Texte d'Antoine de Saint-Exupéry, analyse de l'image (sujet inédit)


Énoncé

Texte
Dans Pilote de guerre, Saint-Exupéry, écrivain et pilote, offre un témoignage des missions qu'il a effectuées au sein du groupe d'aviation 2/33 de 1939 à 1940, jusqu'à la défaite et la signature de l'armistice en juin 1940 qui coupera la France en deux zones.
« Aux heures de paix, on sait où trouver chaque objet. On sait où joindre chaque ami. On sait aussi où l'on ira dormir le soir. […] Mais voici la guerre.
Je survole donc des routes noires de l'interminable sirop qui n'en finit plus de couler. On évacue, dit-on, les populations. Ce n'est déjà plus vrai. Elles s'évacuent d'elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils ces vagabonds ? Ils se mettent en marche vers le Sud, comme s'il était, là-bas, des logements et des aliments, comme s'il était, là-bas, des tendresses pour les accueillir. Mais il n'est, dans le Sud, que des villes pleines à craquer, où l'on couche dans les hangars et dont les provisions s'épuisent. Où les plus généreux se font peu à peu agressifs à cause de l'absurde de cette invasion qui, peu à peu, avec la lenteur d'un fleuve de boue, les engloutit. Une seule province ne peut ni loger ni nourrir la France !
Où vont-ils ? Ils ne savent pas ! Ils marchent vers des escales fantômes, car à peine cette caravane aborde-t-elle une oasis, que déjà il n'est plus d'oasis. Chaque oasis craque à son tour, et à son tour se déverse dans la caravane. Et si la caravane aborde un vrai village qui fait semblant de vivre encore, elle en épuise, dès le premier soir, toute la substance. Elle le nettoie comme les vers nettoient un os.
L'ennemi progresse plus vite que l'exode. Des voitures blindées, en certains points, doublent le fleuve qui, alors, s'empâte et reflue. Il est des divisions allemandes qui pataugent dans cette bouillie, et l'on rencontre ce paradoxe surprenant qu'en certains points ceux-là mêmes qui tuaient ailleurs, donnent à boire. Nous avons cantonné, au cours de la retraite, dans une dizaine de villages successifs. Nous avons trempé dans la tourbe lente qui lentement traversait ces villages : « – Où allez-vous ? – On ne sait pas. »
Jamais ils ne savaient rien. Personne ne savait rien. Ils évacuaient. Aucun refuge n'était plus disponible. Aucune route n'était plus praticable. Ils évacuaient quand même. On avait donné dans le Nord un grand coup de pied dans la fourmilière, et les fourmis s'en allaient. Laborieusement. Sans panique. Sans espoir. Sans désespoir. Comme par devoir. »
Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, 1942.

