La France, une nouvelle place dans le monde


Fiche

De 1946 au début des années 1960, la France connaît d'importantes mutations politiques liées à la place qu'elle occupe dans le monde. Deux Républiques se succèdent : la IVe, fondée le 27 octobre 1946 à la suite de la Seconde Guerre mondiale, et la Ve, qui naît le 4 octobre 1958. Durant cette période, la France doit relever d'importants défis sur la scène internationale. Elle est confrontée à la perte de son empire et s'engage dans une voie de décolonisation complexe et parfois conflictuelle, comme en Indochine et en Algérie. Devenue une puissance moyenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle doit chercher des solutions pour tenir son rang et maintenir un certain rayonnement international. Capitalisant certains acquis de la IVe République, le général de Gaulle parvient à incarner, à partir de 1958, ces mutations de la puissance française, en associant l'idée de « grandeur » nationale à une relative indépendance diplomatique et à une modernisation du pays.
I. La IVe République : un système parlementaire
Quoique fondée en grande partie sur les bases du programme du Conseil national de la Résistance, la IVe République est un système parlementaire. Cette disposition va à l'encontre du souhait exprimé par le général de Gaulle dans son discours de Bayeux, le 16 juin 1946. Le président de la République, élu par les Chambres, ne peut dissoudre l'Assemblée ni disposer de pouvoirs élargis en cas de crise.
Le président du Conseil, chef du gouvernement, dirige la politique de la nation. Il est choisi au sein de l'Assemblée nationale suivant les alliances entre partis. C'est donc le retour de l'instabilité parlementaire, comme sous la IIIe République. Vingt-quatre gouvernements se succèdent en douze ans, dont certains ne durent que deux jours.
Toutefois, certains partis exercent généralement le pouvoir : les chrétiens-démocrates du Mouvement républicain populaire (MRP), les socialistes de la SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière) et les radicaux. Les communistes, exclus du gouvernement en 1947 à cause du contexte de guerre froide, et les gaullistes constituent les principales forces qui contestent ce système politique.
Exercice n°1
II. La France ancrée dans l'Europe et dans l'atlantisme
En lien avec les partis chrétiens-démocrates au pouvoir dans les autres pays européens, des hommes proches du MRP, comme Jean Monnet et Maurice Schumann, font participer la France à toutes les étapes de la construction européenne : Conseil de l'Europe en 1949, Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1950, Communauté économique européenne (CEE) en 1957. La France propose en 1952 une Communauté européenne de défense (CED). Toutefois, le Parlement français refuse de ratifier le traité en 1954, face à l'opposition que rencontre l'idée de la création d'une armée allemande.
Dans le même temps, la France s'inscrit pleinement dans le bloc de l'Ouest : elle accepte l'aide Marshall et est membre de l'OTAN depuis sa fondation en 1950.
III. La question de la décolonisation
En Indochine, la France tente de reprendre le contrôle de ses colonies (Vietnam, Laos, Cambodge) où les Japonais ont fait proclamer l'indépendance lors de leur retraite en 1945. De 1946 à 1954, la guerre d'Indochine oppose Français et indépendantistes, notamment les communistes du Viet Minh au Vietnam. Au Maroc, le sultan Mohamed V souhaite retrouver la pleine souveraineté. En Tunisie, le parti du Néo-Destour d'Habib Bourguiba milite pour l'indépendance.
Pierre Mendès France, président du Conseil du 18 juin 1954 au 5 février 1955, décide d'ouvrir la voie aux indépendances. Par les accords de Genève, le 20 juillet 1954, il accorde l'indépendance aux pays formant l'Indochine. Par le discours de Carthage, il ouvre la voie à celles du Maroc et de la Tunisie, qui sont effectives en 1956.
Exercice n°2
IV. La crise algérienne
La IVe République s'enlise dans la crise algérienne. L'Algérie est constituée de départements français et compte près d'un million d'Européens dans sa population. La République n'a pas réussi à établir une réelle égalité entre citoyens français et algériens, et le statut de 1947 n'accorde que de timides avancées.
Depuis le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) s'engage dans des actions terroristes contre les Français d'Algérie. Les gouvernements successifs choisissent la voie de la fermeté. Le socialiste Guy Mollet s'engage dans la bataille d'Alger pour reprendre le contrôle de la ville, puis dans la répression des maquis du FLN. Les Français d'Algérie sont inquiets d'une possible indépendance accordée à l'Algérie.
Le 13 mai 1958, une tentative de coup d'État a lieu à Alger. Devant l'incapacité du gouvernement à reprendre en main la situation, le président René Coty fait appel au général de Gaulle. Celui-ci accepte d'intervenir, à condition de pouvoir mettre en œuvre une nouvelle Constitution.
Exercice n°3
V. Fondation de la Ve République
La Ve République est fondée le 4 octobre 1958, avec une Constitution écrite en grande partie sous la direction de Michel Debré. Elle assure au président de la République des pouvoirs importants en cas de crise, grâce à l'article 16, et permet au gouvernement de faire adopter un texte de loi sans vote du Parlement en recourant à l'article 49.3.
En 1962, le général de Gaulle fait adopter l'élection du président de la République au suffrage universel.
