Le xxe siècle est le siècle de la violence de masse, jusqu'au génocide, c'est-à-dire l'extermination systématique d'un peuple. Le génocide arménien de 1915 est le premier en date. Comment a-t-il pu avoir lieu ?
I. L'Empire ottoman avant 1914
• L'Empire ottoman est un empire multinational centré sur la Turquie actuelle, mais débordant largement sur le Proche-Orient et le Moyen-Orient à l'est et sur les Balkans à l'ouest. En déclin depuis le xviii siècle, l'empire perd l'essentiel de ses possessions européennes dans les Balkans après les guerres balkaniques de 1912 et de 1913.
• Au tournant du siècle, l'Empire ottoman compte environ 36 millions d'habitants, dont 2 millions d'Arméniens, populations chrétiennes en pays musulman. Ces Arméniens vivent pour l'essentiel dans le très ancien royaume d'Arménie (parfois appelé Grande Arménie), au pied du Caucase, et en Cilicie, au sud de l'Asie Mineure, une région parfois nommée Petite Arménie.
• Les populations arméniennes sont, bien avant 1915, la cible d'exactions de la part des autorités ottomanes, le sultan attisant les haines religieuses contre les chrétiens pour mieux asseoir son autorité. Ainsi, ce sont 200 000 à 250 000 d'entre eux qui sont massacrés entre 1894 et 1896, notamment avec le concours des Kurdes, grands rivaux des Arméniens en Anatolie orientale.
• En 1909, le mouvement des Jeunes-Turcs prend le pouvoir dans l'empire. Ils prônent un nationalisme panturc (rassembler les populations de langue turque) et souhaitent créer une nation turque racialement homogène, ce qui explique le massacre de 20 000 à 30 000 Arméniens à Adana, dès leur prise de pouvoir.
II. Le génocide de 1915
• En 1914, lorsque éclate la Première Guerre mondiale, les Jeunes-Turcs, humiliés par l'impérialisme russe qui tente de protéger les minorités de l'Empire ottoman, poussent le sultan à rallier les empires centraux, Allemagne et Autriche-Hongrie.
• Les opérations militaires sont vite catastrophiques pour l'armée ottomane, qui bat retraite, tout en multipliant les exactions contre les populations civiles arméniennes. Les Russes se servent de la situation pour soulever à leur profit les Arméniens de Turquie, comme les Turcs ont tenté de soulever les Arméniens de Russie, quelques mois auparavant. Le 7 avril 1915, à Van, dans l'est de la Turquie, est proclamé un gouvernement arménien autonome. Au même moment, les Alliés préparent l'opération des Dardanelles.
• Les Jeunes-Turcs saisissent l'occasion pour mettre en œuvre leur projet de Turquie racialement homogène : ils décident l'élimination des Arméniens de l'Asie Mineure. Ce projet est mis en œuvre avec méthode. Le ministre de l'Intérieur turc transmet ce télégramme aux Jeunes-Turcs de la province d'Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici. » Il s'agit donc d'un projet politique, réalisé sous couvert de transférer les populations arméniennes loin du front, pour éviter leur collaboration avec l'ennemi.
• Le gouvernement turc fait ainsi désarmer les soldats arméniens de l'armée ottomane. Ces derniers sont alors employés à des travaux pénibles avant d'être discrètement assassinés. En avril 1915, l'élimination des élites arméniennes d'Istanbul, notables et intellectuels, marque le début du génocide. Les opérations ont lieu de mai à juillet 1915, dans les sept provinces d'Anatolie orientale, puis à la fin de l'année, dans le reste du pays.
• Dans tous les villages d'Anatolie, les opérations sont quasi identiques : perquisition dans les maisons des notables, qui sont torturés pour leur faire avouer un complot contre l'État ; mise à l'écart des hommes, qui sont ensuite assassinés par petits groupes ; déportation des femmes, enfants et personnes âgées, qui doivent prendre la route : le convoi est souvent décimé par des bandes kurdes, les femmes et les enfants sont parfois enlevés.
• Dans le reste de l'empire, une déportation systématique est organisée : les déportés meurent à petit feu dans de véritables camps de concentration ou sont envoyés dans le désert de Mésopotamie, où la soif les achève.
• Au total, le bilan varie de 800 000 à 1 500 000 victimes, selon les sources. Un chiffre moyen de 1,2 million de personnes est le plus couramment retenu aujourd'hui, soit les deux tiers de la population arménienne de l'empire. C'est le premier génocide de l'histoire.
III. Conclusion : débat sur le génocide
• Après la défaite de 1918, l'Empire ottoman se recentre sur sa partie turque et, en 1923, Mustapha Kemal, père de la Turquie moderne, prononce une amnistie générale pour tous les responsables du génocide. Depuis cette date, la Turquie est clairement sur une position négationniste, reconnaissant des massacres, mais niant le fait qu'ils aient été programmés dans le but de détruire les populations arméniennes, donc le fait qu'il s'agisse d'un génocide.
Exercice n°1
Qu'est-ce qu'un génocide ?
Cochez la bonne réponse.
un massacre
l'extermination systématique d'un peuple
l'extermination d'un peuple au cours d'une guerre totale
le massacre de populations civiles
Un génocide n'est pas un simple massacre, fût-il de populations civiles. Il s'agit de l'extermination programmée, planifiée, systématique d'un peuple.
Exercice n°2
Qui est responsable du génocide arménien ?
Cochez la bonne réponse.
les Turcs dans leur ensemble
des éléments incontrôlés du gouvernement turc
les Arméniens eux-mêmes
le mouvement des Jeunes-Turcs et le gouvernement turc
Le génocide arménien a été préparé, planifié, mis en œuvre par le gouvernement turc. Le mouvement des Jeunes-Turcs, qui souhaitait créer une Turquie homogène racialement, est à l'origine du génocide.
Exercice n°3
Quel est le bilan du génocide arménien ?
Cochez la bonne réponse.
300 000 morts
600 000 morts
900 000 morts
1 200 000 morts
Bien que les chiffres soient difficiles à établir, le génocide a fait entre 800 000 et 1 500 000 victimes. On retient généralement le chiffre moyen de 1 200 000 morts, soit les deux tiers de la population arménienne de l'Empire ottoman.