Après la structuration de l'exposé, et l'anticipation du contenu des questions posées, arrive la phase de rédaction. Rédiger, c'est choisir des mots et formuler des phrases. Par ces choix, le propos gagne à être à la fois clair, précis et élégant. En dépend le plaisir que l'auditoire éprouve à écouter l'orateur.
Le style (elocutio)
Cette étape de préparation du discours est celle du style (elocutio, en latin), selon l'Institution oratoire de Quintilien. Ce dernier fait bien la distinction entre le vocabulaire (les mots « pris isolément ») et la syntaxe (les mots « joints ensemble »). Or, isolément, les mots doivent être « clairs, élégants, et appropriés à ce que nous voulons exprimer » et, joints ensemble, ils doivent être « corrects, bien placés et figurés ». Quintilien définit précisément ce qu'il entend par ces différents adjectifs en fonction de la situation d'énonciation et du contexte. Il sera surtout question ici du vocabulaire et de la syntaxe dans le cadre d'un examen tel que le grand oral.
Trouver le ton juste
Toute interaction requiert l'emploi du juste ton. Certaines situations proscrivent un niveau de langue familier, comme un oral d'examen par exemple. Et en même temps, un niveau de langue trop soutenu est malvenu dans la plupart des situations ! Il dénoterait une certaine hauteur, parfois ridicule.
Il faut également distinguer expression écrite et expression orale. Si l'on ne doit pas écrire comme on parle, l'inverse est aussi vrai. Un discours élégant et fluide ne reprend pas les mêmes codes qu'un article ou un essai. Vous devez donc bien employer un langage oral, sans pour autant qu'il soit relâché. Un travail de fond est donc souhaitable pour que vous réussissiez à trouver les mots et les formulations justes quelle que soit la question posée.
Éliminer les tics de langage
Tout tic de langage finit par se repérer et peut agacer. Sur un temps de vingt minutes, il est très facile de répéter cinquante fois le même mot ou la même expression.
→ Reportez-vous à l'étape no 10 du carnet de bord.
Ne pas atténuer son propos
Évitez de trop utiliser les adverbes : « assez », « plutôt », « un peu », « peut-être », « probablement », « sûrement », « sans doute ». Tout en étant nuancés, vos propos doivent cependant être assertifs : vous affirmez des faits, ou avancez des hypothèses.
Éliminer l'inessentiel
Lorsque vous vous entraînez, demandez-vous toujours ce que vous pourriez éliminer afin que votre propos soit plus affûté. Tout ce qui n'apporte pas une précision importante peut être éliminé. Et il s'agit souvent d'adjectifs ou d'adverbes. On peut par exemple éliminer au moins trois adjectifs de l'énumération suivante : « Cette statue est somptueuse, sublime, merveilleuse et fabuleuse. »
Le jargon
Lors de l'épreuve, vous allez évoquer des concepts techniques, que vous avez rencontrés dans vos recherches. Essayez de ne pas multiplier les termes de jargon, et, si vous le faites, n'hésitez pas à revenir régulièrement aux définitions des termes. Vous avez en face de vous un spécialiste du domaine large, mais pas forcément du sujet précis.
La règle du neveu de douze ans
L'expert en communication politique Florian Silnicki (www.lafrenchcom.fr/) conseille aux spécialistes d'un sujet précis et technique de s'exprimer face à un auditoire de non-spécialistes comme avec leur neveu de douze ans. Ils ne seront pas tentés d'être trop simplistes – il a tout de même douze ans ! – et en même temps ils élimineront tout jargon susceptible d'obscurcir leur propos. Pour ce qui est de l'épreuve, il s'agit de trouver un équilibre entre précision scientifique et vulgarisation – dans les termes employés, le raisonnement, les sous-entendus. Comment savoir si l'on ne simplifie pas trop son propos dans l'exposé ou les étapes suivantes, préparées en amont ? Vos professeurs référents sauront vous le dire.
Une syntaxe claire, précise et variée
La simplicité et la clarté l'emportent toujours sur le raffinement et l'élégance. Votre priorité est de bien faire comprendre votre raisonnement et vos idées. Pour ce faire, privilégiez les phrases courtes. Si vous êtes très à l'aise vous pouvez allonger certaines phrases, mais entrecoupez-les toujours de moments plus concis et percutants.
