Charles Baudelaire, Les fleurs du Mal : alchimie poétique

Après avoir été accusé d'« outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs », Gustave Flaubert est finalement acquitté en février 1857. Quelques mois plus tard, Charles Baudelaire doit affronter la même épreuve, mais il connaît un sort différent. Finalement condamné, il doit régler une amende et retirer certains poèmes des Fleurs du mal. La société du Second Empire a donc sévèrement jugé ce recueil dans lequel Baudelaire n'hésite pas à s'aventurer « au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ». Le poète plonge alors dans la fange pour en tirer une étonnante forme de beauté. « Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or », écrit-il ainsi dans un épilogue des Fleurs du mal resté inachevé.
I. Un maudit livre
Le fond de tes abîmes
• Le poète invite donc son lecteur à explorer « le fond de [ses] abîmes », aussi vastes et profonds que ceux de la mer, comme il le suggère dans « L'Homme et la Mer ». Cette plongée nous entraîne souvent vers la mort, qui fait office de titre pour la dernière partie du recueil. Baudelaire nous ramène vers notre propre finitude. La mort a même le dernier mot puisque dans « Le Voyage », Baudelaire écrit : « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! / Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! »
• Le lecteur n'est par conséquent pas ménagé. Baudelaire l'interpelle même volontiers grâce au jeu des apostrophes. Certaines le concernent directement, comme lorsque le poète s'adresse à son « hypocrite lecteur, — [son] semblable, — [son] frère ! » De même, à travers un dialogue fictif, c'est aussi le lecteur qui se trouve confronté à « Une charogne » ou à des « Remords posthumes ». Le poète est alors semblable à cette horloge :
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon […].

Un recueil condamné
• Baudelaire ne craint pas non plus de heurter l'ordre moral de la société du Second Empire et ce n'est pas auprès de figures rassurantes qu'il cherche refuge. Il imagine ainsi une singulière prière dans « La Litanie de Satan » :
Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !

Il célèbre en outre « Le Reniement de saint Pierre » : « Saint Pierre a renié Jésus… il a bien fait. » Le 5 juillet 1857, un article de Gustave Bourdin publié dans Le Figaro s'attaque notamment à ce poème en présentant ce recueil comme une suite de « monstruosités » : « Il y a des moments où l'on doute de l'état mental de M. Baudelaire ; il y en a où l'on n'en doute plus : c'est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes mots, des mêmes pensées. L'odieux y coudoie l'ignoble ; le repoussant s'y allie à l'infect. Jamais on ne vit mordre et même mâcher autant de seins dans si peu de pages ; jamais on n'assista à une semblable revue de démons, de fœtus, de diables, de chloroses, de chats et de vermine. Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit, à toutes les putridités du cœur ».
La violence de cet article donne le ton de la réception des Fleurs du mal. Si « Le Reniement de saint Pierre » ne fait finalement pas partie des poèmes exclus du recueil, la justice ordonne que six textes soient finalement retirés : « Lesbos », « Femmes damnées », « Les Bijoux », « Le Léthé », « À celle qui est trop gaie », et « Les Métamorphoses du vampire ». Si l'outrage à la religion n'est finalement pas retenu contre le poète, c'est bien souvent l'évocation de l'homosexualité qui heurte les représentants de la société du Second Empire. L'épreuve est douloureuse pour Baudelaire qui avait méticuleusement organisé son recueil. Elle le pousse à composer de nouveaux poèmes qui seront ajoutés à une nouvelle publication en 1861. Dans une lettre, il revient sur cette réception pour le moins houleuse et écrit : « Ce maudit livre (dont je suis très fier) est donc bien obscur, bien inintelligible ! Je porterai longtemps la peine d'avoir osé peindre le mal avec quelque talent. »
II. Un espace de tensions
Le poète et la société
• Le poète se dresse aussi, dans ses Fleurs du mal, face à la boue du monde qui l'entoure. C'est ainsi qu'il dresse un portrait parfois peu flatteur de ce « siècle vaurien », qui lui apporte plus de déceptions que de motifs de réjouissance, comme il l'écrit dans « L'Idéal ». Dans « Le Cygne », il constate également, impuissant : « Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel) ». Même lorsque le recueil offre quelques contrepoints plus lumineux, le mal s'invite rapidement dans le poème pour créer différents contrastes, comme le prouve « Réversibilité ».
