Les lignes de force du territoire français


Fiche

Un territoire est avant tout un espace que s'approprie une société. Il importe donc de comprendre en quoi l'espace français a été aménagé et mis en forme par une succession de politiques publiques, mais également par les effets des systèmes économiques. La géographie analyse l'évolution des territoires, dont les héritages sont parfois lourds. J.-F. Gravier en 1947 montre le contraste entre Paris et le « désert » français : il met en exergue la prépondérance parisienne dans les réseaux et son poids démographique. Après plus d'un demi-siècle d'action de l'État, comment les lignes de force du territoire français se dessinent-elles aujourd'hui 
I. Les dynamiques de la population française
La macrocéphalie urbaine constatée par J.-F. Gravier ne se dément pas : l'Île-de-France avec 2,2 % du territoire concentre 19 % de la population nationale ! En élargissant aux six régions les plus peuplées, 49 % de la population occupe 22 % du territoire. Ces chiffres illustrent les disparités régionales majeures du territoire français pour la répartition de la population.
Paysage urbain au sud de Paris
Paysage urbain au sud de Paris
© krasman/iStock
À l'échelle des communes, la disparité est tout aussi grande. Les chiffres de la densité révèlent que les extrêmes se situent en Lozère, avec moins de 15 habitants au km2 et, si l'on excepte les départements franciliens, à Mayotte, avec 630 habitants au km2. Les espaces littoraux français, en particulier dans le Sud et dans l'Ouest, sont particulièrement dynamiques, en opposition aux régions de l'industrialisation ancienne, qui peuvent connaître une déprise assez forte comme aux confins de la Haute-Marne et de la Meuse.
La « métropolisation » désigne cette concentration cumulative des populations et des activités économiques supérieures dans les plus grandes villes. Formant des aires urbaines dont les marges périurbanisées dépendent des centres urbains, Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Nantes et Montpellier sont les villes les plus dynamiques.
La population qui déménage – en moyenne 2 % des foyers d'habitation par an – permet d'identifier des régions et des villes de départ et d'accueil. Ainsi, les villes du Massif central ont régulièrement des soldes migratoires annuels négatifs tandis que le Midi continue d'accueillir une population toujours plus nombreuse. Le Sud est en effet une destination de choix pour une population de retraités souhaitant bénéficier du cadre de vie, mais aussi pour de jeunes actifs profitant du dynamisme urbain. Dans les territoires ruraux, la métropolisation se traduit souvent par une limitation de l'accessibilité des services (fermetures de classes, éloignement du système de santé). Ainsi se dessine en contrepoint des grands centres urbains une « diagonale du vide » du nord-est de la France au sud-ouest du Massif central.
Exercice n°1Exercice n°2Exercice n°3Exercice n°4
II. La structuration du territoire
De grands axes forment les lignes qui irriguent le territoire français. Ils peuvent être routiers, avec un réseau autoroutier dense, mais aussi fluviaux, notamment sur le Rhône au sud de Lyon. À ces axes s'ajoutent des lignes ferroviaires à grande vitesse, des lignes à très haute tension et des oléoducs qui forment un nœud stratégique français. Ces axes se combinent pour former des couloirs de circulations majeurs à l'échelle européenne.
À l'échelle nationale, le réseau se dessine en étoile autour de Paris, soulignant encore une fois l'hypercentralisation du pays, en dépit de quelques tentatives pour la contrecarrer. Ainsi, l'A89, « autoroute des Présidents » (ainsi nommée car elle traverse les villes d'anciens chefs de l'État), reliant Lyon à Bordeaux, est l'une des rares transversales du territoire français.
Ouvert sur l'espace maritime mondial au nord par Le Havre et au sud par Fos-sur-Mer, Paris-Lyon-Marseille s'avère l'axe principal qui structure le territoire. Cette structuration est également dirigée à l'international, en particulier vers les partenaires européens. Les corridors transeuropéens sont l'expression de cette ouverture, dont l'image la plus fameuse est peut-être l'Eurotunnel.
Exercice n°5
III. La diversité des territoires
Il existe une diversité des territoires français. Les citoyens fréquentent en effet d'abord un territoire du quotidien qu'ils façonnent par leurs pratiques. Ainsi, les modes de vie des« néoruraux », d'origine urbaine, installés dans des zones identifiées comme rurales, modifient les espaces où ils habitent.
Des spécificités économiques locales permettent également de dynamiser des villes de taille moyenne, comme la construction navale à Saint-Nazaire ou le jouet dans le Jura. Mais ces territoires sont alors dépendants de l'activité qui irrigue l'économie locale. Ainsi, la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19 en 2020 fait peser de lourdes craintes pour la région de Toulouse dont l'économie est largement tributaire du complexe aéronautique.
