Dynamiques territoriales contrastées au sein de la mondialisation


Fiche

La mondialisation est un phénomène d'accélération des flux à l'échelle mondiale mais aussi de sélection des territoires. Le modèle géographique des centres et périphéries permet d'envisager ce processus massif, entre territoires moteurs polarisant les flux et périphéries sous domination. Ce modèle peut être utilisé à différentes échelles, à la fois mondiale et étatique. Quelle hiérarchie des territoires est née de la phase récente de la mondialisation ?
Les centres d'impulsion (ou pôles) de la mondialisation
Les trois grandes aires de puissance
Aux xixe et xxe siècles, le monde connaît la domination d'une puissance, principalement britannique puis américaine, avant qu'une accélération de la mondialisation à la fin du xxe et au xxie siècle ne donne naissance à un monde multipolaire. Les aires de puissance que sont l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest et l'Asie de l'Est (Japon, Chine littorale, Corée du Sud) restent les centres dominants et les piliers de la mondialisation. Sur le plan économique, le modèle libéral et capitaliste s'y est largement développé. Ces aires représentent trois quarts des investissements directs étrangers (IDE) dans le monde, tandis que leurs firmes transnationales (FTN) sont au sommet de la hiérarchie mondiale. Les pratiques culturelles mondialisées en sont largement originaires : ainsi, la pratique du football est un des exemples de la mondialisation sportive au profit de l'Europe. Enfin, sur le plan institutionnel, ces pays sont au cœur des grandes décisions mondiales. Les sièges des institutions y sont situés (l'ONU à New York, l'OMC à Genève), et leur poids politique y est prépondérant (droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour la Chine, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, qui y siègent de façon permanente).
Quelques espaces favorisés
Les grandes métropoles, en premier lieu les villes mondiales, cumulent les fonctions de commandement économique, politique et culturel. Il s'agit également de carrefours de communication (hub). Les plus importantes (New York, Londres, Paris, Shanghai, Singapour, Tokyo et Dubaï) sont concentrées dans les aires de puissance et se distinguent architecturalement par l'importance de leur Central Business District (CBD), quartier d'affaires. L'ensemble des villes mondiales forme un archipel métropolitain mondial, connecté en réseau, de centres d'impulsion de la mondialisation.
Les façades maritimes, quant à elles, disposant de plateformes multimodales ouvrent aux échanges de vastes territoires. La littoralisation des sociétés conduit à la concentration des populations et des activités faisant de ces régions des centres de la mondialisation. Les grandes façades sont la façade pacifique de l'Asie (constituée de plus de la moitié des 20 premiers ports mondiaux dont Shanghai), la Northern Range (du Havre à Hambourg), la Mégalopolis (la façade atlantique américaine) et, enfin, le pourtour méditerranéen pour sa centralité touristique.
Certaines régions transfrontalières profitent enfin des différences entre les espaces nationaux, notamment des variations fiscales ou des écarts de développement. Ainsi, l'interface de la frontière américano-mexicaine est riche en échanges (capitaux, hommes, marchandises) légaux ou non.
Exercice n°1Exercice n°2Exercice n°3
Puissances émergentes et espaces en marge de la mondialisation
La diversification des pôles de la mondialisation
Aujourd'hui, les trois grands pôles historiques de la mondialisation doivent compter avec de nouveaux espaces en pleine expansion. Les profils de ces périphéries sont très nombreux, il existe en effet un gradient d'intégration.
Les pays pétroliers se sont largement intégrés à l'économie mondiale, et doivent dorénavant se diversifier pour maintenir leur place, comme le fait l'Arabie Saoudite avec l'ouverture au tourisme.
Les pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s'affirment sur la scène internationale et bouleversent les hiérarchies issues du xxe siècle. Ils partagent des démographies jeunes et nombreuses (Chine : 1,3 milliard d'habitants) et une croissance économique rapide s'appuyant sur plusieurs secteurs forts (l'agriculture brésilienne, les services informatiques indiens, l'industrie chinoise). Ils tendent à diversifier leur économie. Enfin, l'influence culturelle croissante de ces pays se remarque à l'organisation des grandes manifestations sportives : Pékin a organisé les jeux Olympiques de 2008 et se prépare à ceux de 2022, tandis que Bollywood constitue un centre mondial du cinéma. Ces pays participent aux décisions mondiales, notamment avec leur participation au G20, mais cette intégration n'efface pas leurs divergences.
Enfin, même si les pays ateliers (Vietnam, Thaïlande, Bangladesh par exemple) ont un développement lent, dépendant des investissements des pays du Nord, qui profitent de leur main-d'œuvre peu chère, ils ont un rôle crucial et croissant dans l'économie mondialisée.
