Les Lumières et le développement des sciences

Les xviie et xviiie siècles marquent un tournant en ce qui concerne les techniques et les savoirs dans l'histoire européenne des sciences. De nouvelles méthodes scientifiques sont mises au point, les savants échangent et confrontent leurs connaissances et des découvertes voient le jour dans un contexte d'ouverture au monde. Ce nouvel esprit scientifique passionne les élites et les cours des souverains. Les innovations scientifiques auront aussi des répercussions dans d'autres domaines, comme l'architecture ou l'économie…
I. Au début du xviie siècle : les héritages de la première modernité
1. Un contexte favorable
• Les Européens ont découvert aux xve et xvie siècles un monde bien plus complexe que celui qu'avaient décrit les Anciens. Au début du xviie siècle, les savants bénéficient de l'ouverture de routes maritimes tout autour de la planète.
• Les capitaines des navires marchands européens qui sillonnent la planète sont chargés de ramener en Europe de nouvelles plantes, de nouvelles espèces. En effet, dès le début, grâce aux découvertes scientifiques, certaines plantes américaines rencontrent au cours des siècles un grand succès auprès des populations : le tabac, en particulier, devient une plante indispensable pour de nombreux Européens ; plus tard, le maïs, la tomate, la pomme de terre et le chocolat seront des aliments recherchés.
• Des savants naturalistes étudient ces nouvelles espèces et sont amenés à remettre totalement en cause les anciennes classifications.
• De même, les avancées des mathématiques, de la physique et la découverte de nouveaux corps célestes confirment la remise en cause de la vision ancienne du monde et du ciel.
2. Les savants prennent du recul par rapport au savoir des Anciens et se heurtent à la tradition
• Au xvie siècle, la vision européenne du monde et de l'Univers est déjà profondément bouleversée, mais ce bouleversement est resté incomplet pour plusieurs raisons :
  • Les écrits des savants de l'Antiquité, et en particulier l'ouvrage de Ptolémée (env. 100-160 apr. J.-C.), mathématicien, astronome, savant d'Alexandrie, qui considère que la Terre est immobile au centre de l'Univers et que les étoiles tournent autour (on parle de géocentrisme) restent la référence jusqu'au xvie siècle et ont encore des adeptes au début du xviie siècle.
  • L'Église catholique refuse une remise en cause de certains de ses dogmes par les découvertes scientifiques.
• Le géocentrisme des Anciens, soutenu par les thèses de l'Église, est cependant réexaminé par des savants comme Copernic et Galilée. Vers 1513, Copernic, un savant, mathématicien et astronome polonais, publie anonymement pour la première fois sa théorie d'une Terre, planète comme les autres, tournant autour du Soleil (héliocentrisme) : c'est le système copernicien. Mais il faut attendre 1543 pour que sa théorie soit officiellement publiée. Elle rencontre d'emblée l'hostilité des protestants (luthériens) et de l'Église, mais aussi de la plupart des savants de l'époque. C'est en effet une révolution : elle remet non seulement en cause le géocentrisme, mais aussi les bases de la physique de l'époque.
• Adopter la théorie de Copernic, c'est donc également revoir la physique. C'est ce que fait Galilée, qui exploite les innovations techniques de l'époque (la lunette astronomique) pour défendre la théorie copernicienne. Son travail en astronomie lui vaut la condamnation du tribunal de l'Inquisition en 1633 (il n'est pas exécuté grâce au soutien de hauts dignitaires de l'Église, mais termine sa vie reclus dans sa villa ; l'Église ne reconnaissant son erreur qu'en 1992). Mais ses idées remportent un grand succès auprès des scientifiques de l'époque et son travail en physique inspirera Isaac Newton.
• Cette critique des anciens modèles se retrouve aussi dans le domaine de la médecine : au xvie siècle, les médecins Ambroise Paré et Vésale rejettent les anciennes théories sur la circulation des « humeurs » et sur l'anatomie du Grec Galien (iie siècle apr. J.-C.).
• Le début du xviie siècle constitue donc une période de transition : les idées et théories anciennes continuent d'être enseignées et soutenues par les conservateurs, tandis que les nouvelles s'imposent peu à peu et tournent la page de la science antique et médiévale.
3. De la méthode empirique à la méthode expérimentale
• Les progrès en matière de méthode scientifique ouvrent de nouveaux horizons. Les savants de l'époque moderne sont, comme les humanistes, attachés à un travail méthodique et rigoureux, nécessaire selon eux pour étudier le plus précisément possible la nature et développer les sciences. Ils sont en rupture avec le savoir empirique, uniquement fondé sur l'observation et l'interprétation de phénomènes arrivant par hasard.
• En s'inspirant des travaux de certains savants, le philosophe et homme politique anglais Francis Bacon (1560 ou 1561-1626) affirme que « les mêmes causes produisent les mêmes effets » : pour trouver une loi physique ou scientifique, il faut recommencer plusieurs fois la même expérience jusqu'à sa validation.
