La raison peut être définie comme une faculté de juger. Elle a deux objets principaux. Le vrai et le faux quand elle opère un raisonnement spéculatif. Le bien et le mal quand elle opère un raisonnement pratique sur nos actions. Cependant, on constate deux problèmes. D'abord, on fait de nombreuses erreurs dans les raisonnements. Ensuite, la distinction du bien et du mal varie d'un individu à l'autre. Le paradoxe de la raison repose sur la tension entre ces deux constats. Elle prétend juger de tout mais est incapable de dégager des certitudes universelles.
Pourquoi suivre la raison ? Dans La République, Platon distingue trois parties dans l'âme humaine. Il y a l'epithumia. C'est la partie désirante. Elle est liée à la satisfaction des besoins. Il y a le thumos. C'est la partie qui rend possibles les actions courageuses. Elle permet de soumettre le corps à une volonté rationnelle. Et enfin le noùs, la partie rationnelle. Cette dernière offre à l'homme l'activité contemplative. Le noùs est tourné vers les Idées. Cette fonction lui permet de contempler la vérité. Et c'est parce qu'il sait comment il faut agir qu'il doit diriger l'âme humaine.
La raison doit donc nous diriger. Est-elle alors la faculté fondamentale de l'être humain ?
Descartes, dans les Méditations métaphysiques, doute des connaissances venant des sens et de la raison. En effet, les sens nous trompent fréquemment et les erreurs de raisonnement existent. Pourtant, il y a une vérité dont on ne peut douter. C'est l'expérience du cogito. Quand je doute, il n'y a qu'une chose qui demeure : le sujet à l'origine de ce doute. C'est le « je pense ». Le fait de penser est hors de doute. Je suis alors défini avant tout comme une capacité à raisonner.
La raison est donc une capacité centrale. Mais est-elle toute puissante ? Quelles sont les limites de la raison ? Kant, dans la Critique de la raison pure, distingue deux dimensions de la faculté à raisonner. D'abord, ce qu'il nomme l'entendement. L'entendement s'intéresse aux choses sensibles pour les intégrer dans des concepts. Par exemple, lorsque l'on voit un hêtre et un chêne, l'entendement trouve ce qui les unit malgré leur diversité. Il dégage alors le concept d'arbre.
Ensuite, ce qu'il désigne comme la raison. Celle-ci a tendance à chercher des concepts au-delà de ses capacités. Elle voudrait des concepts sur des objets dont elle ne peut faire l'expérience. C'est ce que fait la raison quand elle tente de savoir si des objets tels que Dieu, l'âme ou le monde existent. Mais Kant montre que sans expérience sensible, la raison raisonne sur du vide. Et qu'elle ne peut alors dégager aucune vérité.
La raison doit donc permettre de penser et réfléchir sans dépasser son domaine. Sans quoi, elle tombe dans la déraison.