À l'oral, l'unité de la phrase s'entend par les pauses que vous prenez : courtes (virgules) ou longues (points ou points-virgules). Marquez-les bien.
En général, suivez la règle suivante : une phrase par idée.
Par ailleurs, un discours agréable varie les types de phrases. En plus de phrases affirmatives classiques, agrémentez donc vos prises de parole de questions, de phrases nominales, et, si le sujet s'y prête, d'exclamations et d'injonctions.
« Chant I » de l'Art poétique de Nicolas Boileau (1674)
« Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Ces deux vers très connus de l'écrivain Nicolas Boileau soulignent la parenté entre la rigueur de la pensée et la manière de la formuler. Faites vôtre cette maxime, quand vous rédigez vos discours, et quand vous vous entraînez à répondre à des questions.
Le style oral - illustration 1
Nicolas Boileau.
Sujet-verbe-complément
La structure classique de vos phrases affirmatives suit l'ordre « sujet-verbe-complément ». Au moins une phrase sur deux doit être construite ainsi. À titre d'exemple, comparons ces deux paragraphes :
Paragraphe 1 : « Le 17 septembre 1793, au cœur de la période de la Terreur, caractérisée par de nombreuses exactions dont la guillotine symbolise l'innommable cruauté, le général Beysser, battu par les Vendéens à Montaigu, au cours d'une bataille de tirailleurs marquée par les intempéries, est arrêté par le gouvernement et incarcéré, deux semaines plus tard, à la prison de l'Abbaye, avant d'être jugé sommairement et exécuté le 13 avril 1794. »
Paragraphe 2 : « La période de la Terreur en France s'est caractérisée par de nombreuses exactions. La guillotine en symbolise l'innommable cruauté. Dans ce contexte, le général Beysser est battu par les Vendéens lors de la bataille de Montaigu le 17 septembre 1793. Celle-ci s'est résumée à un combat de tirailleurs marqué par les intempéries. En conséquence, le général est arrêté par le gouvernement. Deux semaines plus tard, il est incarcéré à la prison de l'Abbaye. Après un procès sommaire, il meurt exécuté le 13 avril 1794. »
Analyse :
Le paragraphe 1 est composé d'une seule longue phrase, sans que les idées soient hiérarchisées. Les nombreuses propositions circonstancielles et appositions alourdissent de détails le cœur du propos. Il faut attendre longtemps avant de trouver le groupe verbal.
Au contraire, le paragraphe 2 comporte surtout des phrases affirmatives simples, qui suivent la structure « sujet-verbe-complément ». Elles sont presque toutes reliées par des connecteurs logiques : « en », « ce », « celle-ci », « en conséquence », « plus tard ». Seule la dernière phrase n'en contient pas. Mais justement, la progression du raisonnement est tellement claire que l'on peut en faire l'économie.
Cet exemple schématique a surtout pour vocation de montrer que les phrases affirmatives simples, bien articulées, sont gages de clarté. Bien sûr, vous pouvez vous permettre plus de souplesse, et intégrer des phrases plus complexes ici et là !
Le style oral - illustration 2
© Studio_Serge_Aubert/iStock
Réorganiser sa phrase
Pour varier sa syntaxe et éviter les répétitions de structures, vous pouvez réorganiser certaines phrases. Les exemples sont innombrables. En voici un :
• « Les changements de stratégie ne sont pas toujours bénéfiques. »
• « Changer de stratégie n'est pas toujours bénéfique. »
• « Il n'est pas toujours bénéfique de changer de stratégie. »
Les modalités expressives
Dans le cadre de l'épreuve, vous aurez l'occasion d'utiliser les modalités expressives ponctuellement. La question que vous traitez dans l'exposé constitue déjà une vraie question. À celle-là s'ajoutent :
Les questions rhétoriques
Dans votre premier discours, par exemple, vous pouvez employer une ou deux questions rhétoriques. Celles-ci sont de fausses questions, car elles appellent soit une réponse évidente, soit une réponse impossible. Elles rendent le moment du discours expressif et créent un lien avec l'auditoire.
