Des politiques européennes entre compétitivité et cohésion des territoires

La diversité de ses territoires et l'originalité de sa construction politique constituent certainement les principales caractéristiques de l'Union européenne (UE). Dans le cadre du polycentrisme hérité de la mondialisation, cet espace politique, économique et culturel s'affirme comme une des grandes puissances mondiales. Pour autant, les crises à répétition de la structure politique, dont la dernière en date est la sortie du Royaume-Uni (Brexit), réduisent la portée du discours communautaire et laissent à penser que l'intégration progressive et continuelle qui se déroule depuis 1992 pourrait être remise en cause dans un avenir proche, tant par les sociétés civiles que par des acteurs politiques dits « europhobes ». Pour lutter contre les forces centrifuges, tout en restant au premier plan de la mondialisation, les politiques de l'Union européenne tentent de conjuguer compétition et solidarité entre les territoires.
I. La diversité des territoires
Les facteurs de diversité des territoires sont nombreux dans l'UE, de l'économie à la culture en passant par les systèmes politiques. Néanmoins, l'ensemble des territoires de l'Union partagent des points communs, avec en premier lieu l'attachement au fonctionnement démocratique, socle communautaire. Cet acquis démocratique prend différentes formes, du modèle ancien de la monarchie parlementaire, au Danemark ou en Belgique, au modèle républicain, de la France à l'Estonie.
La diversité économique de l'UE est importante, en particulier depuis l'intégration de l'Europe centrale entre 2004 et 2007. Le cœur économique, désigné par l'expression de « banane bleue », est constitué par la mégalopole européenne allant de Milan à Londres, en passant par Munich, Paris et Hambourg. Dans un modèle « centre et périphérie concentrique », les espaces les plus éloignés du cœur sont les plus en retard en termes de développement économique. Il ne faut toutefois pas négliger l'émergence de métropoles spécialisées, comme les villes moyennes universitaires scandinaves, telle Lund, en Suède. Et, si les vastes campagnes de l'ouest de la Pologne ont pu profiter de l'intégration pour se lancer dans la grande culture d'exportation, celles de l'est du pays restent marquées par un retard de développement.
L'indice de développement humain (IDH) évolue entre 0,938 pour l'Irlande et 0,811 pour la Roumanie, mais l'utilisation d'autres échelles fait émerger plus précisément la diversité. Sur les 281 régions identifiées par l'UE, le produit intérieur brut (PIB) le plus important se trouve au Luxembourg (78 500 €/habitant/an) et à Hambourg (RFA), tandis que c'est dans le Severozapaden (Bulgarie) et à Mayotte (8 800 €/habitant/an) que se trouvent les niveaux les plus faibles.
Des vidéos à regarder
– La création de l'UE par le traité de Maastricht, Ina, 1993
– « Les dix pays candidats à l'Union européenne », sur le sommet de Copenhague et les défis de l'élargissement de l'UE, Ina, 2002
II. Les facteurs d'intégration
Le développement économique est un facteur majeur d'intégration mais il n'est pas le seul. Les entrées les plus récentes dans l'UE reflètent également le souhait d'une grande partie de l'Europe centrale et orientale de stabiliser leur ancrage à l'ouest pour contrecarrer les influences russes en cours de réaffirmation (crise géorgienne de 2008, invasion de la Crimée ukrainienne en 2014). L'UE apparaît ainsi comme une assurance contre les ambitions du voisin russe, malgré les volontés communautaires de réaffirmation d'une Europe de paix après un xxe siècle sanglant.
Les flux intracommunautaires font de cet espace le premier pôle de l'économie mondialisée, bénéficiant de la mise en place d'une monnaie commune, expérience originale à cette échelle. Cette souveraineté monétaire est un levier d'action majeur, mais le libre choix d'adhésion à la zone euro en montre aussi les limites.
L'intégration est également permise par les flux humains, l'une des grandes réussites plébiscitées par les jeunes étudiants étant le programme Eramus+ : en trente ans, neuf millions de personnes en ont bénéficié pour un séjour à l'étranger, du collégien au sportif de haut niveau. La mise en place en parallèle de l'espace Schengen permet la libre circulation des citoyens des pays signataires. Il concerne 22 États membres de l'Union européenne et quatre États associés : la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein.