Le poème suivant nous fait en outre entendre un chant qui met en lumière les défauts des Hommes : « Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde : / Que rien ici-bas n'est certain, / Et que toujours, avec quelque soin qu'il se farde, / Se trahit l'égoïsme humain »
Le poète est alors exilé, éloigné d'une société qu'il rejette et qui le rejette. Il est l'égal du « grand cygne, avec ses gestes fous / comme les exilés, ridicule et sublime ». Dans « L'Albatros », Baudelaire propose une analogie qui confirme cet isolement. « Pour s'amuser, les hommes d'équipage » capturent ces oiseaux décrits comme des « rois de l'azur », devenant soudain « maladroits et honteux » dès lors qu'ils sont « sur les planches ». À nouveau, le poème est parcouru par une série de contrastes et Baudelaire finit par conclure que « le poète est semblable au prince des nuées / […] Exilé sur le sol au milieu des huées ».
Conflits intérieurs
• Les tensions peuvent aussi traverser le cœur et l'esprit du poète. Le spleen s'oppose ainsi à l'idéal et « l'ennemi » peut aussi être intérieur : « Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie, / Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur / Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! ».
Les repères habituels sont bouleversés et le poète « se fait voyant » pour reprendre les mots de Rimbaud. De même, dans « Le Larron », nous découvrons « des fruits tout ronds comme des âmes ». À chaque fois, l'analogie permet d'associer deux éléments bien différents : elle crée un pont pour nous transporter dans un monde qui requiert aussi notre participation. Rien n'est figé dans ce jeu poétique qui laisse une part de liberté à l'imagination du lecteur.
 L'Héautontimorouménos » témoigne aussi de cette scission. « Bourreau de lui-même », comme l'indique le titre du poème, le « je », « faux accord dans la divine symphonie », est tiraillé par des forces contraires :
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Je suis de mon cœur le vampire.

Le poème devient alors un espace de dissonances qui, dans un même mouvement, s'opposent et se combinent. Pour autant, c'est aussi de ces tensions que peuvent naître l'harmonie et la beauté. Comme l'écrit encore Baudelaire dans « À une madone », il faut parfois « creuser dans le coin le plus sombre de [son] cœur » pour atteindre « une niche, d'azur et d'or tout émaillée ».
III. Métamorphoses
Alchimie
• La « boue » et « l'or » ne sont donc pas seulement opposés. Ils sont aussi complémentaires. Tout l'art du poète revient alors à sculpter une matière laide ou triviale pour en faire un objet précieux, comme un alchimiste qui réussirait miraculeusement à transformer le plomb en or. C'est ce que suggère le dernier quatrain du poème intitulé « Le Soleil ». Grâce à une analogie, Baudelaire associe ainsi le poète et le soleil car chacun « ennoblit le sort des choses les plus viles ». De même, dans « À une mendiante rousse », il parvient à trouver, derrière les marques de « la pauvreté », des traces de « beauté », comme l'indique en outre l'association des deux termes à la rime. Par la force de ses vers, il transfigure également une mendiante.
Aussi Baudelaire manie-t-il volontiers les figures d'opposition en multipliant les oxymores ou les antithèses. « Ô fangeuse grandeur ! sublime ignominie ! », écrit-il par exemple dans l'un des poèmes de « Spleen et idéal ». Le chiasme vient ici illustrer le renversement opéré par le poète. La dernière strophe du « Flacon » renforce cette troublante beauté, à la fois repoussante et attirante. Le poème est bien alors un flacon « dont jaillit toute vive une âme qui revient ».
