Les droits de la personnalité sont donnés à toute personne de droit du seul fait de son existence par naissance ou création (cas de la personne morale). Le patrimoine qui y est lié est l'un des principaux attributs de cette personnalité juridique. Formant un tout indissociable, on le détermine comme une fiction juridique définissant l'expression économique de la personne. Il est à ce titre constitué d'un actif et d'un passif composé des droits ayant une expression pécuniaire (c'est-à-dire tous les droits autres qu'extrapatrimoniaux) ainsi que des obligations et dettes.
I. Comment le droit définit-il la notion de patrimoine ?
• En France, deux visions s'opposent : la théorie classique, défendue par Charles Aubry et Charles Rau, et la théorie moderne issue du modèle allemand.
• La première de ces théories appréhende le patrimoine comme un ensemble de biens et d'obligations formant un tout : une unité juridique. Composé d'un actif et d'un passif, il regroupe dans son actif les droits évaluables en argent et dans son passif les dettes et les obligations. Il en découle, comptablement, que si l'actif est supérieur au passif, la personne est solvable. À l'inverse, si le passif est supérieur à l'actif, la personne est dans une situation d'endettement. Dans cette vision du patrimoine, le patrimoine n'existe que si la personne existe. Donc, seules les personnes de droit sont détentrices d'un patrimoine, et ce dès leur naissance et jusqu'à leur mort. Le patrimoine est inaliénable du vivant de son titulaire, il est attaché à la personne de droit et il est unique.
• À l'inverse, la seconde théorie développée par les Allemands Bekker et Brinz dissocie le patrimoine de la personne, car ce dernier n'est pas fusionné avec la personne mais est considéré comme une entité lui appartenant. À ce titre, il peut s'en détacher. C'est le principe d'affectation du patrimoine. En France, ce concept est accepté et consacré, notamment, depuis la création du statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) pour lequel le patrimoine professionnel est dissocié du patrimoine personnel et ce sans création d'une personne morale. Ainsi, l'article L. 526-6 du code du commerce énonce :
« Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale. »

Le patrimoine professionnel sera alors composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l'activité professionnelle et dont l'entrepreneur est propriétaire. Cependant, aucune de ces composantes ne saurait être affectée à un autre patrimoine.
• Toutefois, traditionnellement, le législateur reste fidèle à la conception classique d'Aubry et Rau, bien que le concept d'affectation du patrimoine soit rentré dans le droit français depuis la création du statut de l'EIRL en 2010. C'est pourquoi des décisions de justice consacrent le refus de cession de patrimoine.
II. Quels sont les caractères du patrimoine ?
• La notion juridique de patrimoine, quelle qu'en soit la conception, est liée à celle de personnalité juridique, ce qui a pour effet d'en tirer les conséquences suivantes. Tout d'abord, le patrimoine est unique même si l'individu peut en affecter une partie (cas de l'EIRL). Il n'existe donc qu'un seul patrimoine par individu, et ce dès sa naissance. En effet, le patrimoine étant un « contenant » il n'est pas tenu d'être rempli pour exister. Ainsi, l'enfant qui naît a un patrimoine qui peut être non garni de biens ou de dettes, mais disposé à en recevoir tout au long de son existence. Dans sa vision classique, comme il est lié à la personne, le patrimoine juridique est unique et indivisible (concept d'unicité du patrimoine). Les retentissements dans le monde des affaires sont importants car ils amènent à distinguer deux conceptions de patrimoine : personnel et professionnel. Or si une même personne ne peut dissocier son patrimoine en ces deux concepts (principe d'unicité), la parade consiste à créer une nouvelle personne de droit détentrice du patrimoine professionnel. Tel sera le cas des sociétés qui détiennent leur propre patrimoine.
• Le patrimoine est également incessible, insaisissable et imprescriptible. Son contenu peut certes être vendu selon le principe que chaque individu dispose librement des éléments qui composent l'actif du patrimoine. En revanche, son contenant ne peut être vendu puisqu'il s'agit d'une « universalité de droits ». De la même manière, la personne de droit ne peut céder ses dettes.
• La dernière caractéristique du patrimoine est qu'il est transmissible soit :
  • par le décès de la personne physique. On dit que l'héritier « continue » la personne du défunt s'il accepte de recevoir la succession ;
  • lors de la fusion d'une société avec une autre. Le patrimoine de la première est absorbé par la seconde.
Exercice n°5
III. Zoom sur… l'héritage sous bénéfice d'inventaire
• Lors du décès d'une personne, son patrimoine est transmis à ses héritiers qui peuvent l'accepter, le refuser ou l'accepter « sous bénéfice d'inventaire » (à concurrence de l'actif net). Cette dernière disposition permet, en cas de succession à risque, d'établir préalablement à l'acceptation définitive un inventaire du patrimoine afin d'établir le montant de l'actif et surtout du passif. Les héritiers doivent faire procéder à l'évaluation du patrimoine du défunt en faisant appel à un commissaire-priseur. Après cet inventaire, il sera possible d'accepter la succession uniquement pour certains biens et de s'acquitter des dettes qui y seraient liées.
• Ce procédé permet aux héritiers, à un moment donné, de dissocier leur patrimoine de celui du défunt et est donc en soit une dérogation au principe d'unicité du patrimoine.
Exercice n°1
Le mineur est titulaire d'un patrimoine :
Cochez la bonne réponse.
oui
non
Dès la naissance, l'enfant est titulaire d'un patrimoine. Le patrimoine est autant le contenant (actif/passif) que le contenu (droits/obligations), évalué économiquement. Par conséquent, le mineur est titulaire d'un patrimoine, même vide.