Exercices d'application : la présentation des questions

Exercice 1. Rédaction de l'exorde de votre question
Dans l'espace « introduction » que vous avez laissé à l'étape no 10 de votre carnet de bord, rédiger l'exorde de l'une des deux questions que vous avez choisies. Faites deux phrases pour une captatio benevolentiae efficace et deux autres pour une partitio claire.
Exercice 2. Jacques Chirac à Johannesburg
Cherchez sur YouTube le discours de Jacques Chirac du 2 septembre 2002 au IVe Sommet de la terre à Johannesburg. Écoutez-en l'exorde (les premières minutes) et expliquez ce qui le rend remarquable.
Exercice 3. Une exposition terrible des faits par Cicéron
Extrait de la « Cinquième action contre Verrès », discours prononcé par Cicéron en 70 av. J.-C. Cicéron évoque l'injustice d'un citoyen romain Publius Gavius, qui croise le chemin du terrible gouverneur de Sicile, Caïus Verrès.
« Ce Gavius, dont je parle, avait été jeté dans les carrières, comme tant d'autres, il s'en évada, je ne sais par quel moyen, et vint à Messine. À la vue de l'Italie et des murs de Reggio, échappé des ténèbres et des terreurs de la mort, il se sentait renaître en commençant à respirer l'air pur des lois et de la liberté : mais il était encore à Messine ; il parla, il se plaignit qu'on l'eût mis aux fers, quoique citoyen romain ; il dit qu'il allait droit à Rome. […]
Gavius fut conduit aussitôt devant le magistrat. Le hasard voulut que ce jour-là Verrès lui-même vînt à Messine. On lui narre l'histoire de Gavius ; et aussitôt il se transporte au forum, ne respirant que le crime et la fureur. Ses yeux étincelaient : la cruauté était empreinte sur tout son visage. Chacun se demandait à quel excès il se porterait, et ce qu'il oserait faire, lorsque tout à coup il ordonne qu'on amène Gavius, qu'on le dépouille, qu'on l'attache au poteau et qu'on apprête les verges(1). Ce malheureux s'écriait qu'il était citoyen romain, habitant de la ville municipale de Cosa ; qu'il avait servi avec Prétius, chevalier romain, actuellement à Palerme, et de qui Verrès pouvait savoir la vérité. Ce dernier se dit bien informé que Gavius est un espion envoyé par les chefs des esclaves révoltés : cette imposture était entièrement dénuée de fondement. Ensuite il commande qu'il soit saisi et frappé par tous les licteurs(2) à la fois.
Juges, un citoyen romain était battu de verges au milieu du forum de Messine ; aucun gémissement n'échappa de sa bouche, et parmi tant de douleurs et de coups redoublés, on entendait seulement cette parole : ”JE SUIS CITOYEN ROMAIN“. Il croyait par ce seul mot écarter tous les tourments et désarmer ses bourreaux. Mais non ; pendant qu'il réclamait sans cesse ce titre saint et auguste, une croix(3), oui, une croix était préparée pour cet infortuné, qui n'avait jamais vu l'exemple d'un tel abus du pouvoir. »
Question
En quoi cette narration prépare-t-elle bien l'argumentation de Cicéron ?
Exercice 4. L'argumentation de Jean Jaurès dans son discours du 28 novembre 1908 contre la peine de mort
Exercices sur la présentation des questions - illustration 1
Jean Jaurès plaide en faveur de l'abolition de la peine de mort. Dans une narration claire et polémique, il montre que les criminels ne deviennent criminels qu'à cause de la société qui les a rejetés dans leur pauvreté. Un tel rejet crée chez eux un orgueil et un égoïsme tels qu'ils commettent un crime. Après ce récit, intervient le moment de l'argumentation.
« Je le répète, ce que nous reprochons avant tout à la peine de mort, c'est qu'elle limite, concentre la responsabilité de la peine de mort. C'est dans la race humaine l'absolu de la peine. Eh bien ! Nous n'avons pas le droit de prononcer l'absolu de la peine parce que nous n'avons pas le droit de faire porter sur une seule tête l'absolu de la responsabilité.
[…] Il est trop commode de trancher le problème avec un couperet, de faire tomber une tête dans un panier et de s'imaginer qu'on en a fini avec le problème. C'est trop commode de créer ainsi un abîme entre les coupables et les innocents. Il y a des uns aux autres une chaîne de responsabilité. Il y a une part de solidarité. Nous sommes tous solidaires de tous les hommes même dans le crime. »
Question
Quels arguments Jean Jaurès emploie-t-il pour étayer sa thèse ?
Exercice 5. Analyse d'une péroraison
Discours de Nelson Mandela lors de son procès du 20 avril 1964 à Pretoria.
« Au cours de ma vie, je me suis consacré à cette lutte des peuples africains. J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle tout le monde vivrait ensemble en harmonie et avec des chances égales. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et que j'espère accomplir. Mais si nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
Question
Par quels moyens Nelson Mandela cherche-t-il à toucher son auditoire dans cette péroraison ?
Exercice 6. Choix d'une conclusion
Supposons la question de grand oral suivante : « La sociologie de la famille parvient-elle toujours aujourd'hui à expliquer les choix de vie des jeunes couples français à enfants en bas âge ? » (SES)
Choisissez la conclusion qui vous semble convenir le mieux :
1. Dans une société où tout semble permis aujourd'hui, qui donc pourrait se targuer de prédire le comportement de quiconque ? Les choix de chacun échappent à toute explication. Les familles monoparentales se multiplient, au détriment des enfants, sans que le gouvernement ne réagisse correctement. Que pouvons-nous faire pour mieux maîtriser ce phénomène ?
2. La sociologie de la famille a pu proposer des modèles d'interprétation intéressants quant aux décisions que prennent certains ménages. Certes, les comportements actuels semblent échapper à certaines règles mises en évidence par le passé. Mais globalement, les jeunes couples ont une forte tendance à construire leur vie en fonction du mode de vie des parents de la femme. Mais avec la libération des mœurs, cette tendance-là volera-t-elle aussi en éclats ?
3. Proposer des modèles d'interprétation sociologique rigoureux de comportements n'est jamais aisé. Dans le cas de la sociologie de la famille, difficile de résister à la tendance de multiplier les catégories, comme nous l'avons vu. En somme, les jeunes couples décident-ils en fonction de leurs revenus, leur capital culturel, leur habitus ? Plutôt que de trancher, peut-être vaudrait-il mieux aller sur le terrain, les interroger, recouper les témoignages et dégager une loi. L'anthropologie viendrait alors au secours de la sociologie.
(1)Verges : fouets.
(2)Licteur : bourreau qui fouette le torturé.
(3)Il est sur le point de se faire crucifier.