• De même, des scientifiques collectent des informations avec de plus en plus de rigueur scientifique : dissection de Vésale reportée sur des planches anatomiques très précises, nouvelles espèces de plantes répertoriées dans des herbiers, etc.
• Comme Galilée, les scientifiques ont aussi recours aux nouveaux outils techniques de l'époque, ce qui est critiqué par les conservateurs.Exercice n°1Exercice n°2
II. D'une science théorique à des innovations techniques (xviie-xviiie siècle)
1. Des progrès en mathématiques et en physique
• Au xvie siècle, l'idéal humaniste du savoir universel pousse les savants à posséder des connaissances dans tous les domaines. Mais, peu à peu, devant les progrès scientifiques et la multiplication des connaissances, ces érudits se spécialisent (tout en gardant l'ambition d'un savoir universel). La spécialisation atteint son paroxysme au xviiie siècle et permet l'élaboration de théories de plus en plus complexes.
• À la suite des savants du xvie siècle, les mathématiciens et physiciens (Descartes, Kepler, Newton…) font des progrès spectaculaires en algèbre, probabilités, calcul des vitesses et des accélérations (Leibniz en 1675-76), théorie de la gravitation universelle (Newton), explication du mouvement des étoiles (Kepler), lois sur la mécanique et l'optique (Huygens, Descartes), chimie (Lavoisier)…
• Pour faire progresser la science, le besoin de nouveaux outils, d'instruments scientifiques fiables et précis augmente : Pascal invente la machine à calculer, Boyle fabrique la pompe à air (pour faire le vide), les microscopes et les télescopes se perfectionnent… En Angleterre, les recherches sortent des maisons des savants pour être réalisées en laboratoires.
• Toutes ces théories sont échangées au niveau européen et discutées, confrontées les unes aux autres. Il faut fonder des organismes pour les évaluer, les valider ou au contraire les critiquer : Louis XIV, en France, crée ainsi l'Académie royale des sciences à Paris ; la Royal Society est fondée en 1660 à Londres… Ces académies naissent donc dans les deux plus grandes capitales européennes, dans des royaumes à l'économie florissante où apparaissent les premiers signes de l'industrialisation de l'Europe.
2. Vers une science appliquée
• Les découvertes scientifiques intéressent l'économie et bien d'autres domaines. Les scientifiques du xviiie siècle n'hésitent pas à réfléchir aux applications pratiques de leurs découvertes théoriques : la science appliquée se développe, entraînant des conséquences importantes dans l'évolution des sociétés européennes depuis la fin du xviiie siècle jusqu'au xixe siècle.
• L'amélioration des mathématiques et de la géométrie permet aux architectes des calculs plus précis pour leurs constructions. En France, l'ingénieur militaire Vauban crée l'École nationale des ponts et chaussées (1747).
• Les recherches sur l'hydrogène de Lavoisier et celles sur les éléments chimiques aboutissent à la mise au point du thermomètre à mercure de Fahrenheit et de la première montgolfière par les frères Montgolfier (1783). Les découvertes sur l'électricité (Benjamin Franklin) seront exploitées ultérieurement.
• Le Français Buffon et le Suédois Linné classifient les espèces végétales et animales qui pourront ensuite être comparées, ce qui ouvre la voie à de nouvelles théories au xixe siècle (en particulier la théorie de l'évolution) et permet la création par croisement de semences intéressantes. L'agronomie (théorie de l'agriculture en tant que science appliquée) est développée par des propriétaires terriens acquis aux nouvelles idées et soucieux d'améliorer les techniques agricoles.
• Le Français Papin et l'Anglais Newcomen créent en 1712, pour pomper l'eau des mines, les premières machines à vapeur, ensuite reprises et perfectionnées par l'Écossais James Watt. Cette invention permet par ailleurs la fabrication de métiers à tisser et de machines à filer mécaniques, mais aussi le pompage de l'eau dans les mines de charbon utilisé pour le procédé de la fonte au coke (Darby en 1735).
• En association avec ces innovations, la machine à vapeur de Watt marque un tournant important pour l'économie : elle va permettre la mécanisation des usines, et, indirectement, la première phase d'industrialisation de l'Europe dès les années 1780 en Angleterre.Exercice n°3
III. La diffusion des savoirs et de la science s'accélère du xviie au xviiie siècle
1. Vers une science au cœur des débats publics
• Le xviiie siècle est aussi le « siècle des Lumières » en France et en Europe. Les décisions les plus conservatrices de l'Église catholique, ses critiques des sciences, sont mal acceptées par l'élite intellectuelle et scientifique de l'époque.
• Le public cultivé est très demandeur de nouvelles connaissances scientifiques qui, jusqu'au xviie siècle, ne provoquaient que l'indifférence de l'opinion. Les découvertes scientifiques sont publiées dans des journaux comme Le Mercure de France.