Exercice n°6Exercice n°7
IV. Une intégration inégale dans la mondialisation
Les régions frontalières françaises sont sans nul doute, avec Paris, les régions les plus dynamiques dans les échanges quotidiens à l'international. Par des mobilités humaines, mais aussi des circulations économiques et financières, elles sont le fer de lance de l'intégration européenne. C'est en effet par l'Europe que la France s'ouvre au monde, grâce à la mise en place d'un marché commun de plus en plus intégré. Ainsi, plus de 60 % des investissements directs étrangers (IDE) en France viennent de l'UE.
Roissy-Charles-de-Gaulle est une autre plaque tournante, notamment parce que l'aéroport est une porte d'entrée touristique. Les axes du tourisme ont structuré une part de l'inconscient collectif français et sont parfois mythifiés comme la nationale 7, « route des vacances », qui est périodiquement utilisée lors des grands chassés-croisés des congés. Ceux-ci se déroulent également depuis longtemps sur les autoroutes contiguës, largement empruntées par les touristes du nord de l'Europe à la recherche du soleil français ou espagnol.
Village d'Auvergne
Village d'Auvergne
© kodachrome25/iStock
L'un des critères majeurs de la métropolisation est l'accessibilité par TGV, qui établit de petits archipels métropolitains nationaux. L'éloignement de la gare est en effet un critère discriminant pour l'accès aux échanges européens. Le Massif central, par exemple, se trouve souvent à plus d'une heure de route de la première gare TGV, tout comme une grande partie des départements normands.
Enfin, les marges ultramarines, disposant pourtant d'une proximité géographique avec des espaces très diversifiés, se caractérisent par la relation de quasi-dépendance qu'elles entretiennent avec la métropole, avec plus de 50 % de leurs importations qui en proviennent et 70 % de leurs exportations dans sa direction. Leur intégration nationale semble donc avoir lieu aux dépens de leur intégration internationale.
Zoom sur…
Rendre sa région attractive : l'exemple de la bretagne
Dans le cadre de la compétitivité des territoires, les institutions régionales tendent à développer des politiques d'attractivité de leurs territoires, sans pour autant disposer toutes des mêmes avantages comparatifs. En 2019, la région Bretagne a mené une campagne publicitaire intensive vantant les atouts de son territoire à destination de l'Île-de-France intitulée « Bretagne. Passez à l'Ouest ». Cette région fait partie de celles dont le solde migratoire est positif, et près de 3 500 Franciliens choisissent chaque année de s'y installer, dont plus de la moitié dans une commune littorale. La qualité de vie y est promue, tout comme les atouts touristiques et culturels.
Les acteurs de la région s'organisent pour peser dans le cadre national. Depuis 1950, le rôle du CELIB (Comité d'études et de liaison des intérêts bretons) est ainsi d'influencer les décisions politiques nationales pour parvenir à développer la région. Ce comité a eu un rôle majeur dans l'aménagement des voies rapides gratuites caractéristiques de la région. Ce lobbying joue encore aujourd'hui à plein, comme l'ont démontré les enquêtes d'Inès Leraud sur la gestion de la crise des algues vertes s'amoncelant sur certaines plages touristiques. La structuration de l'industrie agroalimentaire et la distribution sont aussi des points forts de l'économie régionale à l'international, avec de grands groupes internationaux comme E. Leclerc.
Exercice n°8
Paris, capitale et ville mondiale ?
À la tête de l'armature urbaine française, Paris a été identifié par Saskia Sassen comme une ville mondiale sur le plan économique aux côtés de New York, Londres et Tokyo. Mais la ville se caractérise également par sa centralité politique, dont l'architecture garde trace : palais de l'Élysée, Palais-Bourbon et palais du Luxembourg sont les ors de la République. Les ambassades se côtoient au centre de la ville, tandis que les institutions culturelles majeures y rayonnent (Comédie française, Louvre, Centre Pompidou). Quelques kilomètres carrés urbains regroupent donc les plus hauts niveaux des hiérarchies économiques, sociales et culturelles du pays. L'université n'y échappe pas : si plusieurs tentatives de décentralisation des grandes écoles ont existé, peu ont été menées à bien, si ce n'est celle de l'École nationale d'administration (ENA). La Sorbonne ou Sciences-Po demeurent des grands noms attachés à la rive gauche parisienne.
Des pôles de compétitivité se sont également développés autour des lieux de rupture de charges (transferts d'un véhicule à un autre) du transport international, en particulier les aéroports. Ainsi, les zones industrielles et commerciales autour de Roissy-Charles-de-Gaulle regroupent près de 10 % de l'activité économique.
Enfin, Paris, « Ville Lumière », est un symbole du tourisme international, s'intégrant souvent dans un parcours pour les touristes extra-européens, comprenant les grandes métropoles, mais aussi un ou deux monuments comme Le Mont-Saint-Michel.
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