Corrigés

Exercice 2
Toute la force de l'exorde de Jacques Chirac réside dans la métaphore « Notre maison brûle », concise et marquante. Le parallèle qu'elle établit entre le confort d'un foyer, avec le déterminant possessif « notre », qui nous concerne tous, avec la planète entière, est évocateur. Le feu constitue aussi une hyperbole du réchauffement climatique.
Exercice 3
Cicéron donne un exemple de la cruauté de Verrès. Il expose un fait en en développant les détails les plus sordides. Ce faisant, il suscite la compassion chez les juges et l'auditoire et cherche à les persuader de la culpabilité du gouverneur. Il interpelle directement ses auditeurs par l'apostrophe « juges ». Le lexique de la souffrance traverse son discours.
De nombreux procédés viennent souligner la bestialité de Verrès, comme l'allégorie de la cruauté empreinte sur tout son visage (Verrès devient alors l'incarnation même de la cruauté), ou encore la métaphore : « ne respirant que le crime et la fureur ». Chaque détail prépare ainsi l'argumentation de Cicéron.
Certains sujets du grand oral se prêtent à une telle narration de faits. Ils seront nécessairement moins développés, et ne pourront pas reposer sur des mécanismes aussi polémiques. Vous n'avez pas à plaider une cause auprès de votre jury ! Toutefois, certaines métaphores sont efficaces, et le souci du détail contribue au plaisir et à la précision du discours.
Exercice 4
Jean Jaurès emploie deux arguments principaux pour plaider contre la peine de mort. Il a recours à un argument factuel : condamner une personne à mort c'est lui faire porter le poids d'une responsabilité collective. Il utilise ensuite un argument de valeurs : « nous n'avons pas le droit ».
Cette argumentation connaît un paroxysme dans la phrase « nous sommes tous solidaires de tous les hommes même dans le crime ». Celle-ci véhicule les idéaux socialistes de Jean Jaurès. L'emploi du pronom personnel de première personne du pluriel, de l'adjectif « tous » et du présent de vérité générale ancre le discours de l'homme politique dans une réalité universelle. Badinter s'y appuiera plusieurs décennies plus tard.
Un discours à forte tonalité polémique prend d'autant plus de consistance qu'il comporte des arguments solides et bien agencés. Tout discours efficace, dont celui du grand oral, ne peut échapper à cette règle.
Exercice 5
Nelson Mandela s'implique personnellement dans son discours, à travers l'abondance des pronoms de première personne du singulier. Ce n'est pas surprenant, puisqu'il s'agit de son propre procès. Mais l'extension vers l'idée d'un combat qui concerne tous les Africains rend cette péroraison universelle. Les parallélismes « j'ai combattu » et « j'espère » font résonner ses propos de clôture du discours autour de concepts simples, percutants, dont les antithèses imagées (« blanche »/« noire » ; « vivre »/« mourir ») viennent confirmer et nuancer la portée. La répétition du terme « idéal » place son discours bien au-dessus de sa propre personne. Qui souhaite sauver cet idéal unificateur tentera de sauver Nelson Mandela. Si ce dernier meurt, cet idéal lui survivra.
Cet appel vibrant à la sensibilité de tous comporte un raisonnement solide, reposant sur l'argument de valeur universel de l'égalité des droits. La combinaison de tous ces éléments vise à toucher l'auditoire le plus large possible.
Exercice 6
Réponse 3.
La réponse 1 est catastrophique pour trois raisons principales : elle exprime un avis normatif, moralisateur, biaisé ; elle se disperse, dès la première phrase, dans des considérations qui n'ont presque plus rien à voir avec la question ; et elle est peu rigoureuse dans les propositions qu'elle avance. Les lieux communs erronés foisonnent (« tout semble permis aujourd'hui », « familles monoparentales ») et la dramatisation d'un phénomène mal cadré est peu à propos dans un oral formel. À cela s'ajoute l'absence de récapitulation. Enfin, cette réponse décrédibilise un champ entier de recherche, ce qui est déconseillé quand vous parlez devant un spécialiste de la matière !
La réponse 2 commence bien, même si le style pourrait gagner en fluidité et originalité. La récapitulation revient sur des enjeux majeurs (en supposant qu'elle est conforme au développement, bien sûr) de la question. Mais l'ouverture par la suite est beaucoup trop vague, peu cohérente, et abrupte.
La réponse 3 paraît plus équilibrée et pertinente. Après une brève récapitulation dynamique, elle nuance l'exposé et propose un prolongement efficace. Le connecteur logique « en somme » situe bien l'étape à la fin du discours.