Quels sont les fondements du commerce international et de l'internationalisation de la production ?


Fiche

Le commerce international désigne l'échange de biens et de services entre des pays différents. Si les échanges entre agents à l'intérieur d'un pays semblent aller de soi, les échanges de biens et de services entre deux pays leur sont-ils profitables ? Les économistes classiques les plus célèbres (Adam Smith et David Ricardo) se sont penchés sur cette question et leur conclusion est sans équivoque : le libre-échange (l'ouverture des frontières aux flux de marchandises) est souhaitable et le protectionnisme (la mise en place de barrières de toute nature freinant ou empêchant les flux de marchandises entre deux pays) doit être, autant que possible, évité.
I. Les théories classiques et contemporaines du commerce international 
Selon les économistes classiques Adam Smith (1723-1790) et David Ricardo (1772-1823), un pays doit se spécialiser dans une seule production et échanger avec les autres pays tout ce qu'il ne produit pas. Dès lors, comment faire ce choix de spécialisation ? Dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), Adam Smith propose la théorie des avantages absolus selon laquelle un pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il est le meilleur et importer le reste en provenance des autres pays.
David Ricardo complète et prolonge les analyses de Smith avec sa théorie des avantages comparatifs : selon lui, un pays doit non seulement se spécialiser dans la production pour laquelle il est meilleur que les autres, mais aussi, à défaut, dans celle où il est le moins mauvais. Ricardo démontre en effet qu'avec une spécialisation dans la production pour laquelle il dispose d'un avantage comparatif, chaque pays a un intérêt à échanger avec les autres. Tous les pays participant au commerce international sont ainsi gagnants : il s'agit d'un jeu à somme positive.
Exercice n°1
Production de vêtements à Puning, Chine.
Production de vêtements à Puning, Chine.
© LewisTsePuiLung/iStock
Ricardo n'explique pas d'où vient cet avantage comparatif. Pourquoi un pays est-il meilleur qu'un autre pour produire tel ou tel bien ? Trois auteurs ont répondu à cette question : Eli Heckscher (1879-1952), Bertil Ohlin (1899-1979) et Paul Anthony Samuelson (1915-2009). Selon eux, l'explication réside dans la dotation factorielle du pays, c'est-à-dire la quantité de facteurs de production (capital et travail) dont le pays dispose. Ainsi, pour être performant, un pays doit se spécialiser dans la production du bien qui nécessite l'utilisation du facteur de production dont il dispose en plus grande quantité relative sur son territoire.
Plus récemment, Michael Posner (1931-2006) a ajouté une nouvelle explication à l'avantage comparatif : la dotation technologique. Selon Posner, l'avantage comparatif ne dépend pas uniquement des dotations factorielles « naturelles », mais aussi des capacités d'innovation et de la propension à lancer de nouveaux produits. Un pays disposant de ce dynamisme technologique, comme les États-Unis, doit se spécialiser dans un type de production innovante.
Exercice n°2
Entreprise Samsung à Séoul.
Entreprise Samsung à Séoul.
© georgeclerk/iStock
II. Le commerce international entre des pays comparables
Les théories classiques du commerce international raisonnent essentiellement sur l'échange de biens divers entre des pays différents en termes de développement. Les théories contemporaines ont tenté d'expliquer pourquoi des pays comparables échangent entre eux des biens similaires.
Tout d'abord, des pays d'un niveau de développement proche peuvent commercer entre eux pour élargir la gamme des produits proposés dans une logique de différenciation. En effet, sur un marché, il existe des produits proches, néanmoins distincts, tant en ce qui concerne les caractéristiques (différenciation horizontale) que la qualité des produits (différenciation verticale). Cela explique le commerce de similarité.
Ensuite, le commerce international entre pays comparables peut s'expliquer par la fragmentation de la chaîne de valeur. Aujourd'hui, la production d'un bien (de sa conception à sa fabrication) peut se faire dans plusieurs pays, en divisant chaque étape en fonction de l'avantage comparatif de chaque pays. Il s'agit donc d'optimiser la production d'un bien ou d'un service en jouant sur les avantages comparatifs de plusieurs pays, c'est l'internationalisation de la chaîne de valeur.
Exercice n°3
III. Les effets positifs et négatifs du commerce international
La question des échanges internationaux de biens et de services fait l'objet d'un vif débat entre d'un côté, les partisans du libre-échange et de l'autre les défenseurs du protectionnisme.
D'une manière générale, le commerce international aboutit à une baisse des prix moyens des biens et des services. En effet, l'ouverture croissante des pays aux échanges internationaux implique une augmentation de la taille du marché. Dès lors, les entreprises font face à davantage de concurrents, ce qui les pousse à être plus performantes (recherche de gains de productivité et d'économies d'échelle, investissements de capacité pour atteindre la taille idoine, innovations, etc.). Cette concurrence accrue entre les entreprises est généralement bénéfique aux consommateurs : baisse des prix, plus grande variété des biens proposés. Par ailleurs, l'importation de biens fabriqués dans des pays « à bas salaires » permet de dégager du pouvoir d'achat pour d'autres consommations (un individu paye moins cher sa chemise fabriquée en Chine, il peut donc, par exemple, aller au restaurant).
Rayon alimentaire d'un supermarché.
Rayon alimentaire d'un supermarché.
© ferrantraite/iStock
Conformément à la démonstration de David Ricardo, le commerce international est globalement bénéfique pour tous les pays y prenant part, il permet une réduction des inégalités entre les pays. S'il existe un gain macroéconomique pour chaque pays pris dans son ensemble, il existe toutefois à l'intérieur de chaque pays des gagnants et des perdants. Le commerce international peut en effet générer un accroissement des inégalités de revenus au sein d'un pays. Ainsi, dans les pays développés, certains secteurs ont presque disparu du fait de la concurrence internationale (le textile en France par exemple, qui perd, entre 1996 et 2015, 66 % de ses effectifs salariés). Le commerce international peut donc profiter à certains individus et être nuisible à d'autres, ce qui génère des inégalités de revenus. Il peut également avoir des effets négatifs sur des secteurs jugés stratégiques ou vieillissants, c'est pourquoi certains économistes défendent un protectionnisme provisoire ou ciblé. Ainsi, un État peut décider de mettre en place temporairement des barrières protectionnistes (par exemple, un droit de douane prohibitif dissuadant les consommateurs d'acheter des produits importés) sur un secteur qu'il désire protéger. C'est le cas de l'agriculture, qui bénéficie de nombreuses protections dans le cadre européen.
Exercice n°4Exercice n°5
Zoom sur…
L'internationalisation de la chaîne de valeur
Aujourd'hui, la majorité des biens que nous consommons sont fabriqués dans plusieurs pays. Cette division du travail à l'échelle mondiale s'effectue en fonction des avantages comparatifs de chaque pays.
Par exemple, le modèle d'avion Dreamliner de la firme américaine Boeing est composé à 80 % de pièces importées de l'étranger : une partie du fuselage vient d'Italie, les sièges du cockpit du Royaume-Uni, les pneus sont produits par l'entreprise japonaise Bridgestone, etc. Tous ces éléments sont importés et acheminés à Everett (État de Washington) où ils sont assemblés.
De même, au moins huit pays interviennent dans la production d'un IPhone, pensé aux États-Unis et assemblé en Chine. Cette internationalisation de la production s'explique notamment par la diminution des barrières protectionnistes tarifaires et la baisse des coûts de transport.
Zoom sur…
La théorie des avantages comparatifs de David Ricard
Considérons l'exemple suivant (nous simplifions en limitant le monde à deux pays – Angleterre et Portugal – et à la production de deux biens – du vin et des draps) :

