Les changements de modes de vie s'imposent-ils aux organisations ?


Fiche

Les organisations connaissent, depuis plusieurs dizaines d'années, des transformations profondes de leur fonctionnement du fait de l'évolution des rapports sociaux souhaités par les salariés. Ceux-ci adoptent progressivement de nouveaux comportements sur le lieu de travail auxquels doivent s'adapter les employeurs. Parallèlement aux évolutions constatées dans le rapport au travail des salariés, on constate de nouveaux comportements de consommation plus responsables et plus durables chez les clients. Les technologies modernes accompagnent et parfois imposent des changements dans le management des entreprises, mais également dans les modes de consommation. Elles permettent d'une part une organisation plus nomade du travail et d'autre part le développement de plateformes d'intermédiation et l'apparition de phénomène comme l'économie collaborative ou l'économie de partage.
1. Les évolutions des rapports sociaux au travail
Les rapports sociaux au travail correspondent aux relations interpersonnelles entre les collaborateurs au sein d'une organisation ainsi que celles entre les salariés et l'employeur. Les progrès technologiques, la mondialisation et les changements culturels influencent depuis longtemps l'évolution du travail, mais, désormais, une transformation encore plus rapide est en cours. Aujourd'hui, nos environnements de travail modernes n'ont plus rien à voir avec l'époque où le travail se déroulait à horaires fixes, toujours au même endroit et avec une chaîne hiérarchique rigide. Les individus ont plus de contrôle et d'autonomie sur leur manière de travailler, décidant en grande partie comment, quand et où ils travaillent.
1.1. Le travail à distance
Le travail à distance (ou télétravail) désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire, en utilisant les technologies de l'information et de la communication (smartphones, ordinateurs portables, tablettes numériques, plateformes collaboratives, etc.). Cette organisation du travail permet également aux employés d'exercer parfois leur activité en dehors des horaires classiques.
Le télétravail peut être un choix commun :
• de l'employeur qui va bénéficier d'une baisse de ses coûts à moyen terme, d'une diminution de l'absentéisme, d'un accroissement de la flexibilité de ses ressources humaines ;
• du salarié souhaitant limiter son temps de transport, bénéficier d'un cadre de travail agréable, d'horaires plus souples, d'un sentiment de liberté et d'une autonomie plus importante.
Ce phénomène qui peut sembler inéluctable est accompagné par les pouvoirs publics qui souhaitent en limiter certaines dérives. En effet, lorsque le travail à distance est proposé par l'employeur de manière trop brutale et désorganisée, il peut générer de la souffrance au travail : surcharge de travail, stress, manque de contact et isolement, surveillance numérique permanente de la hiérarchie, etc.
1.2. Le droit à la déconnexion
Les salariés sont de plus en plus sollicités professionnellement en dehors de leur strict lieu de travail et font face à un risque d'« hyperconnectivité ». Des clients peuvent joindre un commercial sur son portable en dehors des heures de travail, un employeur peut envoyer un courriel urgent le week-end ou en soirée, la vie professionnelle venant constamment empiéter sur la vie privée du salarié. Ce phénomène, mis en lumière par le travail à distance, qui accompagne l'utilisation massive des nouvelles technologies, a poussé le législateur à fixer des limites afin d'éviter aux salariés le sentiment d'un travail permanent, et un risque accru de burn out. Le droit à la déconnexion, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, précise qu'« en dehors de ses heures de travail, un salarié n'est pas tenu d'être en permanence joignable par son employeur pour des motifs liés à l'exécution de son travail ».
1.3. L'équilibre entre vie privée et vie professionnelle
Entre la pression parfois ressentie au travail ou encore l'« hyperconnectivité » évoquée plus haut, il peut être difficile pour le salarié de placer le curseur entre vie professionnelle et vie personnelle. En conséquence, on retrouve actuellement chez les personnels une volonté de plus en plus importante de mieux les concilier. Il est d'ailleurs de plus en plus courant que lors d'un entretien d'embauche, le candidat au recrutement évoque comme fondamental son souhait d'équilibrer au mieux travail et vie privée. Consacrer du temps à sa famille et ses enfants ou prendre soin de soi implique, pour le salarié, de travailler avec des horaires adaptés à sa situation personnelle et que l'employeur adopte une organisation du travail plus souple.
1.4. Le rapport à la hiérarchie
Nous pouvons constater chez les nouvelles générations de salariés des évolutions dans les notions de travail, de carrière et de reconnaissance professionnelle. Cette volonté de changement se traduit par un rapport différent à la hiérarchie. Manager une équipe nécessite donc de ne pas se concentrer uniquement sur la capacité des salariés à atteindre des objectifs, car les collaborateurs attendent que l'on reconnaisse leurs efforts, leur esprit d'initiative et leur inventivité. Les organisations s'adaptent aux nouvelles attentes des salariés dans le but de participer à leur épanouissement et d'accroître leur productivité.
