L'Encyclopédie


Fiche

Au xviiie siècle paraît en France la première encyclopédie moderne. Cette œuvre rassemble les connaissances de l'époque et présente notamment les progrès les plus récents de la science. Comment s'est constituée l'Encyclopédie, sous l'égide de Diderot et d'Alembert ? Pourquoi a-t-elle marqué l'histoire de l'Europe ?
I. Une entreprise colossale
Avec un total de 17 volumes de textes et 11 volumes de planches, imprimés entre 1751 et 1772, l'édition de l'Encyclopédie est un projet de grande envergure. À maintes reprises, elle risque d'entraîner la ruine des libraires qui la commanditent et l'emprisonnement de ses directeurs et auteurs.
1. Le projet éditorial
• À l'origine de l'Encyclopédie se trouve le libraire Le Breton qui, en 1745, souhaite publier une version française de la Cyclopaedia de l'Anglais Chambers.
• Après deux tentatives infructueuses, en 1747, le projet est confié à deux esprits des Lumières : l'écrivain et philosophe Denis Diderot (1713-1784) et le mathématicien Jean Le Rond d'Alembert (1717-1783).
• Le projet s'élargit et dépasse bientôt le simple cadre d'une traduction. Dans un Prospectus publié en 1750, Diderot prévoit un ensemble de dix volumes, huit de textes et deux de planches. De nombreux intellectuels de l'époque ont promis leur concours à ce vaste « catalogue » des connaissances.
• Le titre original de l'œuvre monumentale est : « l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Arts, des Sciences et des Métiers ». Comme l'exige la censure royale, la publication est soumise à l'obtention d'une autorisation appelée « privilège » du roi. Le Breton l'obtient et rassemble les premiers capitaux nécessaires.
2. Un ouvrage collectif
• Plus de 200 collaborateurs ont travaillé à l'Encyclopédie : grands penseurs et scientifiques, dessinateurs et graveurs pour les illustrations, enquêteurs chargés de recueillir jusque dans les ateliers les informations nécessaires à certains articles techniques.
• De très grands noms se côtoient : Montesquieu qui rédige un article ; Voltaire et Rousseau qui participent aux premiers volumes puis prennent leurs distances, le contrôleur général des finances Turgot et l'économiste Quesnay.
• Si le naturaliste Buffon ne signe pas d'article, ses travaux et son esprit influencent grandement l'Encyclopédie. Certains auteurs vont jusqu'à financer l'entreprise, notamment le baron d'Holbach, philosophe et scientifique, à qui l'on doit 376 articles. Quant à Diderot, il anime et dirige l'entreprise et rédige plus de 1 000 articles.
3. La bataille encyclopédique
• Dès la parution du premier tome, l'Encyclopédie rencontre de vives oppositions. Les jésuites la considèrent comme une véritable machine de guerre contre l'Église. Après la parution du tome II en 1752, un arrêt du Conseil du roi interdit l'ouvrage.
• Grâce aux appuis politiques de Diderot (la maîtresse du roi Mme de Pompadour et Malesherbes, chargé de la censure), la publication parvient à suivre son cours. De 1753 à 1757, paraissent ainsi les tomes III à VII.
• En 1757, le pouvoir royal durcit sa politique. Voltaire s'inquiète et persuade d'Alembert d'abandonner l'Encyclopédie.
• Diderot poursuit seul l'entreprise. En 1758, De l'esprit de l'encyclopédiste Helvétius fait scandale. Le roi retire son autorisation de publier et ordonne même le remboursement des souscripteurs. Les volumes VIII à XXVII et les volumes de planches sont distribués secrètement. De peur d'encourir la justice royale, le libraire Le Breton censure même les articles sans en prévenir Diderot.
L'Encyclopédie est enfin achevée en 1772, dans la clandestinité et l'adversité.
II. Une somme de connaissances
Bien que le tirage soit faible et le prix élevé, l'Encyclopédie se veut accessible à tous. Elle doit à la fois instruire « l'honnête homme » et renseigner les professionnels en quête d'innovation technique.
1. Un hymne au progrès
• Vulgariser les sciences et les connaissances nouvelles, tel est l'objectif des encyclopédistes. Bien que les articles soient simplement présentés par ordre alphabétique, l'Encyclopédie est un Dictionnaire raisonné : des renvois sont créés (c'est une innovation, à l'époque) pour mettre en relation différents articles.
• De nombreux domaines sont abordés : les mathématiques, les sciences naturelles, la physique, la chimie, la médecine, le droit, les arts, les langues, les lettres et la philosophie, l'histoire, la géographie ou encore les techniques militaires.
• Diderot ne souhaite pas réduire son dictionnaire aux grandes théories et aux sciences expérimentales. Il vise à établir un catalogue exhaustif du savoir artisanal de son siècle. De nombreux métiers de l'artisanat ou de l'industrie naissante sont illustrés dans les volumes de planches.
2. Un message révolutionnaire ?
• L'Encyclopédie ne se borne pas à recenser les connaissances. Elle met en valeur les limites et les erreurs de la société d'Ancien Régime. Elle défend les idées fortes de la philosophie des Lumières : la liberté, la tolérance, etc., et se veut une arme intellectuelle contre le pouvoir absolu, les préjugés, le fanatisme.
• Les auteurs restent néanmoins extrêmement prudents : il n'est pas question d'attaquer le pouvoir directement. Les critiques contre la religion et le pouvoir royal surviennent dans les articles les plus inattendus, dont certains ne sont pas signés.
• Si l'Encyclopédie a contribué à former un état d'esprit hostile à l'Ancien Régime, elle ne prône ni une révolution ni l'établissement d'un régime démocratique.
3. Le destin de l'Encyclopédie
• L'Encyclopédie a de nombreux défauts : certaines grosses lacunes, des répétitions et des erreurs plus ou moins lourdes, des articles « empruntés » aux encyclopédies antérieures… D'Alembert considère que c'est « un habit d'arlequin où il y a quelques morceaux de bonne étoffe et trop de haillons ».
• La nouveauté de cette encyclopédie des Lumières tient précisément à ce qu'elle ne se veut ni exhaustive ni définitive. Les encyclopédistes entament une œuvre à la fois rétrospective, qui recense la somme des connaissances acquises,  et prospective, qui vise à s'enrichir de chaque nouvelle découverte.
• Après 1772 et sans la participation de Diderot, sept nouveaux volumes sont édités par la librairie Panckoucke. Réalisé entre 1776 et 1780, le supplément comprend quatre volumes de textes et un volume de planche, deux volumes de table générale lui sont adjoints. Ce qui porte l'Encyclopédie à 35 volumes avec près de 3 000 planches. De nombreuses éditions dérivées sont imprimées en Suisse et en Italie.
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