Les régimes totalitaires


Fiche

Les régimes totalitaires sont nés dans certains pays européens à cause de la brutalisation des sociétés induite par la Première Guerre mondiale. Le concept de totalitarisme, tel qu'il a été défini notamment par Hannah Arendt, fait référence à des régimes fondés sur un parti unique et une idéologie exclusive, véhiculée par une propagande active, marquée par un culte du chef et un embrigadement de la société, notamment des jeunes. Le régime soviétique, le fascisme italien et le nazisme allemand ont remis en cause l'ordre issu du traité de Versailles en menant des coups de force qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale.
I. Le régime soviétique
Le régime soviétique est fondé sur le marxisme-léninisme, une idéologie issue de la pensée de Karl Marx telle qu'elle est interprétée par le parti bolchévique et son chef, Lénine. L'objectif de l'État est de disparaître pour instaurer le communisme, situation économique dans laquelle la propriété collective est instaurée. Afin d'y parvenir, il faut passer par l'étape de la dictature du prolétariat, pendant laquelle l'État confisque tous les biens et exerce un pouvoir absolu. Dans ce système, l'État et le parti communiste se confondent dans les conseils ou soviets. Une police politique est créée pour repérer et éliminer les opposants : elle porte le nom de Tchéka, puis de NKVD à partir de 1934. Dès 1917, Lénine met en place ce régime violent dans le cadre du communisme de guerre, avant de décréter la NEP (nouvelle politique économique) en 1921, qui autorise un retour partiel à la propriété privée.
À la mort de Lénine, en 1924, Staline arrive au pouvoir. Il élimine progressivement les opposants au sein du parti communiste, d'abord les partisans d'une révolution plus large, comme Trotski, puis les partisans de la modération comme Bakounine. Staline intensifie la dimension totalitaire du régime. Dès 1929, il met en place une économie planifiée et collectivisée : des plans quinquennaux définissent les objectifs et donnent la priorité aux matières premières et aux grands travaux. Les moyens de production agricoles et industriels sont collectivisés. Dans les campagnes, les kolkhozes et les sovkhozes remplacent les petites propriétés. Pour continuer d'assurer son pouvoir au sein du parti, Staline décide de le « purger ». Lors des grands procès de Moscou, en 1937 et 1938, il élimine ses opposants, qui sont exécutés pour trahison ou déportés dans des camps.
La répression stalinienne ne touche pas que la classe politique. Les opposants sont exécutés ou envoyés dans des camps de travail, appelés goulags, où sont internées jusqu'à 2,5 millions de personnes. Les principales victimes de la politique soviétique sont les croyants et les membres du clergé (persécutés au nom du matérialisme du régime), les bourgeois et les aristocrates, puis, à partir de 1930, les paysans aisés, ou koulaks, lors du mouvement de dékoulakisation. Les peuples qui pourraient souhaiter leur indépendance sont victimes de déportations ou de famines organisées. Ainsi, la famine que subit l'Ukraine en 1932 fait entre 2,5 et 5 millions de victimes. Ces mesures de répression culminent en 1937 et 1938 dans la grande terreur stalinienne. Les membres du parti contrôlent la société par le biais d'une administration favorisant la délation. Les jeunes sont embrigadés dans l'organisation des pionniers. Une propagande intense véhicule le culte du chef, tant pour Lénine que pour Staline.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Le fascisme
En Italie comme en Allemagne, les régimes totalitaires émergent en partie à cause de la frustration causée par la Première Guerre mondiale. L'Italie, pourtant dans le camp des vainqueurs en 1918, n'a pas obtenu satisfaction et certains territoires peuplés d'Italiens ont été attribués à la Yougoslavie lors de la conférence de Versailles. En 1920, un ancien socialiste, Benito Mussolini, organise le parti fasciste, qui associe promotion de la modernité, nationalisme et culte du chef.
L'idéologie fasciste est fondée sur l'exaltation de la nation. Apparaissant comme capable de lutter contre les communistes, le parti fasciste reçoit le soutien d'une partie de la bourgeoisie. En 1922, après la Marche sur Rome, Mussolini est nommé président du Conseil par le roi. Il met en place un système de parti unique, embrigadant la société et menant de grands travaux pour moderniser le pays. La police politique, l'OVRA, recherche les opposants, qui sont relégués. La jeunesse est enrôlée dans l'Œuvre nationale Balilla, et les loisirs des Italiens sont régulés par l'Œuvre nationale du temps libre. L'image de Mussolini, qui prend le titre de Duce, est utilisée pour promouvoir l'idéologie du régime. À partir de 1938, le fascisme adopte également des lois raciales antisémites.
Exercice n°3
III. Le nazisme
En Allemagne, les partis nationalistes s'opposent au traité de Versailles. En 1923, le NSDAP, ou parti national-socialiste, dirigé par Adolf Hitler, tente un coup d'État en Bavière, le « putsch de la Brasserie », qui échoue. Ce parti associe des idées socialisantes et un nationalisme revanchard. Emprisonné, Hitler rédige Mein Kampf, dans lequel il expose ses objectifs. En 1932, dans le contexte de la crise économique et sociale, le parti nazi gagne les élections, marquées par des violences que le parti organise lui-même. Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier. Le 2 août 1934, il obtient aussi les fonctions de président et devient le Führer (guide) d'une Allemagne où il instaure le IIIe Reich.
