Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers monde (1947 – début des années 1970)


Fiche

De 1947 au début des années 1970, le monde est marqué par la guerre froide et la bipolarisation qu'elle induit. Le monde subit la concurrence des deux superpuissances que sont l'URSS et les États-Unis, qui se traduit par des crises mais aussi par un condominium ayant pour but d'éviter les oppositions au sein des blocs. L'accession à l'indépendance des colonies européennes, de 1947 à 1975, coïncide avec l'émergence du tiers monde, qui transforme l'ordre international sans remettre en cause la bipolarisation.
I. Guerre froide et bipolarisation du monde
À partir de 1947, le monde connaît une situation géopolitique inédite : une division en deux blocs antagonistes, caractéristique de la guerre froide. Chacun des deux pôles constitue la zone d'influence d'une des deux superpuissances : les États-Unis et l'URSS.
Chacun des blocs se structure sur les plans diplomatique et militaire. Les États-Unis organisent un système d'alliances. En 1950, ils concrétisent l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), alliance militaire avec leurs alliés européens, ainsi que le Canada et la Turquie. En 1951, ils signent le traité de San Francisco avec le Japon et l'ANZUS (Australia, New Zealand, United States). En 1954, c'est au tour de l'Organisation du traité de l'Asie du Sud-Est (OTASE) de voir le jour. En 1955, le pacte de Bagdad regroupe les alliés des États-Unis au Moyen-Orient.
Le bloc soviétique s'organise lui aussi. Le pacte de Varsovie unit l'URSS et les démocraties populaires. Un traité d'amitié avec la République populaire de Chine est signé en 1950. Un an plus tôt, Mao Zedong avait triomphé, dans la guerre civile, des nationalistes de Tchang Kaï-chek qui avaient fui à Taïwan, gardant le siège chinois au conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU).
Sur le plan économique, le bloc de l'Ouest est marqué par l'économie de marché, le système capitaliste et l'hégémonie du dollar. Dans le cadre du bloc de l'Est, le Comecon (ou Conseil d'aide économique mutuelle) est mis en place dès 1949. Il organise les échanges entre les pays du bloc de l'Est, au profit de l'URSS.
Entre les deux blocs, les divisions sont également idéologiques. À l'ouest, le modèle libéral s'affirme. Toutefois, pour lutter contre l'influence soviétique, les États-Unis sont conduits à soutenir des dictatures, comme au Brésil ou en Argentine. En 1952, le sénateur McCarthy organise la « chasse aux sorcières » qui vise à exclure les communistes de la vie publique. En Union soviétique, malgré la « déstalinisation » mise en œuvre par Khrouchtchev en 1956, le totalitarisme demeure.
Les deux blocs s'engagent dans une course aux armements qui conduit au risque d'une destruction mutuelle. Cette situation empêche tout affrontement direct entre les « supergrands », qui s'affrontent de manière indirecte dans des conflits dits périphériques. La guerre de Corée, de 1950 à 1953, oppose le Nord, communiste, et le Sud, défendu par une coalition sous mandatde l'ONU dirigée par les États-Unis. La guerre s'achève par un statu quo sur le 38e parallèle. De 1963 à 1975, communistes et anticommunistes s'affrontent au Vietnam. Le 12 août 1961, à la suite de nouvelles tensions au sujet de Berlin, les Soviétiques font construire un mur autour de Berlin-Ouest. En 1962, la crise des missiles de Cuba place le monde au bord de la guerre atomique.
Cependant, des remises en cause existent au sein de chacun des blocs. En 1956, les chars du pacte de Varsovie écrasent une révolution libérale à Budapest. Il en va de même en 1968 en Tchécoslovaquie, pour réprimer « le printemps de Prague ». En Occident, un mouvement contestataire émerge dans la jeunesse étudiante : il y a « Mai 68 » en France et le mouvement contre la guerre du Vietnam aux États-Unis. Une partie de la société refuse la logique du capitalisme et de l'impérialisme et rompt avec les autorités traditionnelles, ce qui affaiblit le modèle occidental.
