Simone Veil, discours à l'Assemblée nationale, Paris, le 29 novembre 1974, pour défendre la loi en faveur de la dépénalisation de l'avortement

Le contexte
Jour historique dans notre démocratie en ce 29 novembre 1974 ! Simone Veil, ministre de la Santé de Valéry Giscard d'Estaing, est en charge d'un dossier épineux : la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Simone Veil, discours à l'Assemblée nationale, Paris, le 29 novembre 1974, pour défendre la loi en faveur de la dépénalisation de l'avortement - illustration 1
L'attitude de l'oratrice
Dans une France encore campée sur ses positions traditionnalistes, elle affronte ce jour-là avec brio l'Assemblée majoritairement masculine. Elle apparaît à la tribune avec sobriété et conviction.
Le ton est assuré, la diction parfaite, le rythme adapté. Elle pose un regard déterminé sur son auditoire qui reste à l'écoute malgré les différends politiques.
Elle capte dès les premiers mots la bienveillance de l'auditoire par l'absence d'arrogance dont elle fait preuve : elle vient parler, dit-elle, « avec humilité devant la difficulté du problème » mais « avec la plus grande conviction ».
Les questions rhétoriques au service de la réfutation
Ensuite, elle reprend les arguments de ses opposants pour mieux les réfuter, c'est-à-dire les déconstruire par la démonstration. Elle réfute l'idée selon laquelle il suffirait de faire appliquer la loi déjà existante, qui engage la responsabilité pénale des femmes ayant recours à l'IVG. Elle utilise des questions rhétoriques pour appuyer ce dialogue fictif avec la thèse opposée.
Simone Veil, discours à l'Assemblée nationale, Paris, le 29 novembre 1974, pour défendre la loi en faveur de la dépénalisation de l'avortement - illustration 2
D'une loi à toutes les lois
Certes, une loi existe, répond Simone Veil en un syllogisme, mais elle n'est pas appliquée, elle est donc mauvaise et nécessite d'être changée. Elle dénonce également les inégalités entre les femmes que celle-ci introduit.
« Elle est mauvaise parce qu'elle est littéralement bafouée et encore pire, je dirais, ridiculisée. »
Simone Veil, discours à l'Assemblée nationale, Paris, le 29 novembre 1974, pour défendre la loi en faveur de la dépénalisation de l'avortement - illustration 3
Source : Shutterstock/© New Africa
La légitimité de l'oratrice
Une phrase célèbre prononcée dans ce discours évoque la douleur et décrit avec justesse la position de la femme ayant recours à l'IVG :
« Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l'avortement […] c'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »

L'oratrice appuie son assertion en rappelant qu'elle souhaite « faire partager une conviction de femme », ce qui renforce sa légitimité.
Une formule restée dans les mémoires
Par la force de l'indéfini « aucune », elle place toutes les femmes dans une même négation, sans exception.
Puis, en utilisant le mot « drame », elle choisit l'émotion. Elle répète le terme et le place à la fin de sa phrase pour augmenter sa portée.
C'est donc ainsi que la ministre de la Santé assène le dernier coup à la vieille loi : le recours à l'IVG est en soi une tragédie, le rôle des institutions est de faire en sorte que ce ne soit pas encore plus difficile à vivre pour les femmes en les inculpant pénalement.
Zoom sur… la réfutation
Dans notre exemple, Simone Veil refuse de valider l'utilité de la loi qui engage pénalement la responsabilité des femmes ayant recours à l'IVG. Réfuter, c'est déconstruire un argument par démonstration et le rendre invalide.
Simone Veil, discours à l'Assemblée nationale, Paris, le 29 novembre 1974, pour défendre la loi en faveur de la dépénalisation de l'avortement - illustration 4
Source : Shutterstock/© Jacob Lund

Annexes

© 2000-2024, rue des écoles