Exercice n°2
III. La compétitivité comme objectif
Assurer la position de l'Union européenne sur le plan économique est un enjeu de taille pour l'appareil communautaire. Une actualisation des priorités s'est ainsi opérée au fur et à mesure de l'intégration et de l'évolution des équilibres politiques dans les instances dirigeantes.
Si la politique agricole commune (PAC) fixe, depuis 1962, les grandes orientations agricoles, la mondialisation a également mis au cœur des préoccupations l'innovation et le développement de pointe ces dernières années. La politique des clusters a été l'une des réponses de l'Union, motivée par la réussite de modèles américains comme la Silicon Valley. L'idée en est simple : concentrer dans un même espace tous les acteurs d'une filière économique particulière pour faciliter les échanges, réduire les coûts et promouvoir l'innovation.
Les pouvoirs publics, par le biais d'agences de recherches et d'appels à projets, participent à leur mise en place en faisant appel au savoir-faire des firmes transnationales (FTN) mais aussi aux petites et moyennes entreprises (PME). Ainsi, à Lannion en Bretagne, sont regroupés un ensemble universitaire de 1 600 étudiants, des FTN comme Orange Labs ou Alcatel et près de 240 PME dans le domaine des télécommunications. Ce modèle est privilégié par l'UE, qui souhaite développer une multitude de pôles de compétitivité d'influence mondiale pour faire de l'Europe une zone centrale de l'économie de demain. Ainsi, dans le domaine maritime, le Maritime Development Center (MDC), au Danemark, apparaît comme un leader mondial du commerce maritime.
Exercice n°3Exercice n°4
Jeune femme en programme Erasmus
Jeune femme en programme Erasmus
© georgeclerk/iStock
IV. La cohésion comme nécessité
La réduction des inégalités est l'un des buts fixés par le Traité de fonctionnement de l'UE. Sur la période 2014-2020, la politique régionale de cohésion dispose d'un budget de 350 milliards d'euros pour obtenir « une croissance intelligente, durable et inclusive ». Plusieurs objectifs chiffrés lui sont fixés.
D'abord, dans le cadre d'une politique écologique, il s'agit de développer les énergies renouvelables jusqu'à 20 % du total des énergies, en faisant diminuer d'autant les émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, 3 % du PIB de l'UE doit être dédié à l'innovation et la recherche. Ensuite, le volet social est pris en compte puisque 75 % des 20-64 ans doivent accéder à l'emploi et 40 % être titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur. Enfin, des politiques spécifiques visent à réduire la pauvreté et l'exclusion sociale. Les régions concernées sont celles dont le PIB est inférieur à 90 % de la moyenne européenne, l'accent étant mis sur celles dont les chiffres n'atteignent pas les 75 % de cette moyenne. Le FEDER est l'une des agences de l'Union européenne traitant directement avec les régions pour financer les projets sélectionnés sous forme de cofinancement.
Exercice n°5
Zoom sur…
Un euroscepticisme croissant dans l'union européenne ?
Le Brexit est sans nul doute la plus grave crise politique que l'Union ait eu à gérer depuis 1992. Première sortie d'un État de l'Union, le Brexit, par ses soubresauts, s'est déroulé sur quatre ans, entre le référendum de 2016 et la sortie officielle de l'UE en février 2020 sans que, pour autant, toutes les questions réglementaires aient été réglées, notamment celle concernant la frontière irlandaise. La décennie connaît paradoxalement de nombreuses crises, alors qu'un grand nombre d'Européens, en particulier à l'est, réaffirment leur confiance envers l'Union. La défiance envers des institutions européennes, souvent distantes du citoyen, accusées de lacunes démocratiques, s'accroît à l'ouest. Elle est portée par un ensemble de mouvements politiques « europhobes », du Rassemblement national en France à la Ligue du Nord en Italie. Les questions migratoires et économiques sont au cœur des critiques, l'Union étant accusée de faciliter le passage des migrants sur l'espace européen, bien qu'elle participe à la fermeture des frontières externes. Elle finance, par exemple, sur les îles grecques censées retenir les migrants, des hot spots régulièrement dénoncés par nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) comme des lieux de non-respect des règles élémentaires du droit.
