Les canaux et les détroits, points de passage stratégiques (2)


Fiche

L'exemple du canal de Panamá et celui du détroit de Malacca illustrent parfaitement l'importance des canaux et des détroits, véritables points de passages stratégiques dans le contexte du développement du transport maritime et de la mondialisation.
I. Le canal de Panamá
L'idée d'un canal transocéanique remonte au xvie siècle : l'empereur espagnol Charles Quint, qui aurait voulu relier facilement ses possessions mexicaines aux mines d'argent du Pérou, en fait mention en 1534. Les navigateurs européens, qui ne savent pas que le continent américain s'étend presque d'un pôle à l'autre, cherchent un passage aisé vers l'océan Pacifique. Ils finissent par établir que la route maritime sud passe par le détroit de Magellan ou le cap Horn par 55° de latitude sud, et que la route nord emprunte le passage du nord-ouest, au-delà du cercle polaire. L'idée d'un canal transocéanique creusé sur l'isthme de Panamá s'impose alors.
• Le canal de Panamá est un grand canal transocéanique. Sa construction commence en 1880 sous l'impulsion du concepteur du canal de Suez, Ferdinand de Lesseps, mais les travaux ne peuvent être achevés en raison d'un tremblement de terre, d'une épidémie de fièvre jaune, de crues dévastatrices et de la faillite de la Compagnie chargée de le construire…
Ce sont les États-Unis qui reprennent l'ouvrage, finalement inauguré en 1914. La zone du canal leur est octroyée (elle ne sera rétrocédée qu'en 1979), et leur influence y est d'emblée déterminante : aujourd'hui encore, le canal est considéré comme une voie d'eau intérieure et les navires américains y ont priorité de passage.
• L'impact du canal sur le transport maritime est considérable : pour un navire reliant New York à San Francisco, le voyage passe de 22 500 km à 9 500 km ! L'ouvrage est constitué de trois groupes d'écluses, pour une longueur totale de 77 km. Environ 14 000 navires l'utilisent chaque année et on s'approche du total d'un million de navires depuis les débuts de l'histoire du canal.
Évidemment, le droit de passage est associé à une taxe proportionnelle au tonnage transporté : la plus importante, 250 000 $, a été acquittée par le porte-conteneurs Dellys Maersk en 2006. Anecdote amusante : le droit de passage le plus faible (0,36 $) a été payé par un sportif américain qui avait décidé de franchir le canal à la nage.
• Le succès du canal de Panamá est donc incontestable. Des travaux ont lieu régulièrement pour en augmenter la capacité : de 80 millions de tonnes par an en 1934, elle a atteint 280 millions de tonnes en 2005, et de nouveaux travaux projettent de la porter à 510 millions de tonnes en 2025. 37 % des porte-conteneurs actuels sont déjà trop gros pour le canal (leur format est dit « post-Panamáx »).
II. Le détroit de Malacca
• Les détroits (ces passages maritimes étroits entre deux mers) sont souvent appelés les « portes océanes ». Ce sont des axes structurants du commerce maritime mondial. Dans un contexte de croissance des échanges mondiaux, les détroits sont des points de passage obligés et constituent donc des maillons particulièrement sensibles de l'activité économique mondiale.
• Le détroit de Malacca fait partie des « portes océanes » majeures de la planète. C'est l'interface privilégiée entre l'océan Pacifique et l'océan Indien, sur la grande ligne maritime Europe/ Asie. À l'extrémité orientale de ce passage resserré entre Malaisie et Indonésie se trouve Singapour, deuxième port mondial et hub maritime de toute l'Asie du Sud-Est. Long de 800 km, le détroit se resserre à son point le plus étroit à moins de 3 km, pour une profondeur de 23 m.
• Curieusement, on ne connaît pas exactement le trafic maritime qui franchit le détroit de Malacca. Les estimations les plus sérieuses indiquent que 1 000 navires l'empruntent chaque jour. Ce chiffre semble cohérent avec les grandes routes maritimes qui passent par le détroit et desservent l'Asie du Sud-Est, la Chine littorale et la mégalopole japonaise d'un côté, l'Inde, le Moyen-Orient et l'Europe de l'autre.
• Deux types particuliers de trafic maritime expliquent l'importance majeure du détroit de Malacca :
  • les flux pétroliers en provenance du Moyen-Orient et notamment du golfe Persique via le détroit d'Ormuz, qui alimentent les économies d'Asie orientale très dépendantes pour leur approvisionnement énergétique (soit 13 millions de barils par jour, dont 80 % des importations japonaises de pétrole) ;
  • les flux de produits manufacturés en provenance d'Asie orientale, dont les porte-conteneurs alimentent les marchés européens via le canal de Suez ou le cap de Bonne-Espérance.
• L'importance du détroit de Malacca lui donne donc un caractère stratégique particulier. Le détroit — comme tous les détroits d'importance — est considéré comme voie maritime internationale, malgré la proximité des côtes des États riverains (Indonésie et Malaisie). La liberté du « passage en transit » y est garantie par le droit international, en dépit des revendications nationales.
Piraterie et terrorisme sont les risques majeurs qu'encourent les navires de commerce qui utilisent le détroit. La piraterie, en particulier, s'est développée rapidement ces dernières années : le tiers des actes de piraterie maritime dans le monde se localise dans le détroit de Malacca, considéré comme les eaux les plus dangereuses du globe. Depuis l'an 2000, la piraterie a cependant diminué : seulement une vingtaine d'attaques en 2010 contre une centaine en 2005. Les politiques de sécurité maritime semblent donc porter leurs fruits.
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