• Pour répondre à cette demande, les éditeurs proposent à ces élites cultivées des livres de vulgarisation scientifique qui viennent compléter des bibliothèques privées de plus en plus importantes dans tous les domaines. L'« honnête homme » de la fin du xviie siècle et du xviiie siècle est fier de sa collection d'ouvrages géographiques, scientifiques, philosophiques, littéraires… Il se doit d'avoir des connaissances dans de nombreux domaines.
• Fontenelle publie ainsi en 1689 Entretien sur la pluralité des mondes. Le plus célèbre de ces ouvrages de vulgarisation est cependant l'Encyclopédie (Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers), publiée en trente-cinq volumes entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et d'Alembert.
• La pratique des cabinets de curiosité se développe : dans les riches maisons de la bourgeoisie et de la noblesse éclairée, mais aussi dans les grands palais des princes européens, on expose dans une pièce des collections d'œuvres d'art de grands maîtres, de grandes bibliothèques, des instruments scientifiques, des objets exotiques (défenses d'éléphant…), des vestiges archéologiques (surtout de l'Antiquité) et des objets étonnants.
2. Une « république des sciences » dans les salons, les cours des grands princes et les académies
• On a pu parler d'une « république des sciences » pour décrire ces intellectuels et cette élite cultivée. La diffusion des nouvelles connaissances scientifiques ne concerne en effet qu'une petite minorité de la population, qui se réunit dans des cabinets de lecture, des salons, des académies ou des sociétés savantes. Parmi ces savants, certaines femmes s'illustrent, comme Marie-Anne-Pierrette Paulze (« Madame Lavoisier ») ou encore Émilie du Châtelet (1709-1749), qui traduisit en français l'œuvre de Newton et démontra par l'expérience la véracité de certains principes de la physique de Leibniz.
• Les cours des grands souverains européens sont également très importantes ; on y discute des sciences, on fait venir des scientifiques qui font des expériences en public. Les princes éclairés favorisent aussi l'innovation technique et les découvertes scientifiques.
• En revanche, la très grande majorité de la population n'est pas du tout concernée et reste sur un mode de vie et des savoirs qui n'ont pas tellement évolué depuis l'époque médiévale. Ainsi, en 1783, la chute d'un ballon lancé par l'aérostier Charles Jacques provoque la panique chez les habitants du bourg de Gonesse, qui l'attaquent à coups de fourche.
• Une anecdote décrit bien ce contexte de la fin du xviiie siècle : le 14 juillet 1789, alors que le peuple parisien s'empare de la Bastille, symbole de l'Ancien Régime, Louis XVI se passionne pour l'expédition de Lapérouse autour du monde, qu'il a organisée en personne pour faire progresser la connaissance scientifique.Exercice n°4Exercice n°5
Exercice n°1
Quel géographe de l'Antiquité fait autorité jusqu'à la Renaissance ?
Cochez la bonne réponse.
Pythagore
Thalès
Thucydide
Aristote
Ptolémée
La connaissance de Ptolémée est déterminante dans la géographie du xvie siècle. Le fait que ce scientifique grec ait considéré la Terre comme plus petite que dans la réalité et n'ait supposé que trois continents est à l'origine de la recherche d'une route vers les Indes en passant par l'Ouest.
Exercice n°2
Quelle était la nationalité de Nicolas Copernic ?
Cochez la bonne réponse.
Français
Polonais
Italien
Serbe
Espagnol
Né à Frombork, en Pologne, en 1473 et mort en 1543, Nicolas Copernic développa la thèse de l'héliocentisme, à l'encontre de nombreuses autorités fondées sur la Bible ou des astronomes de l'Antiquité gréco-romaine.
Exercice n°3
Quel savant découvre la loi de la gravitation universelle ?
Cochez la bonne réponse.
Galilée
Kepler
Newton
Lavoisier
Buffon
Issac Newton énonce cette théorie en 1687 et explique ainsi les mouvements des corps célestes, révolutionnant la pensée sur l'Univers et son organisation.
Exercice n°4
En quelle année est publié le premier volume de l'Encyclopédie ?
Cochez la bonne réponse.
1695
1715
1739
1751
1789
Cette publication révolutionne les savoirs en présentant des articles sur tous les sujets, depuis la philosophie jusqu'aux sciences et techniques.
Exercice n°5
Qui est Émilie du Châtelet ?
Cochez la bonne réponse.
Une auteure de romans libertins
Une mathématicienne traductrice de Newton en Français
Une femme qui tient un salon littéraire
Une des premières femmes exerçant la médecine
La première femme académicienne
Émilie du Châtelet (1706-1749) traduisit les Principia mathematica de Newton et réalisa elle-même plusieurs expériences, notamment pour vérifier certaines théories de Leibniz ou travailler sur l'énergie cinétique.