Comment les économistes, les sociologues et les politistes raisonnent-ils et travaillent-ils ?


Fiche

Comment les économistes, les sociologues et les politistes raisonnent-ils et travaillent-ils ?
La science économique, la sociologie et la science politique sont trois sciences sociales qui rendent compte des comportements des êtres humains dans des domaines spécifiques. Bien qu'ayant des objets d'étude différents, elles utilisent des méthodes souvent proches.
I. Le regard de l'économiste : comment les hommes satisfont-ils leurs besoins à partir de ressources limitées ?
• Tout être humain est confronté à une situation contradictoire : il éprouve des besoins en quantité quasiment illimitée, mais ne dispose, pour les satisfaire, que de ressources limitées. Il doit donc réaliser des arbitrages, les choix qu'il fait impliquant, par nature, des renoncements. Ces choix concernent aussi bien l'activité de consommation que celle de production.
• Un ménage, par exemple, dispose d'un revenu donné et répartit ses ressources entre les différents postes de consommation. En France, l'alimentation à domicile représente aujourd'hui environ 10 % du budget des ménages, les dépenses de logement en occupant pratiquement le double, à 19,9 %. Cette répartition dépend à la fois de choix, à travers lesquels l'être humain exprime sa liberté, et de contraintes externes, qui lui sont imposées (niveau de revenu, prix, disponibilité, lieu d'habitation, etc.).
• Selon la même logique, un chef d'entreprise qui décide de produire un bien a généralement le choix entre différentes solutions techniques, diverses « combinaisons de production » : il peut, par exemple, privilégier l'usage de machines performantes, minimisant ainsi l'utilisation de travail humain. À l'inverse, il peut préférer une technologie moins performante qui nécessite plus de main-d'œuvre. Sa décision finale devra prendre en compte le coût des machines, le niveau des salaires, la qualification de la main-d'œuvre disponible, etc.
• Parmi les besoins humains, certains peuvent être considérés comme vitaux (on parle de besoins primaires), d'autres étant moins essentiels (besoins dits secondaires). Se nourrir et se protéger des intempéries sont des besoins primaires, alors que se distraire ou se cultiver appartiennent aux besoins secondaires. Cependant, la frontière entre ces deux catégories peut varier en fonction des époques ou des environnements : ainsi, le besoin de s'instruire a longtemps été considéré comme secondaire, alors qu'il est aujourd'hui vécu comme indispensable.
• Certains besoins peuvent être satisfaits à partir de biens gratuits, disponibles en quantité illimitée : l'air que nous respirons, la jouissance d'un paysage accessible à tous, etc. Ces biens sont dits libres, par opposition aux biens économiques qui, eux, doivent être produits et sont donc « rares », au sens où ils n'existent qu'en quantité limitée.
• L'une des interrogations centrales de la science économique concerne cette situation de « rareté » : comment, face à cette situation de rareté, les hommes parviennent-ils à la satisfaction optimale de leurs besoins ? L'hypothèse de base des économistes est que l'individu est un être rationnel, c'est-à-dire qu'il cherche à maximiser l'avantage qu'il tire d'un acte face au « coût » que cet acte implique. Il est donc en permanence en situation de calcul « coût/avantage » pour décider de ses choix. Ainsi, face à un pouvoir d'achat limité, l'économiste fait l'hypothèse que l'individu fera ses choix de consommation de manière à maximiser la satisfaction globale de ses besoins, par exemple en renonçant à une partie de ses loisirs pour pouvoir acquérir des biens, ou inversement.
• Enfin, la science économique distingue traditionnellement la microéconomie et la macroéconomie : la première porte le regard sur les actes économiques des individus, comme la consommation d'un ménage, l'achat d'un logement, par exemple, la décision d'un chef d'entreprise d'investir dans de nouveaux matériels... La macroéconomie, quant à elle, s'intéresse au fonctionnement général des économies et aux flux globaux que ce fonctionnement engendre, comme les exportations d'un pays, la valeur des différentes monnaies ou le budget des États.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Le regard du sociologue : Comment les êtres humains forment-ils une société ?
• La spécificité de la sociologie est de tenter d'expliquer et de comprendre ce que les sociologues appellent les « faits sociaux ». Cette expression désigne, selon le fondateur de la sociologie française Émile Durkheim (1858-1917) :
« « Des manières d'agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu'elles existent en dehors des consciences individuelles. Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l'individu, mais ils sont doués d'une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non. » »

