Métropolisation, littoralisation des espaces productifs et accroissement des flux


Fiche

Les espaces productifs connaissent aujourd'hui de profondes mutations. L'intensification des flux de toute nature dans le monde profite essentiellement aux espaces qui sont très souvent les grandes métropoles et les grandes façades maritimes. Ils organisent les flux mondiaux et la présence de ces importants flux renforce à son tour le poids de ces espaces. Pour comprendre la place des différents territoires dans la mondialisation, il est nécessaire de voir quel rôle ils occupent dans ce monde de flux.
I. Des flux de toute nature et qui s'intensifient
1. Les flux matériels
Les flux matériels constituent le premier type de circulation dans l'espace mondial. Ils sont essentiellement de deux types : les flux de matières premières (25 % du total) et les flux de produits manufacturés (65 % du total). Pendant longtemps, aux xixe et xxe siècles, ces flux étaient structurés de telle façon que ceux de matières premières étaient essentiellement Sud-Nord et ceux de produits manufacturés, Nord-Sud. Aujourd'hui, la structure de ces flux est plus complexe.
Les flux de matières premières énergétiques, pétrole et gaz pour l'essentiel, sont organisés depuis les grandes zones de production vers les zones de consommation. Les États pétroliers du Moyen-Orient constituent la première zone de départ pour ces hydrocarbures, dont les principales réserves sont détenues par l'Arabie Saoudite pour le pétrole et le Qatar pour le gaz. Mais la Russie est aujourd'hui un des principaux exportateurs de gaz, et l'Angola, le Venezuela ou le Brésil sont aussi des producteurs de pétrole. Les principaux acheteurs sont l'Europe et, dans une certaine mesure, l'Amérique du Nord (mais les États-Unis disposent d'importantes réserves notamment grâce au gaz de schiste) ; on constate le poids croissant de la Chine et de l'Asie orientale en général, outre le Japon, importateur depuis plus d'un siècle.
Les flux de produits agricoles sont plus complexes. Le blé et le maïs sont essentiellement exportés par l'Union européenne et l'Amérique du Nord, et les importateurs sont les États du Moyen-Orient, d'Asie orientale. Les pays du Sud sont également exportateurs et génèrent des flux vers le Nord : café, thé, coton, cacao proviennent d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Le Brésil, quant à lui, est devenu exportateur de soja.
Les flux de produits manufacturés proviennent toujours des pays industriels développés pour ceux d'entre eux qui relèvent des hautes technologies. Toutefois, en ce qui concerne les produits de consommation courante, les flux proviennent désormais majoritairement d'Asie orientale hors Japon, essentiellement de Chine. Aujourd'hui, Chine ou Corée du Sud deviennent également émettrices de produits liés aux hautes technologies, notamment du point de vue de la téléphonie mobile ou de l'électroménager.
2. Les flux immatériels
Les flux immatériels sont de plus en plus importants. Ils représentent 25 % du total. Parmi eux, on compte les flux d'information, notamment ceux portés par Internet, démultipliés par l'accès rendu possible à Internet depuis les smartphones.
Les flux financiers ont également connu une multiplication, et la majorité des transactions sont désormais dématérialisées et réalisées depuis ou à destination de tout point dans le monde, tissant un réseau entre toutes les bourses et les banques du monde.
3. Des espaces inégalement marqués par les flux
Le monde fonctionne donc aujourd'hui en réseau. Ce qui renforce les lieux d'interconnexion de ces réseaux et marginalise les autres. Ainsi, seulement 3,5 milliards de personnes sur 7,5 milliards ont un accès à Internet. Certains territoires sont moins armés que d'autres : ceux qui sont enclavés, faute d'un accès à la mer, ceux qui sont en situation de crise politique, ceux qui souffrent d'un déficit de compétitivité.
• Aujourd'hui, l'intensification des flux est portée par plusieurs acteurs, comme les FTN ou des organisations internationales régionales (Union européenne, autres unions régionales de libre-échange, Organisation mondiale du commerce…). Les acteurs de la gouvernance économique mondiale garantissent ainsi tant que faire se peut la fluidité des flux.
L'émergence de nouveaux marchés, en Asie, en Afrique et en Amérique latine renforce les flux. Ceux-ci sont rendus possibles grâce à de nouvelles techniques permettant de diminuer les coûts et d'accélérer le transport : porte-conteneurs et ports à débarquement rapide (Singapour), terminaux pétroliers, gazoducs et oléoducs contribuent à homogénéiser les prix, quelle que soit la provenance des produits. Ceci accélère la concurrence entre les espaces. Parmi eux, les métropoles et les littoraux sont particulièrement bien armés.
Exercice n°1Exercice n°2
II. La littoralisation des espaces productifs
Le rôle des littoraux au sein des flux est de plus en plus important. Tous les littoraux ne sont pas concernés par ces mutations.
1. La littoralisation des marchés
• Le premier facteur qui entre en jeu est la littoralisation des activités. La moitié de la population mondiale habite à moins de 100 km d'un littoral. La littoralisation des populations est un fait majeur à toutes les échelles.
• Les littoraux sont attractifs en raison des activités qui s'y concentrent et l'accroissement de la population contribue à polariser encore davantage les flux. Deux des trois mégalopoles mondiales sont littorales : celle du nord-est des États-Unis et celle du Japon. L'urbanisation en Chine et plus largement en Asie orientale est liée au littoral, comme le montre l'affirmation de Shanghai, ou encore de Mumbai en Inde. Singapour doit, pour une large part, sa puissance à sa situation insulaire proche d'un passage stratégique majeur en matière de flux.