L'union européenne, entre souveraineté et régionalismes
La question de la souveraineté au sein de l'Union européenne se pose, dans un contexte de mondialisation, mais aussi d'émergence ou de réveil des revendications locales ou régionales. Les États se trouvent parfois aux prises avec des volontés autonomistes ou indépendantistes qui prennent appui sur les structures européennes pour faire avancer leurs arguments. Ainsi, en 2019, une lutte se joue au Parlement européen : les députés européens élus en Catalogne, comme C. Puigdemont, sont par ailleurs poursuivis en Espagne pour leur participation au mouvement indépendantiste et le référendum de 2017. De son côté, le gouvernement régional écossais a multiplié les appels à l'Union européenne dans le cadre de la sortie du Royaume-Uni.
Gare de Glasgow en 2019
Gare de Glasgow en 2019
© martin-dm/iStock
Par ailleurs, pour la première fois, l'acquis démocratique semble mis en difficulté au cœur de l'Union avec le gouvernement autoritaire mené par V. Orban en Hongrie. Pour autant, l'Union européenne a pu, dans le passé, accepter des pays en proie à des crises politiques et humanitaires majeures. Ainsi, en 1973, le Royaume-Uni entre dans la Communauté économique européenne alors que son territoire d'Irlande du Nord connaît la période des « Troubles », qui a pu être considérée comme un moment de guerre civile : des manifestations sont brutalement réprimées (le Bloody Sunday en 1972), des prisonniers irlandais meurent en prison (Bobby Sands et neuf de ses camarades, d'une grève de la faim).
Exercice n°1
Exercice n°1
L'Union européenne naît…
Cochez la bonne réponse.
A. en 1945, à la signature de la capitulation allemande.
B. en 1957, à la signature des traités de Rome.
C. en 1992, à la signature du traité de Maastricht.
D. en 2007, à la signature du traité de Lisbonne.
En 2020, l'Union européenne compte 27 États membres et 7 pays candidats.
Exercice n°2
Quelle affirmation est juste ?
Cochez la bonne réponse.
A. Les politiques de rattrapages entreprises depuis la réunification allemande ont permis aux territoires de l'ex-RDA d'acquérir un niveau de développement comparable à celui des territoires de l'Allemagne de l'Ouest.
B. Les politiques de rattrapages entreprises depuis la réunification allemande ont permis l'intégration dans le monde capitaliste des territoires de l'ex-RDA, mais ceux-ci n'ont pu atteindre le même niveau de développement que l'Allemagne de l'Ouest.
Le pays a été réunifié après la guerre froide, mais cela n'a pas résolu toutes les disparités du territoire. Malgré les investissements massifs, le taux de chômage demeure supérieur dans l'Est et les inégalités y sont plus fortes que dans l'Ouest. Les industries n'ont pu se reconvertir dans le cadre du marché capitaliste, ce qui a conduit à une crise sociale, économique et culturelle.
Exercice n°3
Quelles FTN ici présentées sont issues de pays de l'Union européenne ?
Cochez la bonne réponse.
A. Airbus, Maersk
B. Boeing, UBS
C. Weibo, Aliexpress
La firme Airbus est issue d'une coopération à l'échelle européenne.
Exercice n°4
Qu'est-ce que le CBD d'une ville ?
Cochez la bonne réponse.
A. sa banlieue
B. son centre historique ancien
C. son quartier économique central
D. un espace urbain marqué par la multimodalité des transports
E. des quartiers populaires réinvestis par des populations aisées
Le CBD (central business district) est marqué généralement par des immeubles de grande hauteur. Dans les mégapoles, il existe souvent un CBD principal et des centres économiques secondaires.
Exercice n°5
Qu'est-ce qu'une eurorégion ?
Cochez la bonne réponse.
A. un espace constitué par plusieurs régions de pays différents mettant en place des politiques communes
B. une région ayant une frontière avec une région d'un autre pays de l'Union européenne
C. l'espace dans lequel l'euro est la monnaie
D. un groupe de pays de l'Union européenne menant des politiques communes
E. une région qui envoie des représentants permanents à la Commission européenne à Bruxelles
Les eurorégions permettent de fluidifier les circulations économiques, tout en valorisant les atouts de chacun des partenaires dans une échelle différente de celle des États.