Les instruments dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre le changement climatique sont-ils efficaces ? (dissertation)

Énoncé

Dissertation.
Les instruments dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre le changement climatique sont-ils efficaces ?
Document 1
Émission spécifique de CO2 des voitures vendues
Émission spécifique de CO2 des voitures vendues
Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, 2012.
Grenelle : Lancé en juillet 2007, le « Grenelle de l'environnement » a réuni les représentants de l'État et de la société civile pour prendre des mesures à long terme en faveur de l'environnement et du développement durable.
Document 2
Volumes de transactions de quotas européens depuis le lancement du système d'échange de quotas
Volumes de transactions de quotas européens depuis le lancement du système d'échange de quotas

Volumes échangés(en millions de quotas)
Valeurs des transactions (en millions d'euros)
Prix moyen du quota(en €)
2005
262
5 400
20,6
2006
828
14 500
17,5
2007
1 458
25 200
17,3
2008
2 731
61 200
22,4
2009
5 016
65 900
13,1

Source : Mission climat de la Caisse des dépôts, 2010.
Document 3
Depuis 2008, la taxe carbone et la taxe sur l'énergie sont relevées automatiquement chaque année selon l'indice des prix à la consommation. […]
Globalement on note une réduction des émissions des gaz à effet de serre depuis 1990, et ceci alors qu'il y a eu une augmentation de la production industrielle et du PIB. Selon les prévisions actuelles, la Suède doit pouvoir atteindre son objectif national d'une réduction de 4 % des gaz à effet de serre par rapport à 1990 pour la période d'engagement 2008-2012. Il existe plusieurs évaluations de l'effet environnemental de la taxe carbone. Selon le ministère de l'Environnement […] la taxe aurait amené une réduction des émissions de dioxyde de carbone de 15 % en 1995 par rapport à un scénario sans taxe, et selon les estimations réalisées à ce moment-là, il était prévu qu'elle allait apporter une réduction des émissions de 20,25 % en 2000. L'Agence de l'énergie […] a évalué les réductions des émissions dans le secteur de l'énergie à 2,5 milliards de tonnes CO2 en 2005 par rapport à un scénario de référence de fiscalité constante au niveau de 1990. Tous les observateurs s'accordent sur le fait que la taxe carbone et les taxes énergétiques ont surtout eu pour effet une utilisation accrue de la biomasse dans les réseaux de chauffage urbain […]. Il est en effet intéressant de noter que les émissions de dioxyde de carbone du secteur chauffage seul ont été divisées par deux en 2007 par rapport au niveau des émissions en 1990.
Source : Katrin MILLOCK, « La taxation énergie-climat en Suède », Droit de l'environnement, janvier 2010.
Biomasse : La biomasse est l'ensemble de la matière organique d'origine végétale ou animale, qui comprend, par exemple, les biocarburants pour le transport.
La bonne méthode
\bullet Veiller à évoquer la notion d'externalité négative pour qualifier « économiquement » le changement climatique.
\bullet Privilégier le plan le plus simple en cas d'hésitation.
Ce qu'il ne faut pas faire 
\bullet Penser que les documents doivent être mobilisés dans le même ordre que celui dans lequel ils sont présentés dans le dossier documentaire.
\bullet évoquer les actions citoyennes ou privées en matière environnementale : le sujet vous invite à vous concentrer sur l'action de l'État.