Exercice n°4
VI. Résolution de la crise algérienne
Après avoir rassuré les Français d'Algérie dans une déclaration ambiguë (« Je vous ai compris ! »), le général de Gaulle s'engage dans des négociations ayant pour but de mettre fin au conflit et d'envisager les conditions d'indépendance du pays. Certains Français d'Algérie, soutenus par une partie de l'armée, refusent cette évolution et constituent une organisation terroriste, l'Organisation de l'armée secrète (OAS). En avril 1961, quatre généraux organisent une tentative de putsch qui échoue.
Le 18 mars 1962, les accords d'Évian sont signés. L'indépendance de l'Algérie est prononcée le 5 juillet 1962, avant d'être validée par un référendum. Les accords ne sont toutefois pas respectés et les Français d'Algérie, victimes de violences, ainsi que les Algériens ayant servi dans l'armée française (les harkis) doivent fuir le pays.
Zoom sur…
Les mémoires de la guerre d'Algérie
Les historiens qui étudient la guerre d'Algérie sont confrontés à des mémoires plurielles du conflit. Jusqu'aux années 1980, ce sont les mémoires officielles qui ont prévalu. Le FLN, au pouvoir en Algérie, présentait le conflit comme une lutte contre le colonialisme, alors que la France ne reconnaissait pas officiellement le nom de « guerre » pour qualifier le conflit. D'autres mémoires existaient, marquées par les récits et les transmissions orales. La première était celle des Français d'Algérie, rapatriés en 1962 – souvent appelés « pieds noirs » –, obligés de quitter le pays à la suite des violences dont ils ont été victimes, alors que les accords d'Évian leur laissaient la possibilité de rester en Algérie. Les harkis, combattants algériens partisans de l'Algérie française, sont également rapatriés mais sont installés dans des camps et ne reçoivent pas de la part de la France le traitement tenant compte de leur engagement. Enfin, tant en Algérie qu'en France, des voix d'intellectuels et de journalistes se sont élevées depuis les années 1960 pour dénoncer les crimes commis pendant la guerre, comme la torture pratiquée par certains soldats français ou les actions menées par le FLN contre les autres mouvements politiques algériens. Depuis 1999, l'expression « guerre d'Algérie » est reconnue par le gouvernement français, et des historiens comme Benjamin Stora mènent des recherches pour mieux comprendre le conflit à partir des sources disponibles et par une lecture critique des héritages mémoriels.
VII. Modernisation du pays et indépendance nationale
Après la résolution de la crise algérienne, le général de Gaulle engage la France dans la restauration de sa puissance. Le pays avait en effet été condamné par l'ONU à cause de sa politique de répression en Algérie.
Afin d'affirmer l'indépendance de la France au sein du bloc de l'Ouest, le général de Gaulle fait aboutir le programme nucléaire lancé au cours de la IVe République. En 1960, la première bombe atomique française est testée dans le Sahara. La France peut ainsi disposer seule (sans le soutien des États-Unis) d'une force de dissuasion face à la menace soviétique. De Gaulle critique en effet l'hégémonie des Américains sur leurs alliés. En 1966, la France quitte le commandement intégré de l'OTAN, tout en restant membre de cette organisation.
De Gaulle confirme l'ancrage de la France dans la CEE, mais il la considère avant tout comme une organisation de nations souveraine. Il privilégie les bons rapports avec l'Allemagne, tout en s'opposant à l'adhésion du Royaume-Uni à la CEE, ce pays étant considéré comme « le cheval de Troie des États-Unis ».
Du point de vue économique, la confiance est restaurée avec la création du nouveau franc en 1960. La France s'engage dans la modernisation de son système de transport et bénéficie de la croissance des années 1950-1970, les trois décennies que l'on a appelées les « Trente Glorieuses ».
Dans le domaine des technologies de pointe, la collaboration entre Français et Britanniques permet, en 1969, la réalisation du Concorde, premier avion de transport supersonique.
Par l'ensemble de ces actions, la France apparaît à la fin des années 1960 comme une puissance certes moyenne, mais indépendante et disposant d'une réelle influence sur le plan international. Elle maintient notamment son influence en Afrique durant toute la période.
Exercice n°5
Zoom sur…
Les institutions de la Ve République
Les institutions de la Ve République, modifiées en 1962, mettent en place un régime parlementaire dans lequel le président de la République dispose de pouvoirs étendus. On parle parfois de régime semi-présidentiel à son sujet.
Le pouvoir législatif est détenu par le Parlement dans le cadre d'un système bicaméral : le Sénat et l'Assemblée nationale disposent de l'initiative des lois et les discutent successivement. Les députés sont désignés au suffrage universel uninominal, ce qui permet de disposer d'une majorité solide et d'éviter l'instabilité ministérielle.
Le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République et le gouvernement. Le président est chef de l'État et de l'armée. Il vote les décrets d'application des lois. Il peut dissoudre l'Assemblée nationale en cas de crise politique grave. Le Premier ministre est choisi par le président de la République au sein de la majorité parlementaire : c'est lui qui dirige le gouvernement, lequel partage avec l'Assemblée nationale l'initiative des lois.
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