Ainsi, au lieu d'affirmer : « La physique quantique est un champ de recherche captivant » ; vous pouvez vous interroger : « La physique quantique n'est-elle pas un champ de recherche captivant ? » Ce type de question rhétorique s'identifie souvent par sa tournure négative (comme dans la locution-phrase « n'est-ce pas ? »).
Certains enchaînements de questions rhétoriques engendrent une sorte de dialogue virtuel. Prenons : « Les hétérocéphales, ou rats-taupes glabres, paraissent repoussants. Est-ce une raison pour les éradiquer ? Ils dévastent certaines cultures dans des pays d'Afrique de l'Est, comme la Tanzanie. Mais n'ont-ils pas des vertus qui rendent intéressante l'étude de leur comportement ? »
Comme pour tout trait stylistique, il convient de ne pas en abuser. Sur un discours de quelques minutes, limitez-vous à deux questions rhétoriques maximum.
Les questions rhétoriques chez Victor Hugo
Dans son discours à l'Assemblée nationale législative le 9 juillet 1849 (« Détruire la misère »), Victor Hugo interpelle ses confrères députés dans ses premières phrases :
« La misère, Messieurs, j'aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ? »
Peu importe si les députés répondent « oui » ou « non », Victor Hugo leur exposera les faits. Ces questions rhétoriques colorent son discours d'une forte tonalité polémique, et contribuent à la vivacité de son engagement.
Les phrases nominales
Les phrases nominales, sans verbe conjugué, produisent un effet d'insistance sur leur groupe nominal. Comparons les deux paragraphes suivants :
Paragraphe 1 : « Comme n'importe quel marché, le marché monétaire fonctionne sur le principe de l'offre et de la demande. De même que sur le marché de la pastèque, des stylos Bic ou du gazon synthétique, plus la demande est élevée, plus le prix augmente, de même, plus la demande de monnaie fiduciaire est élevée, plus son prix augmente. »
Paragraphe 2 : « Le marché monétaire fonctionne sur le principe de l'offre et de la demande. Comme n'importe quel marché. Plus la demande de monnaie fiduciaire est élevée, plus son prix augmente. De même que sur le marché de la pastèque, des stylos Bic ou du gazon synthétique. »
Le deuxième paragraphe est rendu percutant par les deux phrases nominales. À l'oral, ils sont perceptibles par la pause forte aux points.
Les injonctions
Les discours se prêtent parfois à l'utilisation d'injonctions, en particulier lorsqu'est utilisé le registre polémique. L'orateur interpelle à l'impératif soit son auditoire, soit une tierce personne. Les hommes politiques ont fréquemment recours à ces injonctions. Les discours d'oraux académiques peuvent les intégrer modérément. Voici quelques exemples d'emplois judicieux :
• « Les recherches de l'océanographe Harald Sverdrup ont transformé radicalement la vision des courants océaniques. Prenons (ou Prenez) sa théorie de circulation des océans, celle-ci est considérée comme inédite. »
• « Ayons l'honnêteté de ne pas négliger les conséquences écologiques des déchets nucléaires. »
• « Imaginons un cas de figure hypothétique où le ressentiment irait de pair avec la gratitude. »
La première personne du pluriel est la plus pertinente pour ces impératifs, même si la deuxième peut parfois être envisagée. Dans tous les cas, ne mettez pas ces injonctions au service de causes discutables, avec lesquelles votre jury pourrait ne pas être d'accord.
Les tournures exclamatives
Les phrases exclamatives se perçoivent à l'oral par une intonation ascendante, et par des adverbes ou adjectifs exclamatifs. Elles peuvent être bienvenues, comme dans :
• « Bien qu'il ait eu d'extraordinaires intuitions, presque personne n'avait entendu parler de lui ! »
• « Quelle question épineuse que celle de l'absence d'intrigue dans le roman contemporain ! » (adjectif exclamatif)
• « Très surprenant, ce phénomène ! » (phrase nominale exclamative)
Le style oral - illustration 3
© Makhbubakhon Ismatova/iStock
Les rythmes
La construction des phrases affirmatives leur donne un certain rythme. Par exemple, les énumérations deviennent incisives, en les organisant intelligemment.