Voyages poétiques
• Ce singulier recueil nous offre des plongées dans la noirceur mais aussi des évasions. Tout en explorant la boue du monde et de la nature humaine, Baudelaire nous propose quelques « invitations au voyage », pour reprendre le titre de l'un de ses plus célèbres poèmes. Il tire pour cela profit des « Correspondances », qui lui permettent de transfigurer la réalité pour en faire la source d'une expérience poétique. Alors « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », si bien que le recueil, tout en se faisant l'écho du chaos, peut souvent parvenir à une forme d'harmonie. On comprend dès lors pourquoi Baudelaire manie la synesthésie qui lui permet effectivement d'associer différents sens.
Exemples pour la dissertation : les enjeux du parcours
Pink Floyd : The Wall d'Alan Parker, 1982
Pink, une star du rock, dérive lentement vers la folie. Se sentant isolé du monde, il construit progressivement un mur dans son esprit, qui, brique par brique, le sépare du réel. Livré à ses souvenirs traumatiques (un père mort à la guerre, une mère trop possessive, un mariage raté), il s'égare dans l'alcool et s'abrutit devant la télévision. Perdu dans son esprit saturé d'images délirantes, il finit par organiser son propre procès.
Le chanteur de rock peut être perçu comme une version contemporaine du poète : un artiste qui chante sa douleur et transforme son mal-être en une œuvre qui pourra parler à d'autres que lui. Les prolongements par rapport à la vie et au travail de Baudelaire sont donc assez aisés à établir : absence du père, vie de bohème en marge de la société, expérience des stupéfiants. Le film permet ainsi une descente dans un esprit torturé et explore, de façon très imagée, toute la thématique du spleen. Le chanteur du groupe Pink Floyd, Roger Waters, a écrit l'album ayant conduit au film pour exorciser son angoisse dans le rapport qu'il construisait avec le public. Adulé par des stades entiers, des fans hystériques lui demandant éternellement les mêmes titres, il se sent séparé des gens auxquels il est censé s'adresser et construit cette métaphore du mur.
L'œuvre, très pessimiste, évoque davantage la boue que l'or. Mais la puissance musicale et la rage de certains morceaux permettent d'accéder à une sublimation de la douleur. Le célèbre morceau dénonçant l'éducation des jeunes anglais mêle ainsi le cri de colère et l'enthousiasme d'un refrain qui rallie toute une génération.
Le film est aussi particulièrement intéressant dans son rapport à l'esthétique et dans sa manière de mettre en image les métaphores des angoisses et de la schizophrénie. Certaines séquences recourent à l'animation, notamment pour construire le mur qui envahit la terre entière, et détournent les codes généralement utilisés pour le dessin animé destiné aux enfants. On remarquera que la thématique des fleurs est particulièrement travaillée, comme un écho aux Fleurs du Mal de Baudelaire.
Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen, 2013
New York, au tout début des années 1960. Llewyn Davis est un chanteur guitariste qui tente de percer dans le milieu, mais sans aucun succès. Il ne parvient pas à se remettre du suicide de son partenaire, qui avait créé un duo avec lui. Il passe son temps à quémander un hébergement auprès de ses connaissances, qui se lassent de l'aider, et joue de malchance malgré l'évidence de son talent pour la chanson.
Avec ce film, les frères Coen explorent la thématique du poète maudit, qui par bien des points concerne aussi la carrière de Baudelaire. Le chanteur est décrit comme un inadapté qui ne parvient pas à s'intégrer à une vie d'adulte : sans le sou, immature et irresponsable, il vit accompagné d'un chat et se retrouve la plupart du temps devant des portes fermées. La ville, froide et hostile, se résume à une séquence qui ouvre et ferme le film, à savoir une impasse dans laquelle le protagoniste se fait frapper par un homme. Son voyage vers Chicago aura la même issue : chaque opportunité semble être une occasion supplémentaire pour lui prouver que le monde ne veut pas de lui.
