La féminisation des populations de cloportes, exercice 2, métropole, sujet prévu en mars 2021, sujet 2

Énoncé

Le sujet
Dans de nombreuses populations de cloportes (Armadillidium vulgare), on observe bien plus de femelles que de mâles.
La féminisation des populations de cloportes, exercice 2, métropole, juin 2021, sujet 2 - illustration 1
Déterminer les mécanismes qui expliquent la plus forte proportion de femelles que de mâles dans certaines populations de cloportes.
Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.
Document 1. Formules chromosomiques d'un cloporte mâle et d'un cloporte femelle dans des populations où il y a autant de mâles que de femelles.
Formule chromosomique d'un cloporte mâle
Formule chromosomique d'un cloporte femelle
2n = 54 dont 2 chromosomes sexuels ZZ
2n = 54 dont 2 chromosomes sexuels ZW

Document 2. Wolbachia, une bactérie endosymbiotique.
La découverte de bactéries Wolbachia au sein des cellules de cloportes a amené les chercheurs à s'intéresser au rôle de ces bactéries. On les trouve dans les cellules de tous les organes, dont les gonades (ovaires et testicules).
Lors de la reproduction des cloportes, les bactéries Wolbachia qui se trouvent dans l'ovule fécondé se retrouvent, dans la plupart des cas, dans la cellule-œuf. Les Wolbachia présentes dans les spermatozoïdes ne sont pas transmises.
Devant la forte proportion de femelles au sein de certaines populations de cloportes, les chercheurs ont émis l'hypothèse que tout embryon de cloporte qui contient des bactéries Wolbachia au sein de ses cellules au début de son développement embryonnaire deviendra femelle.
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Wolbachia dans des ovules de cloportes au microscope électronique à transmission à deux grossissements différents.
D'après Christine Felix. Étude moléculaire de la bactérie intracellulaire féminisante Wolbachia chez Armadillidium vulgare (crustacé isopode terrestre). Interactions entre organismes. Université de Poitiers, 2004.
Document 3. Croisements impliquant des cloportes porteurs (représentés en noir) ou non porteurs (représentés en blanc) de Wolbachia.
Légende : ZZ ou ZW indiquent quels chromosomes sexuels sont présents chez les différents individus.
Le taux de transmission de Wolbachia est de 90 % : cela signifie qu'une femelle porteuse de Wolbachia transmettra Wolbachia à 90 % de sa descendance.
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Document 4. Des cloportes femelles ZZ sans Wolbachia.
Des cloportes femelles ZZ sans Wolbachia ont été découverts, ce qui a interpellé les chercheurs. Les populations dans lesquelles ont été retrouvées de telles femelles sont à proximité de populations dans lesquelles on retrouve des Wolbachia. Les ancêtres de ces femelles étaient porteuses de la bactérie Wolbachia.
Ils ont alors séquencé le génome de ces cloportes femelles ZZ sans Wolbachia, de cloportes mâles et de la bactérie Wolbachia. Les résultats sont reportés dans le tableau.
Cloportes femelles ZZ sans Wolbachia
Cloportes mâles ZZ
Wolbachia
Présence d'une séquence codant pour une protéine particulière : le facteur f.
Absence de la séquence codant pour le facteur f.
Présence d'une séquence codant pour une protéine particulière : le facteur f.

Document 5. Rôle du facteur f dans le développement du phénotype sexuel.
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Au début du développement embryonnaire, une glande indifférenciée se transforme en glande androgène qui produit une hormone mâle responsable de la différenciation des gonades en testicules. Si l'hormone mâle n'est pas produite, les gonades se différencient en ovaires.
D'après http://acces.ens-lyon.fr/

