La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux (1973-1991)


Fiche

De 1973 à 1991, les équilibres mondiaux sont profondément transformés. Une nouvelle crise frappe les économies de marché libérales. À la suite des chocs pétroliers et de la dérégulation monétaire, la croissance économique cesse, sauf dans certains secteurs comme les hautes technologies et les services financiers. Les réponses apportées par les États montrent un basculement vers des solutions néolibérales. C'est dans ce contexte que s'achève la guerre froide : si l'on a pu observer une avance soviétique de 1975 à 1981, un retour de la puissance américaine a ensuite pu se constater. L'effondrement du bloc de l'Est en 1989, puis de l'URSS elle-même en 1991, conduit à un ordre mondial nouveau, marqué non seulement par l'affirmation de la démocratie libérale, mais aussi par l'émergence de régimes hostiles aux États-Unis comme l'Iran, depuis la révolution islamique de 1979.
I. Un contexte de crise économique depuis 1973
Depuis le début des années 1970, l'ordre économique instauré lors de la conférence de Bretton Woods en 1944 est remis en cause. En 1971, le président américain Richard Nixon suspend la convertibilité du dollar en or et le dévalue. Les accords de la Jamaïque mettent en place, en 1976, un système de change flottant.
Deux chocs pétroliers montrent la dépendance des pays industriels à économie de marché vis-à-vis des matières premières. En 1973, pour protester contre la défaite arabe face à Israël lors de la guerre du Kippour, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) multiplie le prix du pétrole par trois. En 1979, à la suite de la révolution islamique en Iran, ils sont multipliés par neuf. Dans les pays occidentaux, l'augmentation du coût des matières premières conduit à une crise économique. Les solutions keynésiennes se révèlent inopérantes, car la crise de 1973 se caractérise à la fois par la stagnation économique et par l'inflation : l'argent investi par les États ne conduit pas à une reprise économique.
À partir de la fin des années 1970 arrivent au pouvoir des chefs d'État et de gouvernement qui se tournent vers les idées néolibérales : Margaret Thatcher au Royaume-Uni, en 1979, et Ronald Reagan aux États-Unis, en 1981, s'inspirent des théories d'économistes comme Schumpeter et Hayek. Les politiques néolibérales considèrent que les États ne doivent pas soutenir les secteurs économiques en difficulté mais laisser émerger des secteurs innovants qui relanceront l'économie. Si les secteurs de haute technologie et de la finance continuent leur croissance, de nombreux secteurs industriels sont abandonnés et délocalisés dans des régions du monde où la main-d'œuvre est moins chère. Ces politiques impliquent une dérégulation des marchés financiers pour ne pas entraver la circulation des capitaux. La Chine elle-même s'engage en 1978 dans une ouverture vers le capitalisme. Après la mort de Mao en 1976, Deng Xiaoping accède au pouvoir. Tout en conservant le rôle politique du Parti communiste chinois, il crée quatre zones économiques spéciales (ZES) pour échanger avec les économies de marché.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Du retour de la guerre froide à l'effondrement du bloc soviétique
Après huit années de détente entre les deux Grands, les années 1970 sont marquées par une reprise de l'affrontement entre les deux blocs. Les dirigeants de l'URSS, dont Léonid Brejnev qui est à la tête de l'État, pensent que la crise économique de 1973 est un signe de la « crise finale du capitalisme ». On parle, de 1975 à 1985, de « guerre fraîche ».
L'avance soviétique se manifeste tout d'abord en Asie. En 1973, les États-Unis se désengagent du Vietnam. Le Sud Vietnam est alors attaqué par le Nord : lors de la chute de Saigon en 1975, le pays est réunifié et s'allie à l'URSS. En Afrique, les communistes prennent le pouvoir en Angola, au Mozambique et en Éthiopie en 1975. En 1979, les Soviétiques avancent à nouveau en Amérique du Sud et un gouvernement prosoviétique est installé au Nicaragua. La même année, ils envahissent l'Afghanistan pour soutenir un gouvernement procommuniste. En Europe, Soviétiques et Américains installent des fusées à moyenne portée, qui laissent penser qu'une guerre nucléaire limitée à l'Europe serait possible. Cette crise des Euromissiles y crée de nouvelles tensions.
Aux États-Unis, l'élection de Ronald Reagan, en 1980, change la donne. Il souhaite stopper l'avance de l'URSS, qu'il qualifie d'« empire du mal ». Cette politique de fermeté passe par le soutien aux guérillas anticommunistes au Nicaragua et en Afghanistan, où les Soviétiques s'enlisent et perdent du terrain. Afin de les pousser dans une course aux armements dont ils n'ont plus les moyens étant donné les déficiences de leur système économique, Reagan met en œuvre un projet antimissile depuis l'orbite terrestre : l'Initiative de défense stratégique. En 1985, Mikhaïl Gorbatchev arrive au pouvoir en URSS et lance le mouvement de réforme appelé Perestroïka. Rien ne peut toutefois enrayer la crise économique et politique. Gorbatchev entreprend alors des négociations avec Reagan et se retire d'Afghanistan.
