Texte de Jean Anouilh, analyse de l'image (sujet inédit)
Énoncé
L'Auteur(1) et Ardèle sont mari et femme. L'Auteur veut obtenir des éclaircissements à propos d'une lettre adressée à sa femme.
L'AUTEUR
Un mot encore. Cette lettre n'était pas de ta sœur.
ARDÈLE
Dire que tu fouilles mes tiroirs ! J'ai honte.
L'AUTEUR
Ta sœur t'aime, c'est entendu, mais au point de t'appeler mon amour.
ARDÈLE
Ce n'est pas assez de moi. Salis ma sœur !
L'AUTEUR
Je ne salis pas ta sœur. Je constate. Ta sœur n'a pas une culture écrasante mais, enfin, elle met l'orthographe. Elle n'aurait pas systématiquement oublié les e muets à la fin des participes passés.
ARDÈLE
Tu vois à quels détails tu t'attaches !
L'AUTEUR
Cette lettre était d'un homme.
ARDÈLE
Tu es ignoble. Veux-tu me permettre de te poser une question ?
L'AUTEUR
Pose.
ARDÈLE
Et si tout était de ta faute ?
L'AUTEUR
ricane sombrement – ! Ah !
ARDÈLE
Qu'est-ce que tu fais ?
L'AUTEUR
Je ricane.
ARDÈLE
Quelle horreur ! Je te trompe et tu ricanes. Tu n'es même pas capable de souffrir. Je t'ai donné ma jeunesse et tu fouilles dans mes tiroirs.
L'AUTEUR
Cette lettre était par terre. Dans les cabinets.
ARDÈLE
Tu fouilles dans les cabinets ! Dans deux heures je serai partie. Je retourne chez ma mère.
L'AUTEUR
Elle est morte. En 1922.
ARDÈLE
Essaie, essaie de me rendre encore plus triste en me rappelant que ma pauvre maman est morte et que je n'ai plus rien au monde. Elle a laissé une maison, tout de même, 122, rue des Retaillons à Saint-Malo. Une maison où habite ma sœur illettrée. Je vais chez elle.
L'AUTEUR
C'est parfait.
ARDÈLE
Naturellement, tu triomphes. Tu vas pouvoir enfin me tromper. Il y a douze ans que tu attendais ce jour, et tu t'es arrangé pour que ce soit moi qui aie l'air d'avoir tort.
L'AUTEUR
hurle soudain – Mais enfin, sacrebleu, de qui était cette lettre ?
ARDÈLE
d'un mépris de marbre – Qu'est-ce que cela peut bien être ? Ma sœur ne sait pas écrire.
Jean Anouilh, Épisode de la vie d'un auteur, éditions La Table ronde, 1948.
Un mot encore. Cette lettre n'était pas de ta sœur.
ARDÈLE
Dire que tu fouilles mes tiroirs ! J'ai honte.
L'AUTEUR
Ta sœur t'aime, c'est entendu, mais au point de t'appeler mon amour.
ARDÈLE
Ce n'est pas assez de moi. Salis ma sœur !
L'AUTEUR
Je ne salis pas ta sœur. Je constate. Ta sœur n'a pas une culture écrasante mais, enfin, elle met l'orthographe. Elle n'aurait pas systématiquement oublié les e muets à la fin des participes passés.
ARDÈLE
Tu vois à quels détails tu t'attaches !
L'AUTEUR
Cette lettre était d'un homme.
ARDÈLE
Tu es ignoble. Veux-tu me permettre de te poser une question ?
L'AUTEUR
Pose.
ARDÈLE
Et si tout était de ta faute ?
L'AUTEUR
ricane sombrement – ! Ah !
ARDÈLE
Qu'est-ce que tu fais ?
L'AUTEUR
Je ricane.
ARDÈLE
Quelle horreur ! Je te trompe et tu ricanes. Tu n'es même pas capable de souffrir. Je t'ai donné ma jeunesse et tu fouilles dans mes tiroirs.
L'AUTEUR
Cette lettre était par terre. Dans les cabinets.
ARDÈLE
Tu fouilles dans les cabinets ! Dans deux heures je serai partie. Je retourne chez ma mère.
L'AUTEUR
Elle est morte. En 1922.
