Texte d'Antoine de Saint-Exupéry, analyse de l'image (sujet inédit)


Énoncé

Texte
Seul à bord de son avion, le narrateur est contraint de se poser au milieu du désert.
« Ici, je ne possédais plus rien au monde. Je n'étais rien qu'un mortel égaré entre du sable et des étoiles, conscient de la seule douceur de respirer…
Et cependant, je me découvris plein de songes.
Ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d'abord, la douceur qui m'envahissait. Il n'y eut point de voix, ni d'images, mais le sentiment d'une présence, d'une amitié très proche et déjà à demi devinée. Puis, je compris et m'abandonnai, les yeux fermés, aux enchantements de ma mémoire.
Il était, quelque part, un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j'aimais. Peu importait qu'elle fût éloignée ou proche, qu'elle ne pût ni me réchauffer dans ma chair ni m'abriter, réduite ici au rôle de songe : il suffisait qu'elle existât pour remplir ma nuit de sa présence. Je n'étais plus ce corps échoué sur une grève(1), je m'orientais, j'étais l'enfant de cette maison, plein du souvenir de ses odeurs, plein de la fraîcheur de ses vestibules(2), plein des voix qui l'avaient animée. Et jusqu'au chant des grenouilles dans les mares qui venait ici me rejoindre. J'avais besoin de ces mille repères pour me reconnaître moi-même, pour découvrir de quelles absences était fait le goût de ce désert, pour trouver un sens à ce silence fait de mille silences, où les grenouilles mêmes se taisaient.
Non, je ne logeais plus entre le sable et les étoiles. Je ne recevais plus du décor qu'un message froid. Et ce goût même d'éternité que j'avais cru tenir de lui, j'en découvrais maintenant l'origine. Je revoyais les grandes armoires solennelles de la maison. Elles s'entrouvraient sur des piles de draps blancs comme neige. »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, 1939.

