dire où les élections sont libres et régulières. C'est d'autant plus remarquable que c'est un pays vaste et immensément peuplé, qui compte pas moins de « 815 millions d'électeurs », ce qui rend l'organisation des élections particulièrement complexe à assurer.
3. Actuellement, deux défis continuent de peser sur l'avenir de la démocratie indienne. D'abord, la persistance de la pauvreté, qui affecte près de la moitié de sa population et ralentit ses ambitions d'émergence régionale et mondiale. Ensuite, la cohabitation entre les différentes communautés ethniques et religieuses composant le pays demeure difficile, ce dont témoignent notamment les succès électoraux du BJP, le parti nationaliste hindou.
4. La place et l'image internationales de l'Inde ont évolué depuis son indépendance. En effet, le pays s'est d'abord positionné sous la conduite de Nehru comme un pilier du mouvement tiers-mondiste des « non-alignés », qui prétendait se tenir à égale distance de Moscou et de Washington. Elle participa notamment à ce titre à la conférence de Bandung en 1955. Avec la fin de la guerre froide, elle a néanmoins dû repenser son positionnement diplomatique en se rapprochant des États-Unis d'une part, et du groupe des émergents réunis au sein des BRICS de l'autre. Disposant de l'arme nucléaire depuis 1998, elle préfère néanmoins mettre en avant son image positive (pacifisme gandhien, Bollywood) à destination du monde.