La Ve République de De Gaulle à nos jours

La IVe République disparaît peu de temps après sa naissance du fait de ses difficultés à se stabiliser et à gérer la décolonisation. La Ve République qui lui succède a été conçue par et pour le général de Gaulle, qui en est le premier président. Après onze ans de présidence, le régime survit à son créateur en faisant preuve d'une souplesse et d'une adaptation aux changements dans la société.
I. La République gaullienne (1958-1969
• Empêtrée dans les guerres de décolonisation (guerre d'Indochine puis guerre d'Algérie) et dans l'instabilité parlementaire, la IVe République favorise le retour au pouvoir du général de Gaulle en tant que président du Conseil. Charles de Gaulle, retiré des affaires depuis 1946, est considéré par une majorité des Français comme l'homme qui peut mettre fin à la crise algérienne et politique.
• Afin de se donner les moyens politiques de stabiliser le pouvoir, Charles de Gaulle propose l'adoption d'une nouvelle Constitution. Cette dernière est approuvée par référendum, le 28 septembre 1958. Le maître du jeu politique devient le président de la République. En 1962, sa place est renforcée car les Français approuvent la réforme proposée par Charles de Gaulle d'élire le président au suffrage universel direct. Chef des armées, chef de l'État, le président nomme le Premier ministre et se détache des querelles de partis qui traversaient les assemblées de la IVe République.
• Revenu au pouvoir à la suite de la crise algérienne de mai 1958, Charles de Gaulle met fin au problème colonial. En 1960, la plupart des colonies françaises situées en Afrique de l'Ouest ou en Afrique-Équatoriale obtiennent leur indépendance vis-à-vis de la France. La séparation entre la métropole et les anciennes colonies se fait « en douceur » : de nombreux accords de coopération lient la France aux nouveaux pays indépendants. Il n'en va pas de même avec l'Algérie. Après des hésitations et des années de guerre, Charles de Gaulle se lance dans des négociations avec le FLN et les indépendantistes algériens. Ces négociations aboutissent aux accords d'Évian, le 18 mars 1962. L'Algérie devient indépendante, entraînant le retour en France des milliers d'anciennes familles de colons et de harkis, ces Algériens qui militaient et se battaient pour une « Algérie française ».
• La politique de la République gaullienne est marquée aussi par une volonté d'indépendance et de grandeur nationale, dominée dans le monde de la guerre froide. Charles de Gaulle poursuit le programme nucléaire et la construction européenne lancés sous la IVe République. Ces deux leviers politiques sont pour lui le moyen d'affirmer et confirmer la place de la France au sein des grandes puissances mondiales.
• En mai 1968, une crise ébranle le pays. D'abord universitaire, la crise devient sociale ; une grève générale paralyse bientôt l'économie. Le 27 mai sont signés les accords de Grenelle, aussitôt rejetés par la base ouvrière. Le 30 mai, De Gaulle dissout l'Assemblée. La lassitude de l'opinion lui assure un triomphe lors des législatives de juin : les gaullistes remportent 294 sièges sur 485 (auxquels s'ajoutent 64 députés alliés, les Républicains indépendants).
• De Gaulle tente de répondre à la crise par un projet de participation : des régions à la nation, des travailleurs à l'entreprise, etc. Il propose un référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat (avril 1969) : 52 % des Français votent contre. Estimant qu'il s'agit là d'un désaveu personnel, De Gaulle démissionne le lendemain.
II. Le temps de la succession, des réformes et de l'alternance (1969-1986)
• Prenant en compte les aspirations des Français exprimées en mai 1968, le nouveau président de la République, Georges Pompidou, et son Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, font passer au second plan la politique étrangère. Ils cherchent à bâtir une « nouvelle société ». La croissance permet des avancées sociales : le SMIG est remplacé par le SMIC (salaire minimum indexé sur la croissance), la formation permanente est développée, un nouveau régime de convention collective est institué.
• Élu de justesse en 1974, Valéry Giscard d'Estaing multiplie les réformes : majorité abaissée à 18 ans, loi Veil légalisant la contraception, puis l'avortement, libéralisation du divorce. Les modes de vie se transforment. Mais les chocs pétroliers de 1973 et de 1979 accentuent une crise marquée par l'inflation et l'apparition d'un chômage persistant. À partir de 1976 est mise en place une politique d'austérité. Économies d'énergie, restructurations industrielles, encouragement à l'épargne, blocage des prix, augmentation des impôts et limitation des salaires contiennent le déficit budgétaire, ménagent la stabilité du franc, mais n'enrayent pas la montée du chômage (1,5 million de sans-emploi en 1981), ni celle de l'inflation (elle atteint alors 14 %).
• Le 10 mai 1981, l'opposition gagne les élections. François Mitterrand est élu à la présidence de la République. Pour la première fois au cours de la Ve République, la gauche est au pouvoir. Le gouvernement conduit par Pierre Mauroy entreprend de « changer la vie » : abolition de la peine de mort, autorisation des radios libres, adoption de la semaine de 39 heures, octroi de la cinquième semaine de congés payés, de la retraite à 60 ans, et augmentation du salaire minimum. De grandes entreprises sont nationalisées.
• Cette politique de relance se solde par un nouvel échec. Le nombre de chômeurs atteint les 2 millions en 1982. Si le retour à la rigueur permet de réduire le déficit commercial, le chômage continue de progresser et devient la préoccupation première des Français, du monde économique et politique.
III. Les cohabitations (1986-2002)
• En 1986, la France connaît sa première cohabitation : le président et le Premier ministre n'appartiennent pas à la même tendance politique. François Mitterrand doit gouverner avec un Premier ministre issu d'une majorité à l'Assemblée dont les idées lui sont opposées. Il nomme Jacques Chirac à ce poste. Affaibli par des manifestations étudiantes, une crise en Nouvelle-Calédonie et une situation économique stagnante, Jacques Chirac est battu par François Mitterrand lors des présidentielles de 1988.
• En 1993, une nouvelle cohabitation commence. François Mitterrand est toujours président, mais le Premier ministre, choisi à droite, est Édouard Balladur. Deux ans plus tard, les élections présidentielles de 1995 marquent, avec la victoire de Jacques Chirac, le retour de la droite gaulliste. Mais la dissolution ratée de l'Assemblée en 1997 entraîne une troisième cohabitation, avec le gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Le mandat présidentiel passe alors à cinq ans pour éviter de nouvelles cohabitations paralysantes.
• Les années 1990 et les trois cohabitations restent dominées par les mêmes axes politiques : construction européenne, fort niveau de chômage et problème du déficit budgétaire. En 2002, le président Chirac est réélu avec 82 % des voix face au candidat d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen.
• Les mutations économiques et sociales considérables qui affectent la France rendent le paysage politique français beaucoup plus complexe. La crise économique et du marché de l'emploi remet en cause ce modèle d'État providence construit à la Libération. Précarité, chômage, pauvreté, violence, insécurité deviennent des maux structurels de la société française.
• Le clivage gauche-droite reste un marqueur originel et essentiel de la politique française, notamment lors des élections présidentielles, moment fort de la vie démocratique, privant ainsi d'espace le centre, mais aussi les extrêmes (extrême gauche et extrême droite).
• Cependant, les multiples problèmes qui se posent à la France, les cohabitations, l'affirmation de courants différents, voire divergents, au sein des grands partis rendent le clivage gauche-droite moins lisible dans l'opinion, favorisant l'émergence de forces politiques plus tranchées ou aux sensibilités nouvelles : écologistes, extrême gauche ou extrême droite, plus ou moins unifiées.