Image
 À partir du sujet national, juin 2015 - illustration 1
Source : Maison bulgare. Photographie © Philippe Lehu, 2016.
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1. Deux lieux sont distingués. En vous appuyant sur des éléments précis du texte, vous montrerez ce qui les oppose.
Relisez le texte et repérez les champs lexicaux (noms, adjectifs, adverbes) qui évoquent des lieux, des paysages ou des décors. Identifiez ces deux lieux et leurs différences en observant les éléments décrits et leur caractérisation (adjectifs, compléments du nom).
2. Montrez en vous appuyant sur des exemples précis des lignes débutant par « Il était, quelque part, un parc » à « où les grenouilles mêmes se taisaient » que l'évocation des souvenirs ravive les sensations du narrateur.
Rappel : les sensations sont perçues par nos cinq sens : la vue (visuel), l'ouïe (auditif), l'odorat (olfactif), le goût (gustatif), le toucher (tactile). Relisez ces lignes et repérez le champ lexical des sensations.
3. « J'avais besoin de ces mille repères pour me reconnaître moi-même. ». Quels sont les « mille repères » dont il s'agit ?
Analysez l'expression « ces mille repères ». L'emploi du déterminant démonstratif « ces » prouve que le narrateur a évoqué les repères un peu avant la phrase débutant par « J'avais besoin de ces mille repères ». Relisez donc le troisième paragraphe. Définition : un repère est une marque, un point, un objet ou un indice qui permet de s'orienter.
4. Selon vous, pourquoi les songes sont-ils comparés à « des eaux de source » ? Aidez-vous de l'ensemble du texte pour répondre.
Rappel : la comparaison établit un rapprochement, un rapport d'analogie entre le comparé (ce qui est comparé ; ici, « les songes ») et le comparant (ce à quoi on le compare ; ici, « des eaux de source ») grâce à un mot-outil (souvent « comme »). Interrogez-vous sur le sens du comparant. Expliquez cette comparaison en identifiant clairement les caractéristiques du comparant (« des eaux de source ») et le point de comparaison (« ils me vinrent sans bruit »). Développez ces explications car on attend de vous une interprétation du texte.
5. Comment comprenez-vous que le texte puisse se terminer sur le mot « neige » ? Appuyez votre réponse sur l'ensemble du texte.
Rappel : la comparaison établit un rapprochement, un rapport d'analogie entre le comparé (ce qui est comparé ; ici, les « draps blancs ») et le comparant (ce à quoi on compare ; ici, « la neige ») grâce à un mot-outil (souvent « comme »). Interrogez-vous sur le sens du comparant. Expliquez cette comparaison en identifiant clairement les caractéristiques du comparant, « neige », et le point de comparaison, « blancs ». Développez ces explications, car on attend de vous une interprétation du texte.
6. Trouvez-vous que ce texte procure une émotion poétique ? Justifiez votre réponse à l'aide d'exemples variés.
Appuyez-vous sur vos réponses précédentes pour construire cette synthèse. Interrogez-vous : qu'est-ce qu'une émotion ? Quel sens donnez-vous à l'expression « émotion poétique » ? Ressentez-vous une telle émotion ? Pour quelles raisons ? Qu'est-ce qui provoque une telle émotion ? N'oubliez pas de citer des passages pour justifier votre réponse.
7. 
Lequel des deux lieux du texte évoque cette photographie ? Expliquez pour quelles raisons.
Relisez votre réponse à la question 1 de cette partie. En vous appuyant sur les caractéristiques des deux lieux, précisez lequel se rapproche de cette photographie.
8. 
Quelles impressions suscite en vous cette photographie ? Le souvenir d'une maison est-il aussi important pour vous que pour Antoine de Saint-Exupéry ?
Analysez cette image : cadrage, lumière, couleurs, composition, etc. Quelles sensations éprouvez-vous en la regardant ? En quoi stimule-t elle votre imagination (souvenirs, nostalgie, enfance, vacances, etc.) ?
Grammaire et compétences linguistiques
1. 
« Il était […] un parc »
a) Quelle remarque pouvez-vous faire sur cette construction grammaticale ?
b) À quel genre narratif vous fait-elle penser ?
a) Observez la construction du début de cette phrase : verbe, sujet, compléments. Identifiez le sujet du verbe. À qui ou à quoi renvoie le pronom « Il » ? Est-ce une construction grammaticale habituelle ? Comment se nomme cette construction ?
b) Rappel : le genre narratif est constitué du roman, de la nouvelle, de la fable, etc. Souvenez-vous de vos lectures d'enfant. Quel genre narratif commence par une formule proche de « Il était, quelque part, un parc… » ?
2. 
« enchantements de ma mémoire »
a) Comment le nom « enchantement » est-il formé ?
b) Quel(s) sens donnez-vous ici à ce mot ?
a) Définition : un mot peut se construire par dérivation : on ajoute au radical du mot un préfixe et/ou un suffixe. Repérez les éléments du nom (radical, préfixe, suffixe), en observant la place de chaque élément.
b) Le radical d'un mot construit contient le sens ; toutefois, ce sens principal est modifié par le préfixe et/ou le suffixe. Interrogez-vous : quel est le sens principal du radical ? Quelles modifications sont apportées par le préfixe et/ou le suffixe ? Un mot peut avoir plusieurs sens : il est alors polysémique.
3. 
« Je n'étais rien qu'un mortel égaré entre du sable et des étoiles, conscient de la seule douceur de respirer…
Et cependant, je me découvris plein de songes. »
Réécrivez ces deux phrases en remplaçant « je » par « nous » et en procédant à tous les changements nécessaires.
Effectuez les transformations nécessaires :
  • le passage du pronom sujet « je » (singulier) à « nous » (pluriel) implique de modifier l'accord des verbes, en gardant le même temps ; faites attention aux nouvelles terminaisons pour l'imparfait et le passé simple ;
  • le passage au pluriel de mots singuliers (nom, déterminant article, adjectif) qui se rapportent au nouveau pronom sujet ;
  • le double changement de pronom personnel, sujet et complément, du verbe pronominal « se découvrir ».
Dictée
« Il n'y avait rien d'autre sur la terre, rien, ni personne. Ils étaient nés du désert, aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien. Ils ne voulaient rien. Le vent passait sur eux, à travers eux, comme s'il n'y avait personne sur les dunes. Ils marchaient depuis la première aube, sans s'arrêter, la fatigue et la soif les enveloppaient comme une gangue. La sécheresse avait durci leurs lèvres et leur langue. La faim les rongeait. Ils n'auraient pas pu parler. Ils étaient devenus, depuis si longtemps, muets comme le désert, pleins de lumière quand le soleil brûle au centre du ciel vide. »
Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert, 1980.

Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet de réflexion
Pourquoi peut-on avoir besoin de moments de solitude ?
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « solitude », « avoir besoin », « moments ». Le thème général est le besoin de solitude.
Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Pourquoi », « Vous présenterez votre réflexion dans un développement argumenté et organisé ». Il faut donc respecter :
1. le genre argumentatif : le développement organisé, avec son plan, sa progression, ses analyses, ses arguments et ses exemples ;
2. le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'y articulent ;
3. la composition en parties et paragraphes ;
4. la longueur imposée : « deux pages (soit une cinquantaine de lignes) ».
Étape 3. Définissez vos arguments car vous devez expliquer, justifier pourquoi on peut avoir besoin de moments de solitude.
Étape 4. Trouvez au moins trois arguments et exemples pour défendre cette thèse : par exemple, la vie moderne, les médias, les réseaux sociaux, l'individualité, etc. Pensez à votre expérience personnelle, aux œuvres que vous avez lues ou vues, étudiées en classe, à la maison.
Étape 5. Établissez le plan de votre argumentation.
  • L'introduction présente le thème et pose la question. Passez une ligne avant le développement.
  • Le développement expose au moins trois arguments et trois exemples. Un paragraphe développe un argument. Soutenez votre réflexion en utilisant des modalisateurs de certitude (assurément, j'affirme, incontestablement…) ou de nuance (peut-être, sans doute, emploi du conditionnel…), des figures de style comme l'hyperbole, l'énumération, les fausses questions (ou questions rhétoriques) ou le vocabulaire positif, mélioratif pour affirmer ce point de vue. Passez une ligne avant la conclusion.
  • La conclusion rappelle que vous avez répondu à la question posée en dressant un bilan rapide.
Étape 6. Rédigez en matérialisant les parties (saut de ligne, retour à la ligne).
Étape 7. Relisez-vous pour corriger les erreurs de ponctuation, d'orthographe.
Sujet d'imagination
Ses souvenirs ont redonné courage au narrateur : que décide-t-il de faire ? Racontez la suite du texte.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « Ses souvenirs », « redonné courage au narrateur », « faire ».
Étape 2. Repérez et encadrez la forme du texte à produire : « Racontez », « la suite du texte ». Il faut donc respecter :
  • le genre narratif : le récit, avec sa chronologie, ses péripéties, ses passages descriptifs et parfois monologués (le narrateur est seul ici), sans terminer le récit des aventures du narrateur ;
  • la narration à la 1re personne du singulier ;
  • le cadre spatio-temporel (désert, xxe siècle, 1939) et la situation du narrateur (obligé d'atterrir dans le désert) ;
  • l'effet à produire : une expérience difficile dans un milieu hostile (désert) ;
  • les temps du récit (imparfait et passé simple comme principaux temps) ;
  • la longueur imposée : « deux pages (soit une cinquantaine de lignes) ».
Étape 3. Trouvez des idées : suite immédiate du texte, attitude et réactions du personnage principal, sentiments (espoir, déception, colère, courage, etc.), conditions de survie (chaleur, soif, fatigue, marche dans le sable, dangers éventuels, etc.).
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction :
  • mise en place de la suite du récit (la fin de la nuit, le jour suivant, attitude et sentiments du narrateur, décision d'agir) ;
  • les interrogations : que faire dans cette situation ? Attendre les secours ? Essayer de s'en sortir par ses propres moyens ? ;
  • choix de l'action, réalisation, difficultés rencontrées, solutions pour les surmonter, poursuite de l'action ;
  • expression des divers sentiments et réactions du narrateur ;
  • dénouement et conclusion : réussite ou échec ? Perspective d'avenir pour le narrateur.
Étape 5. Rédigez votre texte en formant des paragraphes pour les différentes parties.
Étape 6. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe.
(1)Grève : terrain plat et uni, généralement constitué de sable et de graviers, situé au bord d'un cours d'eau ou de la mer.
(2)Vestibule : pièce d'entrée d'une maison.

Annexes

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