Habitués aux portraits de perdants (le vendeur de voitures minable dans Fargo, le joueur de bowling dans The Big Lebowski, l'écrivain sans inspiration dans Barton Fink), les frères Coen prennent néanmoins soin de ne pas se moquer de leur personnage. Certes, rien n'est fait pour le rendre particulièrement aimable, et son rapport aux autres fait de lui un être inadapté, indélicat en amour et peu digne de confiance en amitié. Les séquences dans lesquelles il joue sa musique mettent néanmoins en valeur son inspiration, la profondeur de ses paroles et la qualité de son interprétation. Malgré la boue de l'échec du personnage, le spectateur aura droit à l'or qu'a cet artiste entre les doigts. Une manière, en somme, de rendre hommage aux poètes de l'ombre, aux trésors cachés de l'art que les cinéastes donnent à voir avec empathie et délicatesse.
IV. Corpus : Alchimie poétique, la boue et l'or
Alchimie poétique ou la force magique de la poésie
Non sans référence à l'antithèse du titre du recueil baudelairien, Les Fleurs du Mal, la poésie aurait la capacité de permettre la transmutation de la boue en or, tout au moins de placer des éléments dichotomiques dans une dialectique dynamique et évolutive. Se pose alors la question esthétique de la beauté et de son fonctionnement dans la poésie.
La boue et l'or comme beauté et laideur
La femme aimée et sa beauté sont une source traditionnelle d'inspiration poétique. Le poète lui rend hommage dans des blasons (Clément Marot) ou dans des poèmes qui célèbrent la femme et qui chantent l'amour (Ronsard, Du Bellay). Senghor, dans Chants d'ombre, utilise la femme noire et sa beauté pour faire l'éloge des merveilles du monde et de la terre d'Afrique. Aragon fait d'Elsa une déesse et Musset rend un hommage posthume à la cantatrice la Malibran (Poésies nouvelles).
La laideur devient objet poétique (« Une charogne » de Baudelaire). Elle peut être celle de la vieillesse, comme celle d'Hélène chez Ronsard, ou celle de la mort dans La Ballade des pendus de François Villon. Mais la laideur n'est pas un spectacle gratuit car sa mise en scène peut révéler l'instabilité du monde et la vanité de la condition humaine, notamment dans la poésie baroque.
Les transformations bouleversantes du monde moderne peuvent également être source de tumulte et de chaos intérieur. Ainsi s'exprime une vision négative de la vie dans Les Chants de Maldoror de Lautréamont, ou une vision négative de soi-même dans « Le Crapaud » (Les Amours jaunes) de Tristan Corbière. Le poète y renverse l'image traditionnelle du poète en le transformant en crapaud, animal peu majestueux.
Les pouvoirs alchimiques de l'écriture poétique
La poésie peut aussi bien célébrer la beauté du monde que souligner sa laideur grâce à son pouvoir évocateur. Le poète use alors des ressources du langage poétique pour transformer le monde, pour représenter et/ou pour atténuer le chaos.
Exemples pour l'oral : les élargissements culturels
Garden State de Zach Braff, 2005
Andrew Largeman vit à Los Angeles, où il essaie sans succès de lancer sa carrière d'acteur. Abruti par les médicaments pour lutter contre une sévère dépression, il mène une existence terne et à distance du réel. Lorsque sa mère décède, il retourne dans la ville de son adolescence et renoue avec ses amis perdus de vue. L'occasion pour lui de faire le point sur le chemin parcouru, et de rencontrer une jeune fille épileptique qui insuffle une poésie inédite dans son existence.