On peut illustrer cette définition par de nombreux exemples : la manière de concevoir le déroulement d'un repas n'est pas la même en Italie, en Allemagne, en France ou au Japon ; celle de se saluer, lors d'une rencontre, se décline de multiples façons dans le monde ; les femmes, en France, sont plus vigilantes sur leur santé que les hommes, etc. Or, ces différents comportements ne sont pas le résultat de décisions individuelles de la part de ceux qui les accomplissent. Chacun d'entre nous, en quelque sorte, « obéit » à des règles sociales qui préexistent et qui s'imposent à nous de l'extérieur.
• Lorsqu'il entreprend l'analyse d'un fait social, le sociologue doit « mettre de côté » ses propres croyances et ses opinions personnelles. C'est à ce prix que sa démarche pourra être scientifique, rigoureuse et objective. Durkheim recommande au sociologue de « traiter les faits sociaux comme des choses », en se mettant à distance de l'objet qu'il étudie. Il doit donc éliminer les prénotions, les préjugés dont il peut être porteur, et il doit s'astreindre à une posture d'objectivité et à la neutralité du regard.
• Un autre objectif majeur de la sociologie est de comprendre ce qui construit le lien social, le fait que les êtres humains acceptent de vivre ensemble et de coopérer. La question est d'autant plus complexe que nous vivons aujourd'hui dans des sociétés où prédomine l'individualisme. Dans les sociétés plus traditionnelles, la cohésion sociale, ce qui fait que la société « tient », reposait sur le respect de règles collectives souvent très strictes. L'autorité des grandes institutions (famille, Église, État) y encadrait fortement les comportements de chacun. Les sociétés modernes acceptent une plus large diversité de croyances, d'attitudes et d'opinions. Cet individualisme dominant redéfinit les fondements du lien social, désormais construit sur des relations de complémentarité entre des individus différents plutôt que sur la similarité des individus et l'adhésion uniforme à des règles de conduite contraignantes.
Exercice n°3Exercice n°4
III. Le regard du politiste : comment le pouvoir s'organise-t-il dans une société humaine ?
• Toutes les sociétés modernes organisent en leur sein des institutions politiques, c'est-à-dire des organes de pouvoir et des règles fixant l'exercice des pouvoirs, dans le cadre d'un État. Les États peuvent avoir des natures et des formes très diverses : selon le fondement sur lequel repose la légitimité du pouvoir (démocraties, régimes autoritaires, dictatures), selon le degré d'autonomie des pouvoirs locaux (État unitaire comme la France et l'Italie ou État fédéral comme les États-Unis ou l'Allemagne), selon le type de régime (république ou monarchie). Dans la plupart des États, une Constitution fixe les « règles du jeu » de l'exercice du pouvoir politique, Constitution qui peut être écrite ou se transmettre par tradition orale. Dans les régimes démocratiques, l'organisation du pouvoir politique repose sur l'élection par les citoyens de leurs représentants aux différents échelons de pouvoir, au plan local (municipalités, départements, régions) et au plan national (élections des parlementaires et du chef de l'État).
• L'objet de la science politique est d'étudier le fonctionnement du « champ politique » et d'analyser les comportements de ses acteurs. Les citoyens, le personnel politique et les médias sont, de plus en plus, des éléments majeurs d'influence intervenant dans ce champ politique. Un des axes centraux des études de science politique est l'observation et l'interprétation des comportements électoraux des citoyens. Ces comportements vont du militantisme actif à l'abstention, en passant par la simple participation aux scrutins. Ces différents degrés d'implication dans la vie citoyenne obéissent à des déterminants sociologiques et psychologiques divers. Ainsi, l'abstention peut recouvrir une attitude d'indifférence et de retrait passif par manque d'intérêt pour les enjeux politiques (abstentionnistes dits « hors-jeu »). Mais elle peut aussi constituer un acte de protestation devant une « offre politique » jugée peu attractive par certains électeurs (abstentionnistes « dans le jeu »).
• Un des axes récents de la science politique consiste à étudier en particulier le rôle des médias, notamment celui des nouveaux médias que constituent les réseaux sociaux, dans la dynamique des campagnes électorales et dans la transformation de la vie politique en un spectacle où « l'image » joue un rôle croissant dans le processus d'influence sur les électeurs.
Exercice n°5Exercice n°6
IV. Les méthodes des sciences sociales : enquêtes et modèles
• Économistes, sociologues et politistes ont besoin, pour analyser le réel, de recueillir des informations détaillées sur leurs objets d'études. Elles leur sont notamment fournies par les statistiques collectées par de grands organismes au niveau national comme l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), l'Ined (Institut national d'études démographiques) et le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), ou au niveau international (Organisation des Nations unies, Organisation mondiale du commerce, Organisation mondiale de la santé, etc.).
• Mais chacune de ces disciplines s'appuie aussi sur des enquêtes qui, à partir d'un échantillon représentatif de l'ensemble de la population étudiée, permettent d'affiner l'analyse et de bâtir des modèles simplifiés de la réalité, modèles qui permettent de mettre en évidence des corrélations entre les phénomènes étudiés. La mise en évidence d'une corrélation entre deux phénomènes doit cependant être considérée avec prudence : le fait que deux phénomènes varient de manière concomitante ne signifie pas qu'il existe automatiquement un lien de causalité entre ces deux phénomènes. D'autres variables peuvent intervenir en donnant l'illusion d'une relation directe. Seule la rigueur de l'analyse scientifique permettra de dégager un éventuel lien de causalité.
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