Corrigé

Dans les populations munies d'une reproduction sexuée, le sex-ratio désigne le rapport entre le nombre de mâles et le nombre de femelles. La valeur du sex-ratio est égale à 1 s'il y a autant de mâles que de femelles. Dans diverses populations, le sex-ratio n'est pas égal à 1, comme chez de nombreuses populations de cloportes. En effet, chez des populations de cloportes ou Armadillidium vulgare, le sex-ratio est largement inférieur à 1, du fait d'un nombre plus élevé de femelles que de mâles. Quels mécanismes expliquent la plus forte proportion de femelles que de mâles dans ces populations de cloportes ? Pour répondre à cette question, nous caractériserons l'équipement chromosomique des cloportes en fonction de leur sexe, puis nous analyserons différents types de croisements chez les cloportes, afin de comprendre comment s'effectue la détermination du sexe dans ces populations.
Le document 1 présente les formules chromosomiques des cloportes mâles et des cloportes femelles dans les populations de cloportes avec autant de mâles que de femelles. Les cloportes mâles et femelles ont le même nombre de chromosomes, soit 2n = 54. Leur caryotype comporte 26 paires de chromosomes autosomaux (non sexuels) et une paire de chromosomes sexuels. Les chromosomes sexuels des cloportes mâles sont les chromosomes Z, présents en deux exemplaires, tandis que les femelles possèdent deux chromosomes sexuels différents, Z et W. Ainsi, il existe un déterminisme chromosomique du sexe dans les populations de cloportes comportant autant de mâles que de femelles.
Le document 3 présente différents croisements de cloportes mâles et femelles. Le premier croisement a lieu entre des mâles ZZ et des femelles ZW. Comme le montre l'échiquier de croisement suivant, les cloportes mâles ZZ ne produisent, lors de la méiose, que des gamètes contenant le chromosome sexuel Z. Les femelles ZW produisent, lors de la méiose, des gamètes dont la moitié contiennent le chromosome sexuel Z, et l'autre moitié comportent le chromosome sexuel W. La fécondation entre les gamètes mâles et femelles aboutit à une descendance avec une proportion équivalente de femelles ZW et de mâles ZZ. Ainsi, la prise en compte du seul déterminisme chromosomique du sexe explique qu'il existe autant de mâles que de femelles dans certaines populations de cloportes, mais ne permet pas de justifier la surreprésentation des femelles dans d'autres populations de cloportes.
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Le document 2 présente les résultats d'études de cloportes, qui mettent en évidence la présence de bactéries Wolbachia dans les cellules de tous les organes, y compris les organes reproducteurs (ovaires et testicules) des cloportes. Les photographies de microscopie électronique, présentées dans le document 2, montrent la présence de bactéries Wolbachia dans les cellules reproductrices femelles (ou ovules). De plus, lorsque ces bactéries sont présentes dans l'ovule, elles s'y maintiennent généralement après la fécondation. À l'inverse, les cellules reproductrices mâles, c'est-à-dire les spermatozoïdes, ne transmettent pas les bactéries qu'elles contiennent lors de la fécondation. Ainsi, les bactéries Wolbachia présentes initialement dans un ovule sont souvent transmises à l'embryon après la fécondation. On peut s'interroger alors sur les conséquences de la présence de Wolbachia dans l'embryon sur le sexe de celui-ci.
D'après le document 3, le croisement entre des mâles ZZ sans Wolbachia et des femelles ZW porteuses de Wolbachia aboutit à une population contenant 95 % de femelles et 5 % de mâles. En effet, comme le présente l'échiquier de croisement suivant, les mâles ZZ ne produisent que des gamètes contenant le chromosome Z et dépourvus de Wolbachia. Sachant que le taux de transmission lors de la fécondation de Wolbachia de l'ovule à l'embryon est 90 %, les femelles ZW porteuses de Wolbachia forment 45 % de gamètes pourvus de Wolbachia et portant le chromosome Z, ainsi que 45 % de gamètes pourvus de Wolbachia et portant le chromosome W. Les femelles produisent également 10 % de gamètes dépourvus de Wolbachia, dont la moitié (soit 5 %) portent le chromosome Z et l'autre moitié (soit 5 %) portent le chromosome W.
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Ainsi, le croisement entre des mâles dépourvus de Wolbachia et des femelles porteuses de Wolbachia aboutit à une très grande majorité de descendants femelles, dont presque la moitié ont les chromosomes sexuels mâles ZZ et sont porteuses de la bactérie Wolbachia. La présence de bactéries Wolbachia dans les embryons normalement mâles, c'est-à-dire ZZ, entraîne donc la féminisation de ces embryons.
De plus, le croisement entre des mâles ZZ dépourvus de Wolbachia et des femelles ZZ porteuses de Wolbachia aboutit également à une surreprésentation des femelles, comme le montre le tableau de croisement suivant. Les femelles obtenues sont toutes ZZ et porteuses de Wolbachia. Comment expliquer alors que la présence de cette bactérie dans les embryons ayant des chromosomes sexuels mâles ZZ entraîne leur féminisation ?
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D'après le document 4, des scientifiques ont cherché l'origine de la féminisation des cloportes ZZ dépourvus de Wolbachia. Les ancêtres de ces cloportes étaient porteurs de la bactérie Wolbachia. Le séquençage du génome des cloportes femelles ZZ sans Wolbachia montre l'existence d'une séquence codant une protéine particulière : le facteur f. Cette séquence, absente chez les cloportes mâles ZZ dépourvus de Wolbachia, est présente dans le génome de la bactérie Wolbachia. On peut supposer que le facteur f interviendrait dans la transformation des embryons ZZ en embryons femelles. La séquence d'ADN codant le facteur f présent chez Wolbachia expliquerait la féminisation des embryons ZZ porteurs de Wolbachia. Chez les femelles ZZ dépourvues de Wolbachia et étudiées ici, la séquence codant le facteur f serait héritée de leurs ancêtres ayant hébergé la bactérie.
Le document 5 permet alors de préciser le rôle du facteur f dans la féminisation des cloportes ZZ pourvus de Wolbachia. Chez un embryon ZZ dépourvu de Wolbachia, l'expression de séquences d'ADN portées par le chromosome Z permet la production d'un facteur masculinisant, qui transforme une glande indifférenciée en une glande androgène. Cette glande androgène sécrète une hormone mâle qui entraîne la différenciation de la gonade embryonnaire en testicule : l'embryon ZZ est donc un embryon mâle. Or, la bactérie Wolbachia présente dans un embryon ZZ sécrète le facteur f (document 4). L'inhibition par le facteur f de la production du facteur masculinisant, empêche la différenciation de la glande indifférenciée en une glande androgène. En absence de production de l'hormone mâle, la gonade embryonnaire se différencie en ovaire : l'embryon ZZ porteur de Wolbachia devient un embryon femelle.
Ainsi, dans les populations de cloportes comportant autant de mâles que de femelles, le sexe est déterminé uniquement de manière chromosomique : ZZ pour les mâles, et ZW pour les femelles. Mais dans de nombreuses populations de cloportes, les femelles sont plus nombreuses que les mâles. En effet, au déterminisme chromosomique du sexe des cloportes s'ajoutent les conséquences de la présence de la bactérie Wolbachia. Cette bactérie est responsable de la féminisation des embryons ZZ qui, en son absence, auraient été mâles. La bactérie Wolbachia transmise aux embryons lors de la fécondation des ovules porte une séquence codant le facteur f, qui entraîne la féminisation de l'embryon pourtant porteur d'un caryotype mâle. Mais au sein de ces populations de cloportes avec tant de femelles, comment expliquer que le faible nombre de mâles ne constitue pas un facteur limitant pour la reproduction ?