ARDÈLE
Essaie, essaie de me rendre encore plus triste en me rappelant que ma pauvre maman est morte et que je n'ai plus rien au monde. Elle a laissé une maison, tout de même, 122, rue des Retaillons à Saint-Malo. Une maison où habite ma sœur illettrée. Je vais chez elle.
L'AUTEUR
C'est parfait.
ARDÈLE
Naturellement, tu triomphes. Tu vas pouvoir enfin me tromper. Il y a douze ans que tu attendais ce jour, et tu t'es arrangé pour que ce soit moi qui aie l'air d'avoir tort.
L'AUTEUR
hurle soudain – Mais enfin, sacrebleu, de qui était cette lettre ?
ARDÈLE
d'un mépris de marbre – Qu'est-ce que cela peut bien être ? Ma sœur ne sait pas écrire.
Jean Anouilh, Épisode de la vie d'un auteur, éditions La Table ronde, 1948.
Travail sur le texte littéraire
Compréhension et compétences d'interprétation
1.
À quel genre appartient ce texte ? Justifiez votre réponse à l'aide de deux indices.
Observez le texte, le « dessin » qu'il forme sur la page, le paratexte. Interrogez-vous : ce dialogue est-il écrit en vers ou en prose ? Est-il composé de répliques ? Celles-ci sont-elles précédées du nom du personnage écrit en majuscules ou de guillemets ? Repérez-vous des verbes introducteurs, des didascalies ? Ce dialogue est-il tiré d'un roman ou d'une pièce de théâtre ?
2.
Résumez le texte en une ou deux phrases.
Si vous deviez résumer le texte à un ami, que lui diriez-vous ? Interrogez-vous : dans ce dialogue, quelle est la situation initiale ? Quel est l'élément perturbateur ? Quelle est la situation finale ?
3.
D'après Ardèle, par qui la lettre a-t-elle été écrite ? Selon vous, le mari est-il du même avis ? Justifiez votre réponse en citant le texte.
Relevez des mots ou expressions qui précisent l'identité de l'auteur de la lettre selon Ardèle. Interrogez-vous : le mari est-il d'accord concernant l'identité de l'auteur de la lettre ? Repérez et relevez des expressions pour expliquer et justifier votre réponse.
4.
Selon vous, qui domine la scène au début ? Qui domine la scène à la fin ? Justifiez votre réponse.
Relevez des mots ou expressions qui soulignent l'identité du personnage qui domine l'autre et mène le jeu au début de la scène. Est-ce le même qui domine l'autre à la fin de la scène ?
5.
Quelles sont les différentes stratégies employées par Ardèle pour résister à son mari ? Identifiez-en deux et expliquez-les en vous appuyant sur des passages précis du texte.
Mobilisez vos connaissances : la « stratégie », c'est l'art de manœuvrer habilement pour atteindre un but. Pensez aussi aux jeux vidéo. Interrogez-vous : comment Ardèle fait-elle pour résister à son mari ? Citez des passages du texte pour justifier votre réponse.
6.
« Je t'ai donné ma jeunesse et tu fouilles dans mes tiroirs. »
a) Selon vous, que signifie l'expression « Je t'ai donné ma jeunesse » ?
b) En quoi cette réplique est-elle comique ?
a) Relisez attentivement le passage qui contient cette phrase. Interrogez-vous : quel sens a ici le verbe donner ? De quoi Ardèle accuse-t-elle son mari ?
b) Observez les deux propositions coordonnées par « et ». Interrogez-vous : pourquoi cette réplique est-elle comique ? Quel est le ressort du comique dans cette expression ?
7.
Lorsque Ardèle affirme qu'elle souhaite rentrer chez sa mère, que cela signifie-t-il ? Selon vous, est-ce que le mari le comprend de la même manière ? Expliquez.
Relisez attentivement le passage qui contient cette phrase. Interrogez-vous : que souhaite dire Ardèle en réalité ? En vous aidant du contexte, reformulez cette phrase avec vos propres mots. Repérez des mots ou expressions qui montrent que le mari comprend ce que dit sa femme ou, au contraire, qu'il interprète mal ses propos.
8.
Comment interprétez-vous la dernière réplique d'Ardèle ? Expliquez.