Des espaces encore tenus à l'écart
Les pays les moins avancés (PMA) sont à la marge de la mondialisation principalement du fait de l'absence d'infrastructures permettant leur connexion au reste du monde : manque de façades maritimes, pas ou peu d'installations portuaires, aéronautiques, de réseaux efficaces de télécommunication. Leur économie est peu diversifiée, leurs exportations sont limitées à des matières premières et subissent souvent une instabilité politique. L'Afrique est la plus touchée par cette marginalisation. Pour des raisons idéologiques, la Corée du Nord quant à elle reste fermée à la mondialisation en théorie, même si des échanges économiques ont lieu notamment avec la Chine, ou avec la France (production de dessins animés).
Il existe également des marginalités au sein des États. Le phénomène de marginalisation d'une partie de la population est particulièrement visible dans les grandes puissances émergentes. Au Brésil, la région du Nordeste apparaît comme particulièrement périphérique dans la mondialisation, avec peu de perspectives économiques et un indice de développement (IDH) de 0,66, quand le Brésil est à 0,76. Dans le cas indien, les régions rurales du centre du pays restent très pauvres, tandis que des villes mondialisées comme Mumbai concentrent de très nombreux bidonvilles. Quant à la Chine, si son niveau de développement lui permet d'atteindre un IDH (indice de développement humain) équivalent à l'Europe de l'Est (autour de 0,8), les inégalités y sont prégnantes : la Chine littorale contraste par exemple avec la Chine intérieure.
Ces différences peuvent aussi exister dans les pays du Nord, par exemple en Italie, où le sud du pays reste à la marge, même si certains investissements comme le port de Gioia Tauro le situent sur la carte de la mondialisation.
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Les dynamiques actuelles de la mondialisation
Les acteurs moteurs de la polarisation
Les FTN (firmes transnationales), qui sont les principaux moteurs de la mondialisation, s'appuient sur une nouvelle division internationale du travail (NDIT). Les économies se spécialisent dans des domaines particuliers où les pays peuvent faire jouer leurs avantages comparatifs. Ainsi, les pays développés où la population active possède de forts niveaux de qualification apparaissent comme les lieux de l'innovation et de la création industrielle, au sein par exemple de grands technopôles regroupant les industries à la pointe de l'économie numérique telle la Silicon Valley aux États-Unis. D'autres pays se spécialisent dans la production à moindre coût des pièces détachées, comme la Chine dans ses grandes usines du littoral, ou bien encore dans la production de matières premières. Les plus grands profits reviennent aux pays développés grâce à la valeur ajoutée de leurs produits. Si la Chine et l'Inde peuvent apparaître comme des puissances innovantes, les autres pays émergents peinent à suivre la course à la rentabilité.
Les autres acteurs essentiels de la mondialisation sont les États. Devant la difficulté d'établir des règles à l'échelle planétaire et de gérer les flux induits par la mondialisation, l'échelle régionale a souvent été retenue par les acteurs politiques. La décennie 1990 apparaît comme riche en expérimentations. En 1992 sont signés le traité de Maastricht, qui institue l'Union européenne (UE), et l'accord de libre-échange nord-américain (Alena). Ce dernier est entré en vigueur en 1994, l'année de la création du Mercosur, communauté économique de cinq pays d'Amérique du Sud : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Venezuela (membres permanents).
Les réactions à la mondialisation
La mondialisation surgit dans la vie des citoyens sous des formes variées. Si le nombre de touristes n'a cessé de croître, dépassant le milliard chaque année, avant l'épidémie liée à la Covid-19, la mondialisation a également d'autres incidences sur le quotidien des populations.Dans les pays développés, des régions d'industrie ancienne ne peuvent rivaliser avec la concurrence des pays en développement. Sans impulsion politique forte, les délocalisations se multiplient, faisant d'une transformation économique majeure une crise sociale (hausse du taux de chômage, perte de statut social).
Les logiques protectionnistes n'ont pas disparu et sont parfois mises en avant, par exemple, lorsque D. Trump a fait pression sur les grands groupes de l'industrie automobile américaine pour relocaliser les usines Chrysler ou Ford dans leurs bassins d'origine de l'Ohio ou du Michigan. Un autre outil protectionniste est l'imposition de tarifs douaniers, en particulier sur l'acier aux États-Unis.
À une autre échelle, les acteurs de l'économie tentent de repenser les flux et leur incidence sur le développement. Certains acteurs, des ONG en particulier, appellent à repenser la rentabilité économique à l'heure de la crise écologique, en mesurant par exemple l'empreinte carbone de nos pratiques quotidiennes. Enfin, des mouvements d'opposition se sont développés sous différentes formes. La majorité des opposants se retrouvent dans le concept d'altermondialisation, une mondialisation aux valeurs différentes. Regroupant des organisations citoyennes, syndicales ou environnementales, ils s'affirment comme des espaces de débats et de présentation de projets pour un « autre monde ».
Exercice n°7Exercice n°8Exercice n°9
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