La démocratie allemande en crise


Fiche

En 1930, Goebbels, futur ministre de la Propagande nazie sous le IIIe Reich, parlait ainsi de la démocratie : « Puisque le régime est assez bête pour nous permettre […] de nous exprimer, nous allons combattre la République de Weimar de l'intérieur. Le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) sera le loup dans la bergerie. » Pourquoi la république de Weimar s'est-elle montrée si faible face à ses ennemis ?
I. Une démocratie fragile
1. Un régime né dans la douleur
• Après la défaite militaire, la république est proclamée, le 9 novembre 1918, lendemain de l'abdication de l'empereur Guillaume II. L'Allemagne est en proie à une agitation révolutionnaire menée par les spartakistes (notamment Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg). Ils veulent suivre l'exemple de la révolution bolchevique en Russie et tentent une insurrection à Berlin en janvier 1919. Le gouvernement (social-démocrate) réprime brutalement ce mouvement. Les ouvriers proches du Parti communiste (le KPD) lui en gardent rancune, privant ainsi le régime de l'un de ses soutiens.
2. Une opposition violente
• La gauche est divisée, la situation sociale est critique (d'où les émeutes de 1920 et de 1923). Les nationalistes, à l'extrême droite, reprochent au régime de s'être installé grâce à la défaite et même de l'avoir provoquée. Ils n'acceptent pas le diktat du traité de Versailles. Les anciens combattants se regroupent dans des organisations paramilitaires, comme les Casques d'Acier.
• Ces adversaires de la République tentent un coup d'État à Berlin, en 1920. Le putsch de Kapp échoue de justesse. Ils organisent des attentats contre les personnalités politiques : de 1919 à 1922, 376 personnes sont assassinées, dont Erzberger, qui a signé le traité de Versailles, et Rathenau, grand industriel juif qui dirige le Parti démocrate.
• La République semble impuissante. Les mécontents rallient peu à peu le Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP, Parti national-socialiste des travailleurs allemands). Hitler en devient le président en 1921.
II. La crise économique
1. Une société divisée
• À cause des dépenses de guerre, puis du paiement des réparations prévues par le traité de Versailles, l'Allemagne connaît une inflation galopante. La monnaie se déprécie à une vitesse exceptionnelle. En novembre 1923, il faut 39 milliards de marks pour acheter une livre de pain ! Les commerçants doivent augmenter leurs prix quotidiennement ; les ouvriers sont payés deux fois par jour et emportent les billets dans des valises. En 1931, un économiste raconte : « Comme la Reichsbank ne parvenait pas à fournir des quantités suffisantes de billets, des monnaies secondaires surgirent de toute part. […] Les villes en imprimèrent, puis les villages, puis les industriels, puis tout le monde. On vit des billets portant un dessin des sports d'hiver, une glissade à skis, avec cette légende : ”Ceci est l'image du mark“. »
• Les grands industriels profitent de la crise en rachetant des entreprises ou des machines à un très bon prix. En revanche, les salariés sont touchés de plein fouet par la misère. Cette hyperinflation de 1923 a laissé des traces profondes et durables dans les mentalités collectives allemandes, qui expliquent, encore de nos jours, leur attachement à une monnaie forte et stable.
2. Un redressement compromis par la crise de 1930
• L'aide des États-Unis permet de mettre en place une nouvelle monnaie, le Reichsmark, et de redresser l'économie. Mais, dès 1930, l'Allemagne entre à son tour dans la crise mondiale. Partout les entreprises font faillite. Les Allemands n'ont plus le droit de retirer leurs économies placées dans les caisses d'épargne. L'année 1932 est terrible : on compte 6 millions de chômeurs, et ils sont de plus en plus nombreux à adhérer au NSDAP.
III. Les nazis à la conquête du pouvoir
1. Adolf Hitler et le parti nazi
• Né en 1889 en Autriche, Hitler s'engage dans l'armée allemande en 1914. Il milite dans un petit groupe extrémiste qui va devenir le NSDAP. Une tentative de coup d'État en Bavière en 1923 (le putsch de la brasserie) le conduit en prison pour quelques mois : il y rédige son programme, Mein Kampf (Mon combat). Il y développe sa théorie du chef (le Führer), de l'espace vital (Lebensraum), sa volonté de restaurer la grandeur de l'Allemagne par l'expansion à l'est, l'existence d'une race supérieure, la nécessité d'éliminer les Juifs, responsables du déclin de son pays, etc.
• En critiquant les communistes, il attire les industriels et les banquiers. En vouant aux gémonies le diktat de Versailles, il recrute parmi les militaires et les patriotes. En promettant du travail aux chômeurs, il s'assure le soutien de la population. Nombreux sont les Allemands qui s'accommodent de son antisémitisme violent.
2. Une prise de pouvoir légale
• Après l'échec de son coup d'État, Hitler ne veut plus prendre de risques : « Nous devons nous tenir tranquilles, entrer au Reichstag et y lutter contre les députés catholiques et marxistes. Les abattre à coups de bulletins de vote prendra plus de temps que les abattre à coups de fusil, mais, au moins, le résultat sera garanti par leur propre Constitution. » Aux élections de 1930, à la faveur de la Grande Dépression, les nazis remportent 6,5 millions de voix et… 14 millions en juillet 1932. Le NSDAP est devenu le premier parti au Parlement.
Le 30 janvier 1933, le maréchal Hindenburg, président de la République, prend acte de ces résultats et nomme Hitler chancelier. Dans cette Allemagne ravagée par la crise, Hitler est donc arrivé légalement au pouvoir. En quelques mois, il transforme le régime en dictature.
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