Le protagoniste est une autre figure de l'individu face au spleen. N'étant jamais véritablement parvenu à affronter ses démons, il s'est laissé faire par ses parents qui ont fait de la chimie une solution illusoire. La manière dont il traverse le monde, avec une indifférence apathique, résulte donc de cette emprise médicamenteuse et explique l'étrange poésie qui traverse le film. Un mélange de mélancolie désabusée et de comédie insolite, qui va progressivement créer des brèches dans sa carapace. Zach Braff, le réalisateur, propose ici son premier film alors qu'il n'a pas encore trente ans et s'inspire largement de sa propre adolescence : on retrouve la question de la sublimation des démons par la création artistique, notamment dans certaines expériences esthétiques, des séquences de rêve et une très grande importance accordée à la musique. Celle-ci joue en effet un rôle essentiel et conditionne la rencontre avec le personnage féminin, joué par Natalie Portman.
Le cinéma de Zach Braff peut donc être qualifié de poétique par l'importance accordée à la forme, lorsque la personnalité excentrique du personnage féminin donne un nouvel élan à une vie terne. Insolite, bizarre, la jeune fille transforme elle aussi la boue (la maladie, la dépression, l'absence de perspectives dans cette ville perdue du New Jersey) en or, celui d'une compagnie qui transforme le quotidien en un jeu inventif et galvanisé par une furieuse envie de vivre.
Holy Motors de Leos Carax, 2012
M. Oscar parcourt Paris dans une limousine conduite par son assistance, Céline. Au fil de la journée, des instructions lui sont données pour jouer de nouveaux rôles : un père de famille, un musicien, une mendiante, un tueur… On le voit se déguiser, prendre ses accessoires avant de rejoindre le lieu où il interprète son personnage qui semble considéré comme réel par toutes les personnes avec qui il interagit.
Le cinéma de Leos Carax, unique en son genre, suit des personnages en marge, souvent des figures d'artistes : une violoncelliste aveugle et un cracheur de feu (Les Amants du Pont-Neuf), un écrivain se consumant dans l'écriture (Pola X) ou une chanteuse d'opéra et un comique de stand-up (Annette). La création est, pour le réalisateur, la seule réponse possible au chaos du monde, même si elle risque de perdre l'artiste lui-même. Dans Holy Motors, il décrit ainsi le métier d'un comédien endossant une douzaine de rôles différents pour faire « tourner » le monde, qui se résume à une vaste scène de théâtre. C'est l'occasion de traverser différents types de cinéma (du fantastique en images de synthèse à la comédie musicale, en passant par le film noir ou le drame intime) et de rendre hommage à cette splendide illusion qu'est le septième art.
De la boue, il sera beaucoup question : dans les rôles joués par le protagoniste, la douleur et la laideur du monde sont les ingrédients essentiels : la maladie, l'agonie, le désamour d'un père, la séparation amoureuse ou la misère sociale composent un tableau plutôt sombre, mais que l'illusion du jeu va sublimer. Car le travail plastique opéré par Carax transforme chaque segment en un film et une expérience esthétique autonomes. La ville de Paris de nuit s'offre comme dans un tableau et la diversité du jeu de l'acteur principal, Denis Lavant, est à elle seule une performance euphorisante.
Quelques références sur le spleen et la création
Les Intranquilles de Joachim Lafosse, 2021
Damien est artiste peintre et souffre de troubles bipolaires. Entre séances de création fiévreuse et dégâts occasionnés sur son entourage, sa vie est un déséquilibre permanent qui demande une adaptation de sa femme et son fils.
Comment c'est loin de Orelsan et Christophe Offenstein, 2015
Récit autobiographique des débuts du rappeur Orelsan, évoquant sa mélancolie, son désœuvrement et son enlisement dans l'alcool avant que l'inspiration et l'écriture ne deviennent de possibles portes de sortie.
Le Monde de Charlie de Stephen Chbosky, 2013
Un jeune garçon souffrant régulièrement de crises d'angoisse et de dépression entre au lycée. Il y fera des rencontres déterminantes qui lui permettront de s'ouvrir enfin au monde et de concrétiser son désir de devenir écrivain.