Les groupes nominaux ou adjectifs peuvent être listés par deux, en rythme binaire : « Gorilles de plaines de l'Ouest et cercopithèques pogonias, bongos et sitatungas, hyènes et servals, tous les mammifères du parc national d'Odzala-Kokoua au Congo offrent des particularités remarquables. » Dans cette phrase les noms d'animaux procèdent par deux, et sont regroupés par catégories d'espèces.
Les rythmes ternaires (en trois temps) confèrent une dimension solennelle à l'énumération : « L'art baroque offre plusieurs traits hautement caractéristiques. Les émotions véhiculées relèvent davantage de la passion, de l'ardeur et de la fureur, que du calme, de la réflexion et de la lucidité. Quant aux techniques, les artistes baroques ont recours aux couleurs chaudes, aux contrastes et au clair-obscur. » Ces trois énumérations ternaires embellissent les phrases par un équilibre harmonieux.
Outre ces deux tours, la syntaxe peut pousser les jeux de rythmes encore plus loin par :
• les parallélismes, où une structure est répétée, avec des termes différents : « Nos comportements sont définis par notre capital social. Nos goûts sont conditionnés par notre capital culturel. »
• les anaphores, où les mêmes termes commencent chaque phrase ou proposition : « L'ironie amuse, l'ironie distrait, l'ironie blesse. »
La période rhétorique
Une période rhétorique est une phrase assez longue, qui comporte une montée (protase), laquelle culmine éventuellement en un sommet (acmé), pour se résoudre en une descente (apodose) et se conclut parfois en une clausule. La protase expose un problème, un enjeu, une situation, une tension, et l'apodose le désamorce, l'éclaircit et le traite.
Les périodes bien équilibrées sont la marque des grands orateurs, comme Cicéron. Voici un exemple de période employée par Dominique de Villepin, lors de son intervention à l'Organisation des Nations Unies contre la guerre en Irak, le 14 février 2003 : « À ceux qui se demandent avec angoisse quand et comment nous allons céder à la guerre, je voudrais dire que rien, à aucun moment, au sein de ce Conseil de sécurité, ne sera le fait de la précipitation, de l'incompréhension, de la suspicion ou de la peur. » En italique figure la protase, et en gras l'apodose. Sont soulignés l'acmé et la clausule.
Le style oral - illustration 4
Dominique de Villepin par Marie-Lan Nguyen –Travail personnel, CC BY 2.5/WikiCommons
Les temps verbaux
Autant que possible, exprimez-vous au présent de l'indicatif, à valeur de vérité générale (« L'empathie est un sentiment humain. »).
Si vous vous référez à des faits passés, employez le passé composé à valeur de narration (« Il a mangé une salade. ») ou d'exposition de fait (« Valéry Giscard d'Estaing a remporté les élections présidentielles de 1974 »), ou encore l'imparfait de description (« Elle était généreuse. ») ou d'action continue (« L'épidémie battait son plein. »).
N'utilisez le conditionnel que si vous avez une réelle hypothèse à avancer : « Le sensationnalisme des médias serait la cause de l'appauvrissement intellectuel d'une certaine frange de la population. » Il faut alors préciser la source.
Quant au futur, il est dévolu aux évènements à venir à partir d'aujourd'hui : « La population mondiale ne cessera pas de croître de sitôt. »
Qualité de la prise de parole en continu
Le style oral - illustration 5
À éviter coûte que coûte :
\bullet Penser que l'échange aura lieu sur un ton plus relâché que l'exposé.
\bullet Négliger la construction des phrases.
\bullet Uiliser un seul schéma de phrase pour tout son discours.
\bullet Les tics de langage.
Attention ! Il faut dire :
\bullet « Le sujet duquel je vous parle » et non « Le sujet que je vous parle. »
\bullet « En quoi le gorille est-il un animal féroce ? » et non « En quoi le gorille est un animal féroce ? »
\bullet « Nous nous demanderons en quoi le gorille est un animal féroce. » et non « Nous nous demanderons en quoi le gorille est-il un animal féroce ? »