2. La littoralisation des productions
La littoralisation des lieux de consommation s'est accompagnée d'une concentration sur les littoraux des activités économiques et notamment de la production.
L'émergence de grandes zones industrielles portuaires (ZIP) est caractéristique des dernières décennies. Les grands ports à porte-conteneurs sont désormais liés à des plateformes multimodales : gares routières et ferroviaires, départ des grands réseaux de tubes depuis les terminaux gaziers ou pétroliers y contribuent.
• Le traitement des matières premières dès leur arrivée sur les littoraux a conduit à la littoralisation des industries chimiques ou pétrochimiques, par exemple.
3. La littoralisation des flux
• On constate donc, actuellement, que plus de 85 % des flux de matières premières et de produits manufacturés transitent par des zones portuaires qui constituent des hubs parmi les plus stratégiques au monde.
• La puissance des façades littorales dépend de leur situation d'interface entre un avant-pays (souvent appelé foreland) et un arrière-pays (ou hinterland). Ainsi, en Europe, la mégalopole est très bien articulée avec la façade littorale appelée Northern Range et qui s'étire de Hambourg à Dunkerque, en intégrant le port de Rotterdam, un des plus importants au monde. Elle constitue ainsi l'arrière-pays qui garantit l'importance de cette façade portuaire. Quant à son avant-pays, il s'élargit aux dimensions du monde. C'est également le cas pour la façade maritime de la mégalopole japonaise avec les ports de Tokyo ou de Kobé, ainsi que pour celle d'Amérique du Nord.
• Ces façades portuaires contribuent à mettre en relation les espaces. Littoraliser les activités permet ainsi un gain de compétitivité. Toutefois, seuls certains littoraux profitent de cette situation à l'échelle du monde. Par ailleurs, les littoraux profitent non seulement du renforcement de leur dimension productive, mais aussi de leur fonction touristique. Or, les deux sont souvent difficilement compatibles pour des questions d'environnement et d'utilisation des ressources, notamment en eau.
Exercice n°3Exercice n°4
III. Métropoles et espaces productifs
1. Les métropoles : des espaces productifs attractifs
• L'attractivité des métropoles provient tout d'abord du potentiel de main-d'œuvre qu'elles représentent, à cause de leur population importante et potentiellement bien formée. Elles sont également la garantie d'une proximité avec les lieux de pouvoir. New York, Londres, Paris ou encore Tokyo associent fortement fonctions de gouvernance économique et attractivité pour les espaces productifs. Leur population est bien formée, même si elle constitue une main-d'œuvre plus chère que celle des villes de moindre importance, sauf exception.
• Bien placées au cœur des réseaux d'échanges, certaines d'entre elles sont également situées sur des littoraux, ce qui augmente encore leur potentiel.
2. Les métropoles : des espaces productifs complémentaires et en concurrence
• Au sein des métropoles, plusieurs logiques entrent en concurrence. La première est liée aux types de productions. Les productions industrielles tendent à être reléguées loin des centres urbains, en raison de la forte valeur foncière des terrains industriels placée près des centres, ou de la pollution qu'elles peuvent générer. Les industries tendent donc à être reléguées dans les périphéries ou dans les zones industrielles portuaires. Ou encore, certaines villes se spécialisent dans des fonctions industrielles, mais renoncent ainsi à d'autres formes de fonctions métropolitaines, comme nombre de cités industrielles du nord-est de la Chine.
• Les productions liées aux hautes technologies sont en revanche bien intégrées aux métropoles. On y trouve des clusters, lieux concentrant une même activité, liés aux hautes technologies, tels les technopôles comme la Silicon Valley dans la baie de San Francisco, concentrant les lieux de recherche, de développement et de commercialisation des GAFAM. Les CBD abritent les quartiers émetteurs et récepteurs de flux financiers.
• Toutefois, les métropoles sont parfois en concurrence. En Chine, Shanghai et Pékin s'opposent souvent, affirmant leurs spécificités : l'une, ville de l'ouverture et dominée par la finance, l'autre, continentale et assurant la fonction politique. Mais Shanghai rivalise dans son domaine avec Hong Kong. En Europe, les places boursières de Francfort et Londres sont rivales tout autant que complémentaires.
3. Les métropoles : des espaces productifs face à leurs limites
• Les espaces métropolitains sont soumis à des tensions face à la place qu'ils occupent dans les systèmes productifs mondiaux.
• Le développement des activités productives oblige à mettre en place des réseaux modernes et concurrentiels, par exemple en ce qui concerne la fibre optique ou, bientôt, la 5G. Les pouvoirs publics et les opérateurs doivent donc garantir l'investissement et la compétitivité des métropoles. Les réseaux de transports intramétropolitains doivent éviter la congestion des flux tout en évitant une pollution trop importante.
• Enfin, les espaces productifs renforcent les clivages intramétropolitains. Les espaces productifs liés à la finance et aux hautes technologies tendent à définir des espaces concentrant richesse et puissance au sein des métropoles, au détriment de la mixité sociale et au prix de la relégation sociospatiale d'une part de la population.
Exercice n°5
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