Le travail

Le travail est une activité humaine qui repose sur l'effort prolongé en vue d'un gain. Il peut s'agir d'un gain matériel, comme la production d'un objet. Ou d'un gain économique comme un salaire. Le travail est la marque de nos besoins et de la difficulté à les satisfaire. Mais il est aussi le moyen de dépasser cet état de besoin. Il nous dégage de la nécessité physique et des dangers du monde. Pourquoi est-il dès lors si négativement perçu ?
Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, interroge la valeur propre au travail. Il distingue deux catégories d'activités. D'une part, celles qui sont pratiquées pour elles-mêmes, qu'il désigne par le terme « praxis ». Par exemple, on joue de la musique pour le simple plaisir d'en jouer. D'autre part, celles qui sont réalisées en vue d'autre chose. Il les désigne par le terme « poiesis ». On peut par exemple faire des gammes pour savoir jouer de la musique. La praxis est supérieure à la poiesis. La praxis se justifie par elle-même car elle est sa propre fin. La poiesis n'est qu'un moyen qui n'a pas de valeur pour elle-même mais qui dépend de son but. Aristote valorise alors la scholè, la vie de loisir intellectuel. Car elle relève de la praxis. Au contraire, travailler est dévalorisé : dès lors que le travail atteint sa finalité, il cesse d'être nécessaire.
Si la valeur du travail dépend de son but, le travail est-il instrument de servitude ou moyen de libération ? Le travail est, selon Hegel, ce qui nous humanise. Dans le travail, on transforme la nature, on la maîtrise et on se transforme nous-mêmes. C'est ce qu'il démontre dans un passage intitulé « la dialectique du maître et de l'esclave » de la Phénoménologie de l'esprit.
Il y décrit la rencontre de deux individus dans la nature. Cette rencontre engage une lutte pour le pouvoir. Au terme du conflit, l'un des deux abandonne, pour préserver sa vie. Il sera l'esclave et deviendra l'instrument de la liberté du maître. Ce dernier va pouvoir jouir de son travail sans lui-même travailler. De son côté, l'esclave travaille et développe sa conscience en humanisant la nature. Il prend conscience de soi et du fait qu'il est le maître de la nature. Par cette prise de conscience, il réalise qu'il est aussi maître de lui. Contrairement au maître, il a appris à maîtriser ses passions. L'esclave s'émancipe donc grâce au travail.
Le travail peut ainsi être décrit comme libérateur, ce qui contredit certaines façons de vivre le travail. Comment les conditions du travail le rendent-elles aliénant ? Dans Le Capital, Marx montre que le travail a perdu sa capacité de libération. Il a été transformé par la société bourgeoise. Désormais, il aliène le travailleur prolétaire. Si l'artisan maîtrisait son travail, l'ouvrier, lui, n'en est pas maître. Il doit s'insérer dans une organisation qu'il ne contrôle pas. Cette dépossession est manifeste dans le cas du travail à la chaîne. C'est alors la machine qui impose son rythme à l'ouvrier et non l'inverse.
Pour conclure, le travail est un moyen de production. Ce sont la façon dont il est organisé et le but vers lequel il est tourné qui le rendent libérateur ou destructeur.
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