Exercice n°3
III. Des évolutions politiques contrastées
La période est marquée notamment par le retour de la démocratie dans plusieurs pays, particulièrement en Europe. Dans les années 1970 et 1980, les dictatures qui existaient au sein du bloc occidental tombent et des démocraties libérales sont instaurées. En 1974, le régime des colonels, en Grèce, et la dictature salazarienne, au Portugal, laissent place à des républiques libérales. En 1975, après la mort de Franco, la monarchie est rétablie en Espagne ; Juan Carlos Ier rétablit la démocratie sous la forme d'une monarchie constitutionnelle. Ces trois États intègrent progressivement la Communauté économique européenne : la Grèce en 1981, l'Espagne et le Portugal en 1986.
La démocratie est également rétablie, en 1989, en Europe de l'Est. Dans les démocraties populaires, des mouvements de contestation existaient depuis plusieurs années, comme le syndicat catholique Solidarnosc, en Pologne. En 1989, l'effacement de la puissance soviétique conduit à la victoire d'un mouvement démocratique. À partir de 1990, plusieurs républiques de l'URSS proclament leur indépendance, dont la Russie. Le 25 décembre 1991, Mikhaïl Gorbatchev annonce la dissolution de l'URSS, qui fait place à vingt-deux États indépendants abandonnant le communisme. C'est la fin de la guerre froide et le triomphe des États-Unis.
Toutefois, on voit émerger de nouveaux modèles politiques, hostiles à la démocratie libérale. Au sein du monde musulman, la politique américaine de soutien à Israël et d'alliance avec l'Arabie saoudite est de plus en plus critiquée. En 1979, le shah d'Iran est renversé. Régnant sur une population majoritairement chiite, il était l'un des principaux soutiens des États-Unis dans la région. Le régime qui se met en place est une république islamique dans laquelle le clergé chiite exerce un contrôle sur l'État et impose une législation conforme à son interprétation de la charia. Ce régime est violemment anti-américain : le personnel de l'ambassade des États-Unis à Téhéran est retenu en otage pendant 444 jours entre 1979 et 1981. Cette évolution de l'Iran est symptomatique d'un rejet toujours croissant du modèle américain à l'échelle mondiale.
Exercice n°4Exercice n°5
Zoom sur…
Ronald Reagan et Deng Xiaoping : deux acteurs majeurs d'un nouveau capitalisme
Les chefs d'État américain et chinois engagent leur pays dans un nouveau capitalisme. En 1976, Mao meurt. Après avoir éliminé les partisans d'un communisme intégral (la « bande des Quatre », dont la veuve de Mao), Deng Xiaoping accède au pouvoir. Après en avoir été écarté pendant la révolution culturelle, il est désormais soutenu par des modérés qui considèrent que, pour consolider le régime communiste, il faut travailler au développement et à l'enrichissement du pays. Deng Xiaoping souhaite que la Chine profite du besoin qu'ont les économies de marché libérales de sous-traiter une partie de leur production dans des pays où la main-d'œuvre est bon marché. La Chine communiste profite ainsi de la nouvelle division internationale des processus de production.
Ronald Reagan, président des États-Unis de 1981 à 1989, incarne le redressement politique et économique du pays. Républicain, il adopte les idées néolibérales. Il relance l'économie en dérégulant les marchés et en libéralisant les échanges. Plusieurs secteurs économiques connaissent une crise profonde : dans le nord-est du pays, les villes liées à l'industrie lourde comme Détroit ou Pittsburgh déclinent, alors que s'affirment les espaces dédiés aux secteurs innovants, comme la Californie. Le coût social de ces réformes a souvent été critiqué, de même que la financiarisation de l'économie qu'elles impliquent.
L'année 1989 dans le monde
Dans le bloc de l'Est, les mouvements de contestation, comme les grèves organisées en Pologne en 1980 par le syndicat chrétien Solidarnosc, sont violemment réprimés : l'état de siège est proclamé dans ce pays de 1981 à 1983. Mais l'affaiblissement progressif de l'URSS conduit à l'affirmation d'un mouvement démocratique. À partir du mois de septembre 1989 commence « l'automne des peuples ». En Hongrie, le pluralisme politique est rétabli, de même qu'en Tchécoslovaquie, avec la « révolution de Velours ». En Pologne, Lech Walesa, chef du syndicat Solidarnosc, accède au pouvoir. En Roumanie, le dictateur Nicolae Ceausescu est exécuté. La disparition du bloc soviétique conduit à l'ouverture en 1989 du « rideau de fer » – nom donné aux frontières entre États des blocs de l'Est et de l'Ouest en Europe – et coïncide avec le début de la fin de la guerre froide.
En République démocratique allemande (RDA) ont lieu des mouvements de protestation contre le gouvernement communiste et sa police politique, la Stasi. De nombreux Allemands de l'Est quittent le pays et rejoignent la République fédérale d'Allemagne (RFA) en passant par les pays voisins. Le 9 novembre 1989, le gouvernement de la RDA cède devant la pression et le mur de Berlin est démoli. Le 9 novembre 1990, la réunification des deux Allemagnes est prononcée. C'est la fin de la « question allemande », un des principaux points de tension de la guerre froide.
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