Le temps semble toujours nous échapper. À la fois parce qu'il passe toujours, mais aussi parce qu'il est difficile d'en donner une définition. Est-il une donnée objective ? Il existerait alors même si rien d'autre n'existait. Est-il subjectif ? Les individus seraient alors la mesure du temps. Existe-t-il donc une réalité derrière le concept de temps ? Ou bien ne peut-on en connaître que les effets ?
Le temps objectif ne serait-il qu'une illusion humaine ? Platon, dans le Timée, explique que le temps est consubstantiel au monde. La création du monde suppose la création du temps. En effet, le monde pose une alternance objective des jours et des nuits ou des saisons. Il existe en ce sens un temps dit « objectif » qui est une donnée éternelle. Pourtant, l'amélioration des appareils de mesure met en question l'objectivité du temps. En réalité, la durée des jours, loin d'être fixe, varie. C'est donc un consensus humain qui considère le temps comme objectif.
Nous essayons de fixer le temps. N'est-ce pas un contresens ? De quelle façon peut-on le concevoir ? La première manière d'appréhender le temps, c'est de le considérer comme devenir. Dans ses Fragments, Héraclite le définit comme un écoulement ininterrompu d'instants. Dans le temps, rien ne demeure identique à soi. À chaque instant, la composition d'un fleuve, les poissons qui le peuplent ou sa température sont déjà modifiés. Héraclite peut alors affirmer que « l'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». La possibilité de l'identité est donc pulvérisée par le flux destructeur du temps. Considéré comme devenir, le temps n'a aucune identité, donc aucune essence et finalement aucune définition.
Le temps semble être destructeur. Comment penser alors la réalité dans le temps ? Dans son Poème, Parménide montre qu'il y a deux voies pour interroger ce qui nous entoure. Celle de l'être et celle du devenir. Il rejette celle du devenir. Car pourquoi porter de l'intérêt aux choses dont l'être, d'un instant à l'autre, aura disparu et changé ? Seule celle de l'être est valable. Elle ne se délite pas d'un instant à l'autre et permet de penser l'identité. Mais dans cette voie, l'instant et le temps deviennent impensables, seule la catégorie de l'éternel ayant de la valeur. La voie de ce qui existe véritablement est donc celle de l'éternité, celle des lois mathématiques et des dieux.
Le temps est ainsi ce flux constant que notre intelligence essaie de fixer et de contrôler.