Portugal
Angleterre
Production par personne par semaine
2 400 bouteilles de vin
800 bouteilles de vin
Production par personne par semaine
12 draps
6 draps

Les travailleurs portugais sont plus efficaces dans les deux productions. Si l'on suit le raisonnement de Smith en termes d'avantages absolus, il n'y a donc pas de commerce international. David Ricardo lève cette impasse en raisonnant en termes d'avantages comparatifs.
Sa théorie est la suivante : le Portugal doit se spécialiser dans le vin car il est trois fois plus efficace pour cette production (2 400/800) alors qu'il n'est que deux fois plus efficace dans la production de draps (12/6). L'Angleterre doit quant à elle se spécialiser dans les draps car elle n'est que deux fois moins performante que le Portugal. En effet, si l'on fait l'hypothèse que la valeur d'un bien dépend du temps passé à le produire, nous pouvons faire le raisonnement suivant :
  • S'il n'y a pas de commerce international, au Portugal, un drap équivaut à 200 bouteilles de vin (2 400/12), autrement dit un drapier portugais obtient 200 bouteilles de vin contre un drap, et en Angleterre, un drap équivaut à 133 bouteilles de vin (800/6).
  • Si chaque pays se spécialise dans la production pour laquelle il dispose d'un avantage comparatif et échange l'autre bien, alors contre 2 400 bouteilles de vin, un viticulteur portugais obtient 18 draps anglais (2 400 × 6/800) au lieu de 12, il gagne donc 6 draps. Le drapier anglais exportant 6 draps vers le Portugal obtiendra en échange 1 200 bouteilles de vin portugais (6 × 2400/12) au lieu de 800, il en gagne donc 400.
Ainsi, grâce à sa théorie des avantages comparatifs, David Ricardo parvient à montrer que tous les pays gagnent à participer au commerce international.
© 2000-2024, rue des écoles