Exercice n°3
II. Indépendances et décolonisation
L'obtention de l'indépendance par les pays anciennement dominés par les puissances européennes, de 1947 à 1975, bouleverse l'ordre international. Les empires coloniaux sont affaiblis par la Seconde Guerre mondiale et les deux superpuissances sont hostiles à la domination coloniale. La France et la Grande-Bretagne n'ont plus les moyens de contrôler leur empire. De plus, lors de leur retraite en 1945, les Japonais ont fait proclamer l'indépendance des colonies asiatiques qu'ils ont occupées à partir de 1941.
Certaines de ces indépendances se passent dans un contexte apaisé. Ainsi, la Grande-Bretagne négocie l'indépendance de ses colonies asiatiques. Le 15 août 1947, l'Inde accède à l'indépendance. Toutefois, elle est partagée entre l'Union indienne (État laïc à majorité hindoue, dirigé par Nehru) et le Pakistan (à majorité musulmane). Au Moyen-Orient, la Grande-Bretagne se retire de Palestine. Les colonies britanniques d'Afrique ainsi que le Congo belge accèdent à l'indépendance de 1957 à 1963. L'indépendance de certaines colonies françaises fait aussi l'objet de négociations : le Maroc et la Tunisie en 1956, puis les colonies d'Afrique subsaharienne de 1958 à 1960.
L'indépendance d'autres territoires s'accompagne de conflits de décolonisation. Charles de Gaulle souhaite conserver l'empire colonial français en le réformant sous la forme d'une Union française, comme il l'a exposé dans son discours de Brazzaville en 1944. De 1946 à 1954, la guerre d'Indochine oppose la France et les indépendantistes communistes au Vietnam. Puis la guerre d'Algérie oppose, de 1954 à 1962, la France aux nationalistes algériens.
III. L'émergence du tiers monde
Peu à peu, les pays indépendants d'Asie et d'Afrique s'organisent pour trouver leur place dans l'ordre international. En 1952, le Français Alfred Sauvy invente le terme de tiers monde pour les qualifier, en référence au tiers état de la Révolution française. De nouvelles figures de dirigeants apparaissent, engagés dans la lutte contre le colonialisme et l'impérialisme.
Nasser, qui a pris le pouvoir en Égypte en 1952, nationalise en 1956 le canal de Suez et favorise l'idée du panarabisme. Nehru (en Inde) et Soekarno (en Indonésie) souhaitent un développement autocentré différent des modèles capitalistes et communistes. En Chine, Mao Zedong propose une voie communiste originale et adaptée au tiers monde, fondée sur la création de communes populaires et l'embrigadement de la population. En avril 1955, ces dirigeants et les chefs d'État de vingt-neuf pays se réunissent à la conférence de Bandung, où ils plaident en faveur d'un nouvel ordre international. Leur action se prolonge à l'ONU, où est créée la Conférence des Nations unies pour la coopération et le développement (CNUCED), en 1964.
Certains États vont plus loin. Avec la Yougoslavie, l'Égypte et l'Inde lancent, en 1962, le mouvement des non-alignés, afin de contrer la logique des blocs. La rupture entre la Chine et l'URSS, au début des années 1960, montre la volonté de Mao de restaurer la souveraineté chinoise. En 1964, son pays se dote de l'arme nucléaire.
Le bilan de ces actions reste limité. La plupart des pays du tiers monde ont été marqués par les logiques de guerre froide et se sont rapprochés de l'un ou l'autre des blocs. L'Algérie indépendante reçoit ainsi l'aide de conseillers soviétiques.