1.5. L'augmentation du travail indépendant et ses limites
Au contraire du salarié, le travailleur indépendant n'est pas lié par un contrat de travail avec l'organisation pour laquelle il exécute sa mission. Il travaille pour son propre compte, il est autonome dans sa gestion, dans le choix de ses clients et dans la tarification de ses prestations. Seulement, l'augmentation importante du nombre de travailleurs indépendants depuis la mise en place du statut de micro-entrepreneur pose un certain nombre de questions. En effet, dans certains cas, les clients peuvent exercer sur le travailleur indépendant une pression importante quant à la qualité du travail demandé, surtout si celui-ci a peu de clients. D'autres travailleurs indépendants, mis en relation avec leurs clients par l'intermédiaire de plateformes de type « Uber », deviennent dépendants du fonctionnement de l'application sans pouvoir constituer leur clientèle de manière autonome, fixer leurs propres tarifs ou déterminer les conditions d'exécution de la prestation de service.
Ce rapport de force défavorable aux indépendants questionne sur le statut de travailleur indépendant des utilisateurs de plateformes d'intermédiation, et sur les zones grises entre salariat et travail indépendant que ce fonctionnement implique.
2. Les nouveaux comportements de consommation
L'évolution des valeurs sociales et l'émergence de concepts comme ceux de « développement durable » et d'« éthique commerciale » se traduisent par un engouement croissant pour une consommation plus responsable et par une dénonciation des pratiques consuméristes et de certaines pratiques marketing. Les organisations prennent en compte ces évolutions et les intègrent dans leur démarche d'ordre mercatique.
2.1. L'émergence d'une consommation responsable
Les dérives de la société de consommation et notamment les conséquences de la consommation de masse sur l'environnement ont fait apparaître de nouveaux modes de consommation.
Les nouvelles aspirations des consommateurs sont prises en compte :
• au niveau social : refus du travail des enfants, refus des conditions de travail dégradantes, respect de la dignité humaine et de l'égalité salariale ;
• au niveau sociétal : refus de la spéculation sur les biens de première nécessité (riz, blé), égalité dans le partage de la valeur ajoutée entre les pays du Nord et les pays du Sud (commerce équitable) ;
• au niveau écologique : développement de produits à faible impact environnemental, recyclage des déchets, non-gaspillage des matières premières et des sources d'énergie.
Cette tendance croissante est toutefois freinée par la variable prix, par la qualité intrinsèque de certains produits ainsi que par le manque de transparence des organisations.
2.2. L'apparition de modes de consommation alternatifs
De plus en plus de consommateurs délaissent les magasins traditionnels et les pratiques consuméristes dans le but de consommer moins, mais mieux, en adoptant de nouveaux concepts de consommation :
• Le mouvement locavore correspond à la volonté des citoyens de soutenir l'économie locale et de sauvegarder l'environnement en privilégiant les produits régionaux, et même locaux avec un lien fort avec le territoire ;
• La consommation collaborative consiste à augmenter l'usage d'un bien ou d'un service par le partage, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers (covoiturage, échange d'appartements, prêt de matériel de bricolage). Plusieurs plateformes d'intermédiation telle Airbnb, Blablacar ou couchsurfing ont rapidement eu du succès auprès des particuliers. Ce mode de consommation, favorisé par l'essor d'Internet, a un effet favorable sur le pouvoir d'achat des utilisateurs tout en créant du lien social dans une démarche plus écologique et responsable ;
• Le glanage consiste à ramasser les restes ou les rebuts de la société de consommation. Il se pratique sur les marchés, chez les commerçants et dans les poubelles et peut être une manière ponctuelle d'économiser sur son budget. Portés par des mouvements de consommation anti-gaspillage, de nombreux profils de glaneurs sont apparus avec la crise économique, l'accentuation de la précarité et la croissance de l'anticonsumérisme : des chômeurs et travailleurs pauvres, des retraités précaires, des jeunes souhaitant adopter un mode de vie alternatif, des militants, etc.
2.3. L'économie de la fonctionnalité
L'économie de la fonctionnalité peut se définir comme le remplacement de la vente d'un bien (une voiture, par exemple) par la vente de l'usage du bien (sa location). Elle consiste donc à ne plus aborder la production comme une production de biens et de services, mais comme une production de solutions visant à répondre à un besoin.
Cette nouvelle vision de l'économie bouleverse le fonctionnement de l'entreprise qui :
• vend une solution et non pas un produit (elle en reste propriétaire) ;
• doit s'imposer des actions de fidélisation de ses clients afin de garantir sa pérennité ;
• communique sur l'usage et non plus sur le produit stricto sensu.
Par exemple, Michelin propose dorénavant à des clients professionnels de renoncer à acheter ses pneumatiques. À la place, Michelin restant propriétaire des pneus que va utiliser son client s'engage à en assurer la maintenance contre le paiement d'un forfait de location.
À retenir
Influencées par le contexte sociétal, les organisations s'adaptent aux évolutions des rapports sociaux et aux nouveaux modes de consommation. Transformées dans leurs pratiques managériales, elles mettent en place une organisation du travail moins rigide et modernisent les rapports hiérarchiques afin de favoriser l'épanouissement et l'équilibre vie privée/vie professionnelle souhaitée par les salariés.
Les organisations sont également confrontées à de nouveaux comportements de consommation plus responsable : économie du partage, glanage, mouvement locavore, anticonsumérisme.
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