Un front pionnier au Brésil


Fiche

Face à la pression démographique, une solution consiste à gagner de nouvelles terres, généralement au détriment des forêts primaires. C'est ainsi que se déclenchent des fronts pionniers comme ceux du Brésil.
I. Le Brésil et ses fronts pionniers
• Le Brésil est un État démesuré : sa population approche les 200 millions pour 8,5 millions de km2. Avec un taux de natalité de 18,4 ‰, la population augmente de 1,2 % par an. Le Brésil fait partie des économies les plus dynamiques du monde actuel et se classe dans le groupe des pays émergents. Sa population est connue pour son dynamisme, lequel s'exprime notamment par son engagement dans les fronts pionniers.
• Un front pionnier est une zone, généralement de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres d'épaisseur, où les populations nouvellement venues s'installent, défrichent et mettent en valeur un espace forestier encore vierge de présence humaine – du moins si l'on excepte les populations autochtones que sont les Indiens amazoniens. La zone du front pionnier est mobile : elle se déplace avec la déforestation.
• Au Brésil, l'arc de la déforestation de l'Amazonie s'étend du nord du Rondônia à l'embouchure de l'Amazone. Cet État du Rondônia est un bon exemple des résultats de l'avance du front pionnier. Lors de sa création, en 1943, il ne compte que 21 000 habitants. Aujourd'hui, sa population est passée à plus d'un million et demi. Entre 1970 et 2000, elle a été multipliée par 14 ! Ville symbole du front pionnier, Ji-Parana rassemblait à peine 30 habitants en 1950 ; en 2009, elle compte 111 000 personnes !
II. Organisation et bilan du front pionnier du Rondônia
• En 1975, l'onde du front pionnier n'a pas encore atteint le Rondônia. La route BR 364, qui constituera l'épine dorsale de la colonisation, est pourtant déjà en place depuis 1966. Depuis cette date, elle est régulièrement retracée et asphaltée. En 2000-2010, l'onde du front s'étale sur l'État : les colons, souvent des pauvres paysans sans terre, majoritairement originaires du Sertão, parfois après un passage par la capitale économique São Paulo, ont reçu de l'Institut National de colonisation et de réforme agraire brésilien des lots de 100 ha de terres, alignés sur la route principale.
• Ces paysans défrichent leur parcelle, en respectant plus ou moins l'obligation d'en conserver la moitié en forêt. Le bois est vendu à des scieries mobiles, qui suivent l'onde pionnière. Les terrains sont ensuite mis en culture, souvent en agriculture de subsistance, destinée à nourrir le paysan et sa famille. Des lots plus importants ont été achetés par de grands propriétaires et destinés à l'élevage, ou à la culture du café. Des villes nouvelles se créent, telle Alto Paraiso, née en 1992, qui approche des 20 000 habitants en 2010… Le front pionnier quittera le Rondônia dans quelques années, pour poursuivre sa route vers le nord. Les grands propriétaires rachètent une part notable des lots des colons.
Cette mise en valeur de l'Amazonie répond-elle à une pression démographique réelle ? Autrement dit, les « hommes sans terres » ont-ils colonisés des « terres sans hommes » ? En fait, les migrants qui s'installent sur le front pionnier sont effectivement pour beaucoup des paysans sans terre, venus notamment du Nordeste (nord-est du pays), la région la plus pauvre du Brésil. Mais la pression démographique ne suffit pas à expliquer l'absence de terres. Les structures foncières du Brésil sont sans doute les plus inégalitaires du monde. Les latifundios (grandes exploitations) des grands propriétaires accaparent l'essentiel des terres. Il ne reste plus aux petits paysans des minifundios (petites exploitations) qu'à rejoindre les fronts pionniers. La ruée vers les terres pionnières s'explique donc largement par des inégalités sociales et pas seulement – loin de là – démographiques.
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