La correspondance


Fiche

L'échange de lettres, ou correspondance, est un usage social, dont les formes sont plus ou moins codifiées, mais c'est également un genre littéraire. En principe, la communication s'établit entre deux personnes : l'auteur de la lettre et son destinataire, cependant dans bien des cas elle peut s'élargir. C'est donc un genre très souple, que chaque époque adapte à ses besoins.
Quels sont les différents types de lettres ? Quelle est la place de la correspondance dans la littérature ?
I. Les types de correspondance
1. Les lettres commerciales et administratives
• L'objectif des lettres professionnelles, commerciales ou administratives, est l'efficacité : elles doivent être concises et claires et se conforment à des modèles précis (mention de la date, identification du récepteur : Monsieur le Directeur, Cher client, etc. ; objet de la lettre, etc.). Les formulations et le vocabulaire y sont strictement codifiés.
2. Les lettres rituelles
• On les envoie traditionnellement pour inviter, remercier, féliciter, faire parvenir des vœux ou des condoléances, etc. Lorsqu'elles ne s'adressent pas à des intimes, elles reproduisent la plupart du temps des formules toutes faites : Bonne et heureuse année, Tous mes meilleurs vœux, etc.
3. Les lettres intimes
• Elles peuvent être conventionnelles et respecter des codes, en particulier pour l'adresse (Chère Madame, Mon cher ami, Cher cousin, etc.) et pour la formule de politesse finale (Bien amicalement, Je vous embrasse affectueusement, etc.).Dans ce cas, elles adoptent un registre plutôt soutenu. Elles peuvent aussi être tout à fait libres et inventives, allant du simple billet écrit à la hâte au long récit détaillé ou à une sorte de journal de ses impressions et de ses sentiments.
4. La correspondance électronique
• Ce nouveau mode de communication suscite des échanges rapides de messages. Moins formel, plus immédiat et sans doute plus facile que la correspondance traditionnelle, sur papier, le courrier électronique crée une « conversation permanente » entre des personnes parfois très éloignées. Il favorise un nouveau mode d'écriture, qui comporte des abréviations, des néologismes, des combinaisons d'images et de signes. Il est utilisé aussi bien professionnellement que de façon privée.
II. Les fonctions de la lettre
1. La fonction référentielle
• Pour communiquer, l'auteur et le destinataire de la lettre doivent pouvoir partager des références communes. Dans la correspondance intime, les références sont d'ordre personnel : souvenirs communs, sentiments partagés, lieux connus.
Ex. : « Vous me parlez de mon départ. Ah ! ma chère fille ! je languis dans cet espoir charmant. Rien ne m'arrête que ma tante qui se meurt de douleur et d'hydropisie. Elle me brise le cœur par l'état où elle est. » (Mme de Sévigné, lettre du 16 mars 1672)
2. La fonction incitative
• Le destinataire d'une lettre est désigné par son nom, son prénom ou son titre (Monsieur le Président), et dans le corps de la lettre, par des pronoms de la deuxième personne (vous ou tu). La lettre professionnelle incite souvent à agir (s'abonner, payer une facture, répondre à une demande, etc.). La lettre intime elle-même peut être incitative  en exprimant conseils, invitation, recommandations, etc.
Ex. : « Écrivez-nous, je vous prie, pour nous rassurer après tant de silence » (Étiemble, lettre à Jules Supervielle, 30 octobre 1939)
3. La fonction expressive
• Ce qui caractérise la lettre intime, c'est sa fonction expressive. L'auteur emploie la première personne, exprime ses émotions et ses sentiments.
Ex. : « Je suis assez effrayé d'écrire des pages aussi souriantes en ce moment où tout est si sombre. Je me demande comment je fais. Sans doute est-ce pour fuir l'épouvante, la tristesse et la honte de ces derniers temps. » (Jules Supervielle, lettre à Étiemble, septembre 1940)
III. La correspondance dans la littérature
1. La publication des correspondances
• La correspondance peut être publiée au titre de témoignage historique : c'est le cas par exemple des Lettres de Poilus, ces soldats de la guerre 1914-1918.
• On publie également les lettres émanant d'écrivains (Prosper Mérimée, Gustave Flaubert, George Sand, Paul Claudel, André Gide, Guillaume Apollinaire), qui ont parfois de grandes qualités littéraires. Ces correspondances permettent de compléter la connaissance que l'on a d'eux. On a ainsi conservé celles de Cicéron et de Saint Augustin et retrouvé les quelque 18 000 lettres de Voltaire.
2. Le cas Sévigné
• La plus célèbre des épistolières est sans doute Madame de Sévigné (1626-1696). Ses lettres à sa fille (Mme de Grignan), publiées trente ans après sa mort, constituent sa seule œuvre. Écrites sur le mode de la conversation mondaine, elles se font l'écho de la vie d'une femme cultivée au xviie siècle.
« Si vous me demandez comme je me trouve ici après tout ce bruit, je vous dirai que j'y suis transportée de joie […]. J'ai un besoin de repos qui ne se peut dire. J'ai besoin de dormir. J'ai besoin de manger (car je meurs de faim à ces festins). J'ai besoin de me rafraîchir. J'ai besoin de me taire. […] Mme de La Fayette vous aura mandé comme M. de la Rochefoucauld a fait duc le prince son fils, et de quelle façon le Roi a donné une nouvelle pension. Enfin, la manière vaut mieux que la chose, n'est-il pas vrai ? Nous avons quelquefois ri de ce discours commun à tous les courtisans. » (Mme de Sévigné, lettre du 19 août 1671)
3. Le roman par lettres
• Certaines œuvres prennent la forme d'une seule longue lettre, ce qui permet à l'auteur de développer son point de vue. Dans la Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758), Jean-Jacques Rousseau exprime son opinion sur le théâtre et sur la société. Dans la Lettre du voyant (1871), Arthur Rimbaud développe sa conception de la poésie.
• Le roman épistolaire se présente sous forme de lettres fictives, dont les auteurs sont les personnages du récit. Dans les Lettres persanes (1721), Montesquieu imagine la correspondance de deux Persans qui visitent la France, Rica et Usbeck. Tout en racontant leur voyage, ils critiquent indirectement les mœurs et le gouvernement français.
Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, ne sont constituées que de lettres : on apprend à travers elles les projets des personnages et leurs péripéties.
« Vous paraissez vous faire un grand mérite de votre dernière scène avec la Présidente ; mais qu'est-ce donc qu'elle prouve pour votre système ou contre le mien ? Assurément, je ne vous ai jamais dit que vous aimiez assez cette femme pour ne la pas tromper […]. » (Choderclos de Laclos, les Liaisons dangereuses, lettre 141, de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont)
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