L'idéologie nazie est profondément raciste et antisémite. Elle considère que le peuple germanique, qualifié d'aryen, constitue une race supérieure qui doit établir un « espace vital » dans les territoires slaves et dominer l'Europe en asservissant la France. Le peuple juif, prétendument responsable de la ruine économique de l'Allemagne, doit être éliminé. Une violente politique antisémite est mise en place. Les lois de Nuremberg, en 1935, instaurent une ségrégation entre juifs et non-juifs et privent les juifs de leurs droits civiques. Les persécutions s'intensifient dans les années suivantes. Des camps de concentration comme celui de Dachau sont ouverts pour enfermer les opposants politiques. Les Jeunesses hitlériennes embrigadent les jeunes Allemands. Une intense propagande est organisée par le ministre Joseph Goebbels.
Exercice n°4Exercice n°5
Zoom sur…
La Nuit de cristal
Depuis les lois de Nuremberg (1935), des mesures de discrimination frappent les juifs allemands. En 1938, Hitler décide d'intensifier la politique antisémite. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, c'est un vaste pogrom qui frappe la population juive au sein du Reich. Le parti nazi se saisit de la tentative d'assassinat à Paris du secrétaire de l'ambassade d'Allemagne, Ernst vom Rath, par Herschel Grynszpan, jeune juif allemand d'origine polonaise, comme prétexte pour autoriser le massacre. Goebbels, la SS et la Gestapo mobilisent les activistes du parti nazi et organisent des attaques contre plus de 300 synagogues et 7 500 commerces. Le verre brisé des vitrines, qui jonche le sol, explique le nom de « Nuit de cristal » donné à l'événement. Plusieurs milliers de juifs périssent et 30 000 sont envoyés dans des camps de concentration. Les autorités profitent du pogrom pour intensifier la persécution des juifs : on demande à la communauté de payer 1 milliard de marks pour rembourser aux compagnies d'assurances les indemnités touchées par les victimes. Le 1er janvier 1939, les commerces et les biens juifs de valeur sont saisis. De nombreux juifs tentent alors de fuir l'Allemagne : près de 80 000 y parviennent entre la Nuit de cristal et le début de la Seconde Guerre mondiale.
IV. La géopolitique des totalitarismes
Hitler et Mussolini multiplient les coups de force. En 1934, Hitler tente de réaliser l'Anschluss, c'est-à-dire l'intégration de l'Autriche à l'Allemagne. Mussolini, alors allié aux démocraties, l'en empêche en massant ses troupes sur le col du Brenner. Mais en 1935, Mussolini envahit l'Éthiopie. Condamné par la Société des Nations, il se rapproche alors d'Hitler et constitue avec lui l'Axe Rome-Berlin en 1936. Hitler met en œuvre une politique visant à intégrer au Reich les territoires peuplés de minorités allemandes situés dans les États voisins. En mars 1938, il réalise l'Anschluss. Les 29 et 30 septembre 1938, lors de la conférence de Munich, il obtient des Français et des Britanniques l'annexion de la région des Sudètes, signant le démembrement de la Tchécoslovaquie. En décembre 1939, après l'indépendance de la Slovaquie, la Bohème et la Moravie deviennent un protectorat du Reich. Mussolini, quant à lui, prend le contrôle de l'Albanie.
Alors que l'Allemagne et l'Italie s'étaient opposées aux Soviétiques pendant la guerre d'Espagne, face à ce qui apparaît comme un recul des démocraties, Staline décide de s'entendre avec Hitler pour regagner une partie des territoires perdus par l'Empire russe à l'issue de la Première Guerre mondiale. Le 23 août 1939, le pacte germano-soviétique est signé, impliquant un partage de la Pologne.
Zoom sur…
La guerre d'Espagne
De 1936 à 1939, la guerre civile d'Espagne oppose, après la chute de la monarchie, les républicains et les forces nationalistes, dirigées par le général Franco. Malgré la mobilisation des Brigades internationales, les partisans d'une république libérale ne sont guère soutenus par les démocraties européennes. En revanche, l'URSS soutient les communistes au sein de la République, faisant, par exemple, transférer chez elle les réserves d'or de l'État espagnol. L'Italie et l'Allemagne soutiennent les nationalistes et testent leurs armes. Elles perpètrent des bombardements sur les civils comme à Guernica, le 26 avril 1937. La guerre d'Espagne apparaît ainsi comme une répétition générale avant un conflit plus large. Elle renforce l'idée que les démocraties n'interviendront pas militairement pour soutenir les États agressés. Toutefois, l'engagement d'artistes comme Pablo Picasso ou d'écrivains comme André Malraux et Ernest Hemingway contribue à dénoncer l'action des Allemands et des Italiens et à éclairer l'opinion publique occidentale sur la menace qui s'annonce.
© 2000-2024, rue des écoles