Sujet de métropole, juin 2018

Énoncé

Document
Témoignage de Jean-Jacques Auduc, né le 9 juillet 1931, près du Mans
« Mon travail était de récupérer les messages. Je venais à bicyclette, de chez ma grand-mère. Je récupérais les messages ; j'en récupérais d'autres que me donnait André Dubois. Et je rentrais à Foulletourte(1) 25 kilomètres à l'aller, 25 kilomètres au retour. J'avais 12 ans. Je franchissais les barrages allemands sans être inquiété. Je cachais les messages dans la pompe de mon vélo.
Outre mes activités d'agent de liaison, on m'envoyait aussi dans les endroits où les adultes ne pouvaient pas aller. Par exemple, les Allemands avaient positionné sur le terrain d'aviation du Mans trois escadrilles de bombardiers Junker. Les Anglais les avaient repérées et ça les inquiétait. […] On m'a envoyé avec un cerf-volant et je me suis approché le plus près possible. Les gardes – c'étaient de vieux soldats allemands – se sont même mis à jouer avec moi. À un moment, en me baissant, je me suis aperçu que les avions en question étaient en bois… C'était des leurres ! J'ai signalé ça. Les Anglais ont été rassurés. […] Il n'y avait qu'un enfant qui pouvait s'approcher sans éveiller la méfiance des soldats. C'était le 21 septembre 1943 ; pour cette action, je recevrai, le 13 juin 1945, la Croix de guerre avec étoile de vermeil. […] En novembre 1943, mes parents ont donc été arrêtés sur dénonciation. Moi, j'étais parti chez ma grand-mère pour apporter des plis. Les voisins m'attendaient au bout de la rue : "Surtout tu rentres pas chez toi parce que la Gestapo t'attend." Les Allemands voulaient absolument me prendre pour me faire parler.
On avait prévu, en cas d'arrestation, que j'aille à Chartres, chez un commandant d'aviation. Je suis parti, sans argent, sans ticket d'alimentation, sans papiers ! Traqué par la Gestapo. Ne sachant pas ce que mes parents étaient devenus. […] Entre-temps, mes parents avaient été déportés. La Gestapo ne s'intéressait plus à moi. J'ai pu rentrer chez ma grand-mère. J'ai repris l'école avec l'idée de m'engager dans les FFI(2) pour aller libérer les camps et mes parents. C'est ce que j'ai fait à l'automne 1944. J'ai rejoint les FFI de Foulletourte. On traquait les Allemands en déroute. Mais je ne suis pas allé plus loin. J'étais trop jeune pour m'engager chez le général Leclerc(3). Les Anglais m'ont récupéré, encore une fois. Ils m'ont emmené en Angleterre. J'ai vécu dans une famille d'officiers jusqu'au retour de mes parents. »
D'après Philippe Chapleau, Des enfants dans la Résistance (1939-1945), Éditions Ouest France, 2008.

Questions
1. Présentez l'auteur de ce témoignage.
2. Décrivez la situation de la France au moment des faits racontés.
Cette question fait appel, essentiellement, à vos connaissances. Ne vous contentez pas d'évoquer l'occupation de la France par les autorités allemandes. Expliquez quelle est la situation de la France depuis 1940 et les événements principaux jusqu'en 1943, année évoquée dans le témoignage.
3. Indiquez les différentes missions confiées à Jean-Jacques Auduc et la raison pour laquelle la Résistance fait appel à lui.
4. Relevez les principaux acteurs de la lutte contre les Allemands avec lesquels il a été en contact.
5. Expliquez pourquoi les actions de la Résistance pouvaient être dangereuses.
(1)Foulletourte : commune située dans l'ouest de la France.
(2)Forces françaises de l'intérieur : regroupement des principaux réseaux de résistants combattant en France.
(3)Général Leclerc : officier général des Forces françaises libres devenues l'Armée française de la libération à partir d'août 1943.

Corrigé

1. L'auteur de ce témoignage est Jean-Jacques Auduc. Il est né le 9 juillet 1931, près du Mans. À l'époque de la Seconde Guerre mondiale, il est encore un enfant. Il a 12 ans en 1943. Jean-Jacques Auduc retrace ses actions de résistance menées durant le conflit.
2. En 1943, la France est occupée entièrement par les forces nazies. Entrée dans le conflit avec le Royaume-Uni, la France subit de lourdes défaites en mai et juin 1940. Le 17 juin 1940, le chef du gouvernement Philippe Pétain décide de cesser le combat et signe, quelques jours plus tard, un armistice avec l'Allemagne nazie. Seule la partie sud du pays est « libre » de toute occupation allemande jusqu'en 1942. Se met en place un État français ayant pour capitale la ville de Vichy. Ce régime se lance dans une politique de collaboration avec l'Allemagne.
Parallèlement, la Résistance à l'occupant s'organise notamment autour du général de Gaulle, ayant lancé un appel à poursuivre le combat dès le 18 juin 1940. Trois ans après, au moment où se déroulent les faits racontés par Jean-Jacques Auduc, les réseaux de résistance s'organisent en FFI et FFL.
3. Jean-Jacques Auduc réalise plusieurs missions pour la Résistance. En récupérant, cachant et transmettant les messages, il fait office d'agent de liaison. Mais il joue aussi le rôle d'espion lorsqu'il est chargé d'approcher et d'observer un terrain d'aviation occupé par les Allemands. Enfin, en s'engageant auprès des FFI, il « traquait les Allemands en déroute ». Cette mission peut s'apparenter à des opérations militaires.
La Résistance fit appel à Jean-Jacques et à d'autres enfants car les soldats de l'occupation ou les autorités de l'État français ne les soupçonnaient pas d'activités pouvant leur nuire. (« Il n'y avait qu'un enfant qui pouvait s'approcher sans éveiller la méfiance des soldats »).
4. Jean-Jacques Auduc a été en contact avec divers acteurs de la Résistance et, en premier lieu, sa grand-mère. Ce sont les Anglais qui lui confient des missions d'espionnage. Il évoque aussi un commandant d'aviation qui l'a soutenu pendant sa fuite car la Gestapo le recherchait. Enfin, il évoque aussi les Forces françaises de l'intérieur qui regroupait les principaux réseaux de résistants combattant en France. À cause de son jeune âge, il ne peut intégrer les Forces françaises de libération.
5. Les actions menées par les résistants, afin de libérer la France de l'occupation allemande ou de protéger les personnes pourchassées (aviateurs anglais, juifs…), étaient sévèrement punies par les autorités d'occupation (comme la Gestapo) et de l'État Français.
Le témoignage évoque des arrestations, des déportations. Après les arrestations venait aussi la torture que subissaient les résistants afin qu'ils révèlent les noms de leurs compagnons ou les informations qu'ils détenaient. Ce fut le cas pour Jean Moulin. Les personnes aidant ou soupçonnées d'aider les réseaux de résistance étaient elles aussi poursuivies.
Enfin, les résistants pouvaient être exposés à des dangers au cours des missions de sabotage (explosifs) ou d'éventuels combats (embuscades, attaques, confrontations…) qu'ils menaient.