Image
À partir du sujet d'Inde, avril 2014 - illustration 1
Source : Exode des populations civiles durant la Seconde Guerre mondiale, © CICR.
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1. 
a) Qui sont « les populations » dont il est question au début de l'extrait ?
b) Où se rendent-elles ?
Relisez l'introduction du texte pour bien situer les événements.
a) Observez les indications de lieu du texte. Identifiez les « populations » évoquées par le narrateur en vous appuyant sur ces indices de lieu et sur la situation.
b) Repérez dans le texte la question « Où se rendent-elles ? » répétée plusieurs fois sous cette forme ou sous une autre. Relevez les réponses à ces questions.
2. 
a) Comment est appelé ce déplacement de population ?
b) Quels événements l'expliquent ?
a) Repérez dans le texte le nom qui qualifie ce déplacement massif des populations, synonyme de « fuite ». Ce terme a été aussi employé pour nommer le déplacement des populations de la campagne vers les villes.
b) Relisez en particulier l'introduction du texte, les premières lignes, le titre de l'œuvre. Repérez et relevez les causes de ce déplacement de populations.
3. 
a) Dans quel but ces populations se déplacent-elles ?
b) En citant le texte, vous direz si elles atteignent leur but.
a) En vous appuyant sur la question 1. b) de cette partie, repérez et relevez le but poursuivi par ces populations, ce qu'elles recherchent et espèrent trouver.
b) Relisez attentivement la fin du texte. Observez le type et la forme des phrases (affirmative, négative) pour dire si le but est atteint ou non. Citez des passages du texte pour justifier votre réponse.
4. 
a) Dans le deuxième paragraphe, relevez les deux expressions qui désignent le mouvement des populations. À quelle figure de style a-t-on affaire ?
b) Quelle vision le narrateur donne-t-il ainsi de cet événement ?
a) Repérez, dans le deuxième paragraphe, les passages qui évoquent de manière très expressive le mouvement des populations, pour frapper fortement le lecteur. Observez la construction de ces deux expressions dans leur phrase (emploi de mots outils ou non). Interrogez-vous. Comment nomme-t-on la figure de style fréquemment employée pour exprimer de façon imagée la réalité ?
b) Analysez les mots (noms, verbes, adjectifs) qui composent ces deux expressions. Identifiez l'idée commune qu'elles développent. Expliquez l'image que le narrateur donne de cet événement.
5. 
D'où le narrateur observe-t-il cette scène ? Justifiez la réponse.
Relisez l'introduction du texte pour bien situer la scène. Précisez l'endroit d'où le narrateur observe cette scène. Repérez et relevez un verbe qui le confirme.
6. 
a) À partir de « Chaque oasis craque […] » et jusqu'à la fin du texte, à quels animaux est comparée la population ?
b) Quels comportements sont suggérés par ces deux comparaisons ?
Relisez attentivement le passage évoqué.
a) Repérez le nom des deux animaux auxquels est comparée la population. Attention, la ressemblance peut s'exprimer en une comparaison ou une métaphore.
b) Analysez le comportement de ces deux animaux. Servez-vous de vos connaissances et de vos propres observations pour expliquer ces images dans ce contexte précis.
7. 
Quels éléments rapprochent la photographie et le texte ?
Relisez le texte et vos réponses aux questions 1, 2, 3 et 4 de cette partie. Puis observez l'image : titre, composition, lignes de force, perspective, plans, personnes, objets, etc.
8. 
Quelle impression se dégage de cette image ? Est-elle comparable à l'impression de l'auteur dans le texte ?
Relisez le texte et vos réponses aux questions 5 et 6 de cette partie. Puis observez l'image : que pouvez-vous lire sur le visage de ces personnes ? Quelles impressions se dégagent de cette photographie montrant l'exode des Français en 1940 ?
Grammaire et compétences linguistiques
1. 
« Nous avons trempé dans la tourbe lente qui lentement traversait ces villages »
a) Qui désigne, d'une part, le pronom « nous »?
b) Qui désigne, d'autre part, le groupe nominal « la tourbe lente » ?
c) Mettez en relation cette distinction et votre réponse à la question 5 de la partie compréhension : quelle est la position adoptée par le narrateur ?
Relisez l'introduction du texte pour bien définir les personnages de ce récit.
a) Rappel: le pronom nous inclut je et au moins une autre personne. Qui est je ici ? Quelle(s) autre(s) personne(s) pouvez-vous identifier ?
b) Analysez le sens de ce groupe nominal. Que signifie « tourbe » dans cette situation ? L'idée de lenteur revient plusieurs fois dans ce texte. À propos de qui ou de quoi ? Observez la fin du quatrième paragraphe pour répondre.
c) Suivez les consignes de la question. Comparez les lieux où se trouve le narrateur. En vous appuyant sur ces analyses, définissez la position adoptée par le narrateur.
2. 
a) Dans le dernier paragraphe, sur quels aspects de la situation insiste l'accumulation des termes négatifs ?
b) Quelle est la caractéristique des cinq dernières phrases de l'extrait ? Quel effet produisent-elles ?
c) À la lumière de votre analyse, caractérisez la tonalité de cet extrait.
a) Mettez cette question en relation avec la 3 et la 6 de la partie compréhension. Indiquez les aspects mis en valeur par l'accumulation de négations mais aussi par les formules affirmatives.
b) Observez la construction des cinq dernières phrases. Interrogez-vous : est-elle habituelle ? Que manque-t-il ?
c) Faites le bilan de votre analyse du texte et du dernier paragraphe en particulier. Définition de « tonalité » : d'un point de vue affectif, impression d'ensemble produite par un texte (comique, ironique, tragique, polémique, etc.).
3. 
« Et si la caravane aborde un vrai village qui fait semblant de vivre encore, elle en épuise, dès le premier soir, toute la substance. Elle le nettoie comme les vers nettoient un os. »
Réécrivez ce passage en mettant le nom « village » au pluriel et en le transposant à l'imparfait de l'indicatif. Vous ferez toutes les modifications nécessaires.
Repérez et soulignez, dans ce passage, « village » ainsi que les pronoms qui le remplacent. Mettez ces mots au pluriel, quand c'est possible, en veillant à accorder tous les éléments que commande « village » (adjectif, déterminant, verbe). Repérez et soulignez les verbes. Reliez-les à leur sujet par une flèche. Conjuguez les verbes à l'imparfait de l'indicatif, en les accordant avec leur sujet. Attention à l'orthographe de « nettoie » et « nettoient » à l'imparfait.
Dictée
« Il voyait le soleil. La chambre, dès qu'il leva le volet, en fut inondée. Il ouvrit la fenêtre et aperçut, en face, à trente mètres au moins, un immeuble blanc tout pareil au leur. En face aussi, chaque appartement avait un balcon de ciment et, sur quelques-uns de ces balcons, du linge séchait.
La rue des Francs-Bourgeois(1), à l'endroit où ils habitaient trois jours plus tôt encore, était à peine large de cinq mètres et on devait descendre du trottoir quand on croisait un passant.
Deux avions vrombissaient dans le ciel, parfois cachés par la brume matinale. On n'était qu'à huit kilomètres d'Orly(2). »
Georges Simenon, Le Déménagement, 1967.

Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet de réflexion
Vous ferez le récit de l'exode de la population française vers la zone libre par un de ces réfugiés : le narrateur fera partie de cette foule errante qui fuit les zones occupées, il racontera l'arrivée des réfugiés dans l'un de ces villages refuges du Sud, leur accueil par la population locale, les conditions de vie rencontrées.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « exode de la population française », « zone libre », « fuit les zones occupées », « arrivée des réfugiés », « un de ces villages du Sud », « accueil par la population locale », « conditions de vie rencontrées ».
Étape 2. Repérez et encadrez la forme du texte à produire : « le récit », « le narrateur fera partie de cette foule errante ». Il faut donc respecter dans cette suite du récit :
  • la situation : la guerre de 1939-1945, l'exode vers la zone libre ;
  • le genre narratif : le récit, avec son cadre spatio-temporel, sa chronologie, ses péripéties, ses passages descriptifs, les personnages et leur caractère ;
  • la narration à la 1re personne (« le narrateur fera partie de cette foule errante ») ;
  • les temps du récit (par exemple le présent comme principal temps, comme dans le texte de Saint-Exupéry, pour rendre l'histoire plus vivante, plus actuelle).
Étape 3. Trouvez des idées ; la chronologie du récit est suggérée par le sujet : fuite des zones occupées par les Allemands, marche lente vers la zone libre, arrivée dans un village du Sud, accueil des réfugiés par la population locale, conditions de vie des réfugiés dans ce village. Évoquez les réactions et les sentiments du narrateur et des autres personnages (joie, déception, colère, fatigue, espoir, etc.).
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction :
  • mise en place de la suite du récit (la fuite vers la zone libre, le bruit des combats, les avions) ;
  • arrivée dans un village du Sud (description rapide, installation, accueil des réfugiés par les villageois), expression des divers sentiments et réactions ;
  • conditions de vie des réfugiés dans le village ;
  • dénouement : installation définitive de tous les réfugiés dans ce village ? d'une partie seulement ? Reprise de la marche lente vers un autre village ?
  • la limite imposée : « au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes) ».
Étape 5. Rédigez votre texte en formant des paragraphes pour les différentes parties.
Étape 6. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe.
Sujet d'imagination
Pensez-vous qu'on puisse faire preuve de solidarité dans une situation difficile ? Vous construirez votre réflexion en prenant appui sur des arguments et sur des exemples précis.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « solidarité », « situation difficile ». Le thème est la solidarité dans notre société.
Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Pensez-vous », « votre réflexion ». Il faut donc respecter :
  • le genre argumentatif : le développement organisé (« vous construirez »), avec sa progression, ses analyses et ses arguments, ses exemples précis ;
  • le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
  • la composition en parties et paragraphes ;
  • la limite imposée : « au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes) ».
Étape 3. Définissez votre point de vue, votre réponse, votre thèse.
Thèse 1. Oui, de nos jours, la solidarité existe dans notre société. Trouvez au moins trois arguments et exemples pour défendre cette thèse (par exemple, les gens ne sont pas indifférents à la maladie ou à la solitude : les dons pour la lutte contre le cancer, le téléthon ; la solidarité des jeunes envers les personnes âgées isolées ; l'engagement dans l'humanitaire).
Thèse 2. Non, de nos jours, la solidarité n'existe plus dans notre société. Trouvez au moins trois arguments et exemples pour défendre cette thèse (par exemple, l'inertie de personnes témoins d'un vol ou d'une agression dans le bus ou le métro, l'égoïsme et l'individualisme grandissants).
Étape 4. Trouvez d'autres idées et arguments pour défendre la thèse choisie : qu'est-ce qui peut justifier la solidarité ou son absence ? Les valeurs de partage et de fraternité ? Le développement des réseaux sociaux ? La compétition sociale et professionnelle ? Les difficultés personnelles ? Pensez à des œuvres que vous avez lues ou à des films que vous avez vus, à des faits divers que vous connaissez, à votre expérience personnelle.
Étape 5. Établissez le plan de votre argumentation.
  • L'introduction présente le thème et pose la question. Passez une ligne avant le développement.
  • Le développement expose votre point de vue, soutenu par au moins trois arguments et trois exemples. Vous pouvez aussi nuancer votre avis en montrant que la solidarité existe mais pas partout ni toujours. Un paragraphe développe un argument. Défendez votre thèse en utilisant des modalisateurs de certitude (assurément, j'affirme, incontestablement…) ou de nuance (peut-être, sans doute, emploi du conditionnel…), des figures de style comme l'hyperbole, l'énumération, les fausses questions (ou questions rhétoriques) ou le vocabulaire positif, mélioratif pour affirmer votre point de vue . Passez une ligne avant la conclusion.
  • La conclusion rappelle que vous avez répondu à la question posée en dressant un bilan rapide.
Étape 6. Rédigez en matérialisant les parties (saut de ligne, retour à la ligne).
Étape 7. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation ou d'orthographe.
(1)« Francs-Bourgeois » est écrit au tableau lors de l'épreuve.
(2)« Orly » est écrit au tableau lors de l'épreuve.

Annexes

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