Corrigé

Introduction
Fin 2018, dans le cadre de sa politique de transition écologique, le gouvernement d'Édouard Philippe a annoncé une hausse des taxes sur les carburants, provoquant la colère de certains automobilistes… Ce mouvement de colère allait devenir le mouvement des « gilets jaunes ». Le changement climatique désigne les transformations du climat dans le sens d'un réchauffement des températures moyennes observées. S'il a des causes naturelles, il résulte également des activités humaines productrices de gaz à effet de serre. D'un point de vue économique, le réchauffement climatique est envisagé comme une « externalité négative », il s'agit d'une défaillance de marché que l'État doit résoudre en agissant de différentes manières.
Pour lutter contre le changement climatique, les pouvoirs publics des pays du monde disposent aujourd'hui de quatre instruments principaux : la réglementation, la taxe (et son inverse, la subvention) et le marché des quotas d'émission. Ces instruments publics visant à lutter contre le changement climatique sont-ils efficaces ?
Dans un premier temps, nous verrons le principe et les avantages de chacun de ces instruments, puis, dans un second temps, nous en étudierons les limites.
I. Le principe et les avantages des instruments dont disposent les pouvoirs publics pour mener une politique climatique
1. Le principe et les avantages de la réglementation écologique
• Principe de la réglementation : c'est l'instrument le plus simple, non économique, reposant sur la contrainte.
• La réglementation qui oblige les constructeurs à réduire les émissions en CO2 des automobiles est efficace (document 1). Celles-ci sont passées de 178 g de CO2 par km en 1995 à 128 g, quel que soit le type de carburant.
• Les normes incitent à l'innovation.
2. Le principe et les avantages de la taxe et de la subvention écologique
• Principe du « pollueur-payeur » (ou de l'écotaxe) : il repose sur l'incitation. Une logique économique est en œuvre, puisqu'il permet « d'internaliser l'externalité » en lui donnant un prix. Le système du bonus (subvention)/malus (taxe) a été mis en place en France en 2008 sur les automobiles.
• Le document 3 propose un exemple d'écotaxe qui a conduit à la réduction du dioxyde de carbone émis en Suède en 1995.
• Les taxes permettent une augmentation des recettes fiscales de l'État (« double dividende de la taxe »).
3. Le principe et les avantages du marché des quotas d'émission
• Principe du marché des quotas d'émission et exemple du SEQE au niveau européen.
• Le document 2 expose la valeur des transactions sur le SEQE, multipliée par 13 (65/5) entre 2005 et 2009.
II. Les limites des instruments dont disposent les pouvoirs publics pour mener une politique climatique 
1. Les limites de la réglementation écologique
• Toute règle doit être assortie de moyens de contrôle et d'amendes dissuasives en cas d'infraction.
• La norme doit être suffisamment contraignante pour avoir un effet significatif en termes de réduction d'émissions polluantes.
• Effet pervers possible : si les voitures consomment moins d'essence, les individus peuvent être incités à l'utiliser davantage.
2. Les limites de la taxe et de la subvention écologique
• Augmentation des prix pour les ménages et/ou des coûts pour les entreprises.
• Perte de compétitivité-prix pour les entreprises, difficultés sur le plan du commerce international si tous les pays ne mettent pas en œuvre des taxes similaires.
3. Les limites du marché des quotas d'émission
• La quantité de quotas en circulation ne doit pas être trop importante pour avoir un réel effet sur la pollution.
• Si l'offre de quotas est trop élevée par rapport à la demande : effondrement du prix du quota (document 2), les agents ne sont plus incités à modifier leur comportement.
Conclusion
Ainsi, pour lutter contre le changement climatique, les pouvoirs publics disposent de plusieurs instruments : la réglementation, les taxes, les subventions et le marché des quotas d'émission. Chacun de ces instruments présente des avantages et des limites. Il semble qu'une combinaison fine de ces instruments soit le meilleur moyen de réduire significativement les émissions de GES et d'endiguer le changement climatique.
En 2017, le président Trump a annoncé le retrait futur des États-Unis des accords de Paris signés en 2015 lors de la COP 21. De nombreux pays ont déploré cette décision estimant qu'une action publique mondiale contre le changement climatique ne pourra se faire sans les efforts d'un des pays les plus pollueurs du monde…
Zoom sur…
La définition d'un bien commun et la « tragédie des biens communs »
Les biens communs sont des biens rivaux (la consommation d'un bien ou d'un service par un agent économique empêche la consommation de ce même bien ou service par tout autre agent économique) et non excluables (il est techniquement impossible d'empêcher la consommation de ce bien ou de ce service à un agent qui ne veut pas payer pour la consommation de ce bien ou de ce service).
L'environnement est composé, pour partie, de bien communs. Les poissons marins sont, par exemple, des biens communs : la pêche d'un poisson par un agent empêche celle de ce même poisson par un autre agent (rivalité) et il est techniquement difficile d'empêcher la pêche à des agents ne voulant pas payer (non-excluabilité). Le climat peut également être envisagé comme un bien commun.
Les biens communs n'appartiennent à personne et chacun peut donc en profiter gratuitement du fait de leur non-excluabilité. Il en découle une surexploitation et une dégradation inéluctable : c'est ce que les économistes appellent, à la suite de Garrett Harding (1968), « la tragédie des biens communs ».
Ne pas confondre…
Biens collectifs purs et biens communs
Les biens collectifs purs (ou biens publics) sont non rivaux et non excluables. Un phare maritime ou un feu d'artifice, par exemple, ne sont pas produits par le marché mais par l'État. Les biens communs sont rivaux et non excluables (exemples des poissons marins ou du climat ; (le climat est rival dans le sens où sa dégradation affecte le bien-être de tous et non excluable car on ne peut exclure une personne de sa consommation). Ils ont tendance à être « surconsommés ». Par opposition aux biens collectifs purs, ils ne sont pas produits par l'État.