Interrogez-vous : que fait Ardèle lorsqu'elle affirme : « Qu'est-ce que cela peut bien être ? Ma sœur ne sait pas écrire. » ? Quelle est sa nouvelle stratégie ?
9.
En quoi cette scène est-elle comique ? Fait-elle appel au comique de langage, de geste, de caractère, de situation ? Développez votre réponse en vous appuyant sur l'ensemble du texte.
Mobilisez vos connaissances sur les différents types de comique proposés dans la question. Pensez aussi aux comédies étudiées ou lues au collège, aux films et séries comiques, aux sketches des humoristes.
Grammaire et compétences linguistiques
1.
« Salis ma sœur ! »
a) Quel est le mode du verbe ?
b) Expliquez ce qu'Ardèle veut dire.
a) Observez la forme verbe. Interrogez-vous : à quel mode un verbe est-il conjugué seul, sans pronom ? Identifiez aussi le type de la phrase.
b) Mobilisez vos connaissances : un mot peut être polysémique (avoir un sens propre et un sens figuré par exemple). Interrogez-vous : dans quel sens est employé ici le verbe salir ?
2.
« L'AUTEUR. - Pose […] L'AUTEUR. - Je ricane. »
a) Quel est le type de phrase employé majoritairement par le mari ? Pourquoi ?
b) Quelle est donc sa stratégie pour obtenir des informations ?
a) Interrogez-vous : quel type de phrase reconnaissez-vous ? Observez la ponctuation. Quel signe de ponctuation en fin de phrase revient souvent dans les paroles du mari ?
b) Relisez la réponse à la question précédente. Interrogez-vous : pourquoi le mari agit-il ainsi ? Que souhaite-t-il montrer à sa femme ? Quel est son objectif en employant ce type de phrase ?
3.
« Naturellement, tu triomphes. Tu vas pouvoir enfin me tromper. Il y a douze ans que tu attendais ce jour, et tu t'es arrangé pour que ce soit moi qui aie l'air d'avoir tort. »
Réécrivez ce passage en remplaçant « tu » par « vous » et « je » par « nous ». Vous ferez toutes les transformations nécessaires.
Réécrivez ce passage en remplaçant « tu » par « vous » et « je » par « nous ». Vous ferez toutes les transformations nécessaires.
- Soulignez les pronoms personnels sujets « tu » qui désignent le mari et les verbes dont « tu » est sujet. Transformez-les en « vous » et modifiez les terminaisons des verbes (accord). Attention à l'accord du participe passé employé avec être !
- Soulignez les pronoms personnels de la 2e personne du singulier qui désignent le mari (« tu ») qui accompagnent les verbes pronominaux et transformez-les en « vous ».
- Soulignez les pronoms personnels sujets et compléments d'objet qui désignent Ardèle (« je », « moi ») et transformez-les en « nous ».
- Soulignez le verbe dont « nous » est sujet et modifiez la terminaison (accord). Attention ! Ce verbe est au subjonctif présent.
Dictée
« Un décor aussi peu réaliste que possible, on doit distinguer tout de même le bureau de l'Auteur au centre, trois portes, le vestibule côté jardin, avec une amorce d'escalier et la porte d'entrée.
C'est le matin, en scène dans le bureau, l'Auteur et Ardèle en robes de chambre. Ils sont l'un en face de l'autre très remontés ; ils crient tapant à tour de rôle sur le bureau. Tous les personnages de ce petit acte sont réalistes, les femmes sont charmantes mais – ce détail de mise en scène est indispensable – tout le monde porte des faux nez. »
C'est le matin, en scène dans le bureau, l'Auteur et Ardèle en robes de chambre. Ils sont l'un en face de l'autre très remontés ; ils crient tapant à tour de rôle sur le bureau. Tous les personnages de ce petit acte sont réalistes, les femmes sont charmantes mais – ce détail de mise en scène est indispensable – tout le monde porte des faux nez. »
Jean Anouilh, Épisode de la vie d'un auteur, éditions La Table ronde, 1948.
Rédaction
Sujet d'imagination
Cette scène de dispute est interrompue par l'entrée de la sœur d'Ardèle. L'Auteur et Ardèle recherchent chacun son soutien.
Vous écrirez cette nouvelle scène en respectant les caractéristiques du genre théâtral et en conservant le registre comique.