Pour autant, l'émergence du tiers monde s'accompagne de conflits dont les enjeux dépassent parfois le strict cadre de la guerre froide. Les crises et conflits que traverse le Moyen-Orient sont de ce type. En 1956 a lieu la crise de Suez. Les conflits israélo-arabes se poursuivent, certains pays arabes soutenant l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), créée en 1964 et dirigée par Yasser Arafat. En 1967, Israël attaque les États arabes voisins : c'est la guerre des Six Jours. Israël occupe les territoires peuplés de Palestiniens qui avaient été occupés par les pays arabes lors de la guerre de 1949 : Gaza est prise à l'Égypte et la Cisjordanie, qui comprend le territoire de Jérusalem-Est, à la Jordanie. Ce sont les « territoires occupés ».
Exercice n°1Exercice n°4Exercice n°5
Zoom sur…
La crise de Suez
La crise de Suez, en octobre 1956, est à la fois un conflit israélo-arabe, une crise liée à la guerre froide et un événement lié à l'émergence du tiers monde. En 1952, Abdel Gamal Nasser, un jeune officiel favorable au panarabisme, arrive au pouvoir en Égypte. En juillet 1956, il nationalise le canal de Suez, au détriment des intérêts britanniques. Soutenant l'indépendance de l'Algérie, Nasser s'oppose à la France. Son discours favorable aux Palestiniens inquiète par ailleurs Israël.
Confrontés à cette influence, les Français et les Britanniques mettent au point, avec Israël, une opération secrète. Le 29 octobre 1956, Israël attaque l'Égypte et occupe le Sinaï, pendant que les Franco-Britanniques mènent une opération pour prendre le contrôle du canal de Suez. L'URSS soutient l'Égypte, menaçant la France et la Grande-Bretagne de représailles. Les États-Unis, ne souhaitant pas de conflit ouvert au Moyen-Orient, font pression sur leurs deux alliés. La France et la Grande-Bretagne reculent en novembre et doivent laisser la place à une force d'interposition de l'ONU.
Nasser apparaît dès lors comme le champion de l'anti-impérialisme. La crise de Suez entérine le fait que la France et la Grande-Bretagne ne sont plus que des puissances moyennes et que la logique de guerre froide s'impose au Moyen-Orient. Apportant son soutien à l'Égypte, en fournissant l'aide technique nécessaire à la construction du barrage d'Assouan, l'URSS prend pied dans la région, alors qu'Israël se rapproche des États-Unis.
La crise de Cuba
En octobre 1962, le monde est confronté à un risque sans précédent de guerre nucléaire généralisée. En 1959, à Cuba, Fidel Castro, un jeune révolutionnaire, renverse le dictateur pro-américain Batista. En avril 1961, les États-Unis organisent à Cuba, dans la baie des Cochons, un débarquement de militants anticastristes, qui échoue. Fidel Castro se tourne alors vers l'URSS, avec qui il conclut une alliance, mettant fin à l'hégémonie des États-Unis sur le continent, dans le sillage de la « doctrine Monroe ».
Khrouchtchev commence à installer à Cuba des rampes de lancement de missiles nucléaires, à moins de 200 km du territoire des États-Unis. Les images des navires acheminant les missiles conduisent le président américain J. F. Kennedy à décréter le blocus de Cuba le 24 octobre 1962. Si les navires soviétiques poursuivent leur route, les États-Unis se réservent le droit de déclencher toute forme de représailles. Immédiatement, des négociations ont lieu entre Soviétiques et Américains. Le 28 octobre, malgré la volonté de Fidel Castro d'aller jusqu'au conflit si nécessaire, les Soviétiques font faire demi-tour à leurs navires. En échange, les États-Unis ont secrètement accepté de retirer les missiles nucléaires stationnés en Turquie, qui menaçaient l'URSS. Une communication directe s'établit entre la Maison-Blanche et le Kremlin (le « téléphone rouge ») : c'est paradoxalement de la crise de Cuba que naît la détente entre les deux blocs.
Exercice n°2
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