Las Casas défend la cause des Indiens

« Tous ces peuples, innombrables, universels, divers, Dieu les a créés simples, sans malveillance ni duplicité : plus humbles, plus patients, plus pacifiques que quiconque au monde, d'une santé plus délicate, ni orgueilleux, ni ambitieux, ni cupides. C'est chez ces douces brebis que les Espagnols ont pénétré, tels des loups, des tigres et des lions très cruels. Et, depuis quarante ans, ainsi qu'à l'heure actuelle, ils ne font que les mettre en pièces, les tuer, les tourmenter et les détruire par des actes de cruauté étrangers. Sur trois millions d'âmes que nous avons vues dans l'île de Haïti, il n'en reste pas deux cents. L'île de Cuba est presque entièrement dépeuplée. Les îles Lucayes sont une soixantaine. On y trouvait plus de cinq cent mille âmes : aujourd'hui, il n'y a plus un seul être vivant. En quarante ans, par suite de la tyrannie et des actions infernales des chrétiens, douze millions d'âmes, hommes, femmes et enfants sont morts. Pourquoi les chrétiens ont-ils tué et détruit un pareil nombre d'âmes ? Seulement pour avoir de l'or, se gonfler de richesses en quelques jours. Jamais les habitants de toutes les Indes n'ont fait le moindre mal aux chrétiens. Bien au contraire, ils les ont considérés comme venus du Ciel. Les armes des Indiens sont plutôt faibles, peu offensives, peu résistantes. Les chrétiens, avec leurs chevaux, leurs épées et leurs lances, ont commencé les tueries et les actes cruels, étrangers aux Indiens. »
Bartolomé de Las Casas, Très brève relation sur la destruction des Indiens, 1552

Bartolomé de Las Casas (1474-1566) est un dominicain espagnol, avocat de formation, qui s'opposa violemment au traitement réservé aux « Indiens » par les colonisateurs espagnols. En effet, ces populations furent réduites par eux en esclavage et au travail forcé, contraintes à la conversion au christianisme au mépris de leurs propres traditions religieuses, décimées par le choc microbien.
Las Casas, premier religieux ordonné sur le continent américain, mena une véritable croisade pour améliorer la situation des Mexicains placés sous son autorité. Finalement son plaidoyer fut entendu et de nouvelles lois améliorèrent les conditions de vie de ceux qui étaient, pour beaucoup en Europe, considérés comme des êtres inférieurs.
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