L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française. Ses conséquences sont multiples. Mais de quoi s'agit-il ?
I. Le contexte
• En 1894, la IIIe République a déjà 24 ans d'existence. Les élections viennent de donner la victoire aux républicains (notamment les radicaux) face à la droite conservatrice. L'instabilité ministérielle se poursuit mais, à partir de 1896, le gouvernement de Jules Méline connaît une grande stabilité en menant une politique certes conservatrice mais d'apaisement. C'est sous ce gouvernement qu'éclate l'affaire Dreyfus.
• Le contexte est toujours tendu à propos de l'Alsace-Lorraine, annexée par l'Allemagne en 1871. La France prépare toujours la « revanche » et signe à cet effet une alliance militaire avec la Russie. La mise au point de nouveaux matériels, notamment le fameux canon de 75, est entourée d'un secret militaire total, dans une ambiance délétère : les affaires d'espionnage se succèdent.
• Dans la société de l'époque, deux grands courants de pensée progressent : le nationalisme et l'antisémitisme. La presse est tout à fait libre et peut écrire ce qu'elle veut, sans risque réel. Mais le ton utilisé est d'une extrême violence. L'antisémitisme (la haine des juifs) est très virulent, surtout depuis la publication de La France juive d'Édouard Drumont, en 1886. L'antisémitisme n'épargne pas l'armée, où les officiers d'origine juive sont regardés avec suspicion par bon nombre de leurs camarades.
II. L'affaire
• Une affaire relativement banale semble d'ailleurs leur donner raison : en 1894, le capitaine français Alfred Dreyfus, alsacien d'origine juive, est accusé d'avoir livré aux Allemands des documents militaires secrets. Jugé et condamné sans preuve pour trahison, dégradé et chassé de l'armée, il est déporté à perpétuité sur l'île du Diable, en Guyane. L'affaire est entendue et la culpabilité de Dreyfus ne fait aucun doute pour personne.
• Mais la famille du capitaine Dreyfus, et notamment son frère Mathieu Dreyfus, engage un journaliste pour prouver son innocence. Dans le même temps, en 1896, le contre-espionnage français découvre que le véritable traître est le commandant Ferdinand Walsin Esterházy. Mais l'État-major français refuse de revoir le jugement et tente d'étouffer l'affaire.
• Mathieu Dreyfus porte alors plainte contre le commandant Ferdinand Walsin Esterházy, acquitté par un tribunal aux ordres en janvier 1898. Les milieux conservateurs, nationalistes et antisémites applaudissent à cet acquittement qui confirme la culpabilité du juif Dreyfus. Mais les milieux intellectuels, menés par Émile Zola s'indignent de ce déni de justice. L'écrivain publie dans le journal l'Aurore une lettre ouverte au Président de la République, titrée « J'accuse… ! ».
La société française se déchire entre « dreyfusards » et « anti-dreyfusards ». La presse et les débats publics sont d'une grande violence. Des émeutes antisémites éclatent un peu partout dans le pays, faisant plusieurs morts. Le gouvernement cherche alors à rétablir le calme, fût-ce au prix d'une révision du jugement, qui est cassé par la Cour de cassation au terme d'une enquête impartiale et minutieuse.
• En 1899, cependant, un nouveau conseil de guerre, sous la pression de l'État-major, condamne à nouveau le capitaine Dreyfus, qui finit, épuisé par la captivité en Guyane, par accepter la grâce présidentielle. Son innocence n'est finalement reconnue une bonne fois pour toutes qu'en 1906, par la Cour de cassation. Le capitaine Dreyfus est alors réhabilité, réintégré dans l'armée. Il participe ensuite à la Première guerre mondiale et meurt en 1935.
III. Des conséquences multiples
• L'affaire Dreyfus, qui a rassemblé tous les républicains contre l'outrance des milieux conservateurs et militaires, marque un renforcement de la IIIe République et de la démocratie parlementaire. Les forces réactionnaires et monarchistes ont définitivement perdu le combat du changement de régime. Le nationalisme français change. Toujours antisémite, il devient nettement minoritaire dans l'opinion, ce qui explique sans doute l'absence de fascisme dans la France des années 1930, alors qu'il triomphe en Italie, puis en Allemagne, et dans de nombreux pays d'Europe.
• Le parti radical-socialiste, qui naît en 1901, rassemble les républicains modérés, s'appuyant pour cela sur des réseaux dreyfusards, mis en place à l'époque de l'affaire. La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen naît en 1898 et constitue le berceau idéologique d'un courant de gauche humaniste qui devient très puissant dans le pays et qu'incarnera Léon Blum en 1936.
• L'affaire Dreyfus a renforcé le rôle de la presse, qui prend dès lors une place éminente dans la vie démocratique française, place qu'elle tient encore aujourd'hui.
Exercice n°1
Quels sont les deux grands courants de pensée qui progressent dans la France de la fin du xixe siècle ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
le nationalisme
l'anarchisme
l'internationalisme
l'antisémitisme
Le nationalisme et l'antisémitisme sont les deux grands courants de pensée qui progressent dans la France de la fin du xixe siècle . La presse, qui est tout à fait libre et peut écrire n'importe quoi sans risque réel utilise un ton d'une extrême violence. Depuis la publication de La France juive, d'Édouard Drumont, en 1886, l'antisémitisme est très virulent et n'épargne pas l'armée… de nombreux militaires sont suspicieux envers les officiers d'origine juive.
Exercice n°2
Quel grand intellectuel français a pris la défense de Dreyfus dans son article « J'accuse » ?
Cochez la bonne réponse.
Honoré de Balzac
Anatole France
Victor Hugo
Émile Zola
Ce déni de justice fait s'indigner les milieux intellectuels, menés par Émile Zola. Ce dernier publie une lettre ouverte au Président de la République, titrée « J'accuse… ! », dans le journal l'Aurore.
Exercice n°3
Finalement, Dreyfus était-il innocent ou coupable ?
Cochez la bonne réponse.
coupable
on ne sait toujours pas
innocent
En 1896, le contre-espionnage français découvre que le commandant Ferdinand Walsin Esterházy est le véritable traître. Cependant, l'État-major français refuse de revoir le jugement et tente d'étouffer l'affaire. L'innocence de Dreyfus n'est finalement reconnue une bonne fois pour toutes qu'en 1906, par la Cour de cassation.