Les ports et les littoraux


Fiche

Dans le contexte d'une mondialisation où l'essentiel des échanges se fait par voie maritime, les ports et les littoraux mondiaux ont acquis une importance fondamentale dans les processus géographiques planétaires.
I. Les zones industrialo-portuaires, synapses de la planète
• Les grands ports de la planète sont des zones industrialo-portuaires (ZIP), c'est-à-dire des espaces de production et d'échange, qui associent activités portuaires et activités industrielles. Ainsi, une usine pétrochimique installée dans un port peut traiter directement le pétrole arrivé par tanker.
• Ces ZIP sont les « synapses » de la planète : ce sont des lieux très importants d'échange et de communication puisque le tiers de la production mondiale est exporté vers d'autres pays. Les grands ports du monde échangent entre eux, puis redistribuent les produits échangés dans leur espace de desserte, l'hinterland (ou arrière-pays).
• Les ZIP s'organisent en plusieurs espaces aux fonctions complémentaires.
  • Les espaces portuaires proprement dits, pour l'accostage, le chargement et le déchargement des navires. Ces espaces sont souvent eux-mêmes spécialisés : port pétrolier, port chimiquier, port à conteneurs, port vraquier pour les marchandises en vrac (blé, charbon, etc.).
  • Les espaces de stockage, immédiatement adjacents, pour entreposer les marchandises à charger ou déchargées (zone de stockage de conteneurs, d'hydrocarbures, de vrac, etc.).
  • Les espaces de production, qui utilisent directement sur place les matières premières, l'énergie ou les produits intermédiaires arrivés dans le port. Par exemple, une usine sidérurgique située « sur l'eau » (c'est-à-dire dans le port) va pouvoir utiliser le minerai de fer et le charbon importés pour produire de l'acier.
  • Les espaces de communication, c'est-à-dire toutes les infrastructures de transport, comme les gares de triage, les voies ferrées, les autoroutes ou les conduites (oléoducs ou gazoducs) qui permettent d'acheminer les produits vers l'arrière-pays.
• Les ZIP mondiales les plus importantes continuent de se développer. Jadis situés en fond d'estuaire (comme Rotterdam), ou même sur un fleuve assez éloigné de la mer (comme Rouen, Hambourg ou Londres), les ports ont migré vers l'aval (c'est-à-dire vers la tête d'estuaire) pour répondre à des besoins de plus en plus important en tirant d'eau (les navires devenant de plus en plus grands, ils ont besoin de ports en eaux plus profondes). Rotterdam s'est ainsi développé vers la mer du Nord, tandis que Le Havre est venu compléter Rouen.
Les grands ports poursuivent leurs aménagements en eau profonde, parfois même sur terre-plein (comme à Rotterdam ou dans les ports japonais) afin d'accueillir des pétroliers ou des porte-conteneurs de plus ou plus gigantesques. Certains de ces navires démesurés ne peuvent même plus passer par le canal de Suez ou de Panamá. Par exemple, le porte-conteneurs Emma Maersk mesure 397 m de long et a un tirant d'eau (partie immergée de la coque) de 16 mètres : il peut transporter jusqu'à 14 500 conteneurs EVP (équivalent vingt pieds, soit un peu plus de 6 mètres de long) !
II. Les façades maritimes, interfaces majeures
• Si les ZIP connaissent un tel développement à travers le monde, c'est qu'ils sont les outils essentiels d'une mutation économique planétaire : la littoralisation de l'économie. Cela signifie que de plus en plus de populations et d'activités se concentrent sur les littoraux, ou à leur proximité.
Plus de 90 % du commerce international passe par la voie maritime. Les littoraux, lieux de pêche et de tourisme balnéaire, offrent en outre des avantages comparatifs essentiels dans le cadre de la mondialisation du xxie siècle : s'installer sur le littoral, notamment dans les zones industrialo-portuaires, permet d'éviter les ruptures de charge, c'est-à-dire le temps et l'argent perdus à décharger les marchandises puis à les recharger dans un autre moyen de transport pour les acheminer vers l'intérieur des terres.
De plus, des effets de centralité viennent encore renforcer l'attractivité des littoraux : parce que les hommes et les activités sont déjà installés en un lieu, ce lieu continue d'attirer les hommes et les activités.
• Les grandes façades littorales (Northern Range en Europe du Nord-Ouest, mégalopoles japonaise ou américaine, par exemple) sont des interfaces majeures, des lignes de contact qui relient leur arrière-pays au reste du monde.
Le Northern Range est la principale interface maritime de l'Europe occidentale. S'étirant du Havre à Hambourg, elle dessert par ses ports géants la quasi-totalité de l'Europe, y compris la Scandinavie, les pays Baltes, et même l'Europe méditerranéenne. Les installations portuaires y sont très modernes et en croissance permanente, malgré la crise économique des années 2008-2011. Le Havre a récemment développé son extension de tête d'estuaire, Port 2000, tandis que Rotterdam a aménagé les terre-pleins du nouveau terminal à conteneur de Maasvlakte et démarré la construction de Maasvlakte 2.
Sur ces façades maritimes, la concurrence est rude entre les organismes portuaires, pour accueillir le maximum de trafic et desservir le plus grand arrière-pays possible. À ce jeu, Rotterdam est le premier port de l'Europe, grâce à son arrière-pays et à la vallée du Rhin, qui constitue l'artère majeure ouest européen.
III. Les mutations dans la géographie des espaces de production et d'échange
• À l'échelle mondiale, les grandes régions de production et d'échange ont longtemps été localisées dans les pays de la Triade : Amérique du Nord, Europe occidentale et Japon. Aujourd'hui, ces façades maritimes de la Triade sont en déclin relatif face à l'essor économique de l'Asie orientale : Dragons (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong), Tigres (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines) et naturellement la Chine. Les ports d'Asie orientale assurent 63 % du trafic mondial des conteneurs (2010), et les ports chinois occupent 8 des 10 premières places mondiales (Singapour étant troisième et Rotterdam, seul port européen présent dans le top 10, quatrième). Certaines zones industrialo-portuaires chinoises, les zones économiques spéciales (ZES), sont immenses : la ZES de Shenzhen, dans le delta de la rivière des Perles, au sud de la Chine, non loin de Hong Kong, s'étend sur 2000 km2, et compte près de 10 millions d'habitants dont presque 5 millions d'actifs !
• Les grandes firmes transnationales mènent désormais des stratégies mondiales, avec des investissements croisés qui leur assurent une présence dans la plupart des grands ports de la planète. Il en est ainsi des grandes firmes logistiques, comme Maersk (Danemark), CMA-CGM (France), COSCO (Corée) ou Evergreen (Taïwan). Il en est de même des opérateurs portuaires, chargés des activités de chargement et de déchargement des grands ports mondiaux, comme Hutchison Port Holdings (Hong Kong), PSA (Singapour) ou DP World (Dubaï).
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