Vous écrirez cette nouvelle scène en respectant les caractéristiques du genre théâtral et en conservant le registre comique.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « la dispute est interrompue par l'entrée de la sœur d'Ardèle », « L'Auteur et Ardèle recherchent chacun son soutien ». Le thème est la dispute entre un mari et sa femme au sujet d'une possible infidélité.Étape 2. Repérez et encadrez la forme du texte à produire : « cette nouvelle scène », « les caractéristiques du genre théâtral », « le registre comique ». Il faut donc respecter :
- la disposition du dialogue de théâtre : le nom du personnage qui parle précède les paroles ; les éventuelles didascalies sont en italique (écriture penchée) ; suivez la présentation du texte de Jean Anouilh ;
- le registre comique : comique de situation (dispute), de caractère (femme adultère, mari jaloux, sœur timide ou autoritaire), de mots, de geste ;
- les temps du dialogue théâtral sont articulés sur le présent de l'énonciation : imparfait, passé composé, futur, etc. ;
- le nombre de lignes imposé : une cinquantaine.
Étape 4. Établissez le plan de votre scène.
- La sœur d'Ardèle entre sur scène. L'Auteur cherche à s'assurer son soutien en lui résumant la situation. Il argumente pour dénoncer l'infidélité d'Ardèle, pour rappeler qu'il est un bon mari, etc.
- Ardèle cherche à s'assurer le soutien de sa sœur en la prenant à témoin de son mariage raté, de ses malheurs, etc.
- Un personnage sort de scène pour mettre un terme à la dispute : lequel ? que dit-il ? comment réagissent les deux autres ?
Étape 6. Relisez-vous en corrigeant d'éventuelles erreurs (orthographe, syntaxe, ponctuation, niveau de langue).
Sujet de réflexion
Le mariage est une institution qui évolue beaucoup. Par ailleurs, des statistiques montrent que le nombre de divorces augmente régulièrement.
Selon vous, la vie moderne actuelle fragilise-t-elle le bonheur des couples mariés ?
Selon vous, la vie moderne actuelle fragilise-t-elle le bonheur des couples mariés ?
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet et soulignez les mots-clés qui évoquent le thème du sujet : « Le mariage est une institution qui évolue beaucoup », « le nombre de divorces augmente », « la vie moderne fragilise-t elle le bonheur des couples mariés ». Le thème du sujet est le mariage dans notre société.Étape 2. Repérez la forme du texte à écrire : « un développement organisé ». Comme il s'agit d'un sujet de réflexion, c'est un texte argumentatif (« vous exprimerez votre avis »), composé d'arguments et d'exemples (« trois arguments illustrés d'exemples ») qui est attendu. Il faut respecter :
- le genre argumentatif : le développement organisé, avec sa progression, ses analyses et ses arguments, ses exemples précis ;
- le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
- la composition en parties et paragraphes (introduction, développement, conclusion) ;
- la limite imposée : « une cinquantaine de lignes ».
Étape 4. Établissez le plan de votre travail d'écriture.
- L'introduction expose le problème et introduit le thème (le mariage dans notre société). Partez, par exemple, de l'idée que la vie moderne fragilise le bonheur des couples mariés. Le plus souvent, on rédige l'introduction au présent.
- Le développement de l'argumentation devra comporter deux ou trois parties. Vous articulerez votre réflexion, par exemple, autour de l'idée que la vie actuelle fragilise le bonheur des couples mariés. Pour chacune des trois parties, il faudra trouver au moins un argument et l'expliciter à l'aide d'un exemple.
Il faudra veiller à utiliser :
– des modalisateurs de certitude (il est évident, il est certain, assurément, incontestablement…) ;
– des connecteurs logiques (en premier lieu, de plus, ensuite, enfin, en effet, dès lors, de fait, par conséquent, donc…) ;
– des phrases de type exclamatif et des questions rhétoriques pour souligner votre désir de convaincre, des hyperboles pour montrer votre détermination.
- La conclusion fait un bilan sur le sujet et insiste par exemple sur le fait que la vie moderne, avec la crise économique et morale, menacent sans cesse le bonheur des couples mariés, et que l'évolution de notre société n'est guère favorable.
Annexes
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