La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines


Fiche

L'Europe d'aujourd'hui est l'héritière des civilisations qui ont marqué le bassin méditerranéen pendant l'Antiquité. Les systèmes politiques des cités et États grecs ont en effet pris valeur de modèles dans l'histoire européenne. C'est le cas du système démocratique que connut la cité d'Athènes à partir de la fin du vie siècle av. J.-C. L'empreinte romaine, quant à elle, est liée à l'empire qui domina les rives de la Méditerranée et y imposa un État fort et centralisé, incarné par la figure du princeps à partir du ier siècle av. J.-C. Dans les deux cas, ces héritages posent la question du rapport entre le citoyen et l'État et celle du mode d'exercice du pouvoir.
I. L'empreinte grecque
1. Les diversités politiques du monde grec
• Dès l'époque archaïque, qui débute au viiie siècle av. J.-C., le monde grec se constitue en cités. Chacune d'elles est un État indépendant, centré sur une ville principale. Elles ont en commun leur langue, leur système de croyances et leur structure économique, fondée sur la relation avec la mer, la culture du blé et de l'olivier. Certaines cités se trouvent en Grèce continentale, d'autres dans les îles de la mer Égée, ou encore en Ionie, sur la côte de l'Asie mineure. On trouve aussi, partout dans le bassin méditerranéen, des colonies grecques, qui sont des cités indépendantes implantées dans les territoires d'autres peuples, que les Grecs qualifient de « barbares ».
• À l'époque classique (ve  et ive siècles av. J.-C.), plusieurs formes de gouvernement sont possibles dans une cité :
  • La monarchie a presque partout disparu, même si, dans certaines cités, des magistrats portent encore le titre de roi, comme à Sparte. Les États du nord de la Grèce, comme la Macédoine, sont toutefois organisés en monarchies.
  • L'oligarchie voit un nombre réduit d'individus exerçant réellement le pouvoir, généralement en fonction de leur position sociale.
  • La tyrannie est définie par la domination d'un seul homme, qui n'a pas à se soumettre aux lois et qui prend des décisions arbitraires.
  • La démocratie (demos : peuple ; cratos : gouvernement) est le système qui, à Athènes, est progressivement mis en place puis finalisé par Clisthène après la chute de la tyrannie de Pisistrate en 507 av. J.-C.
2. L'exemple de la démocratie athénienne
• À l'origine, Athènes est un régime aristocratique, une forme de gouvernement où le pouvoir est détenu par les aristocrates, l'élite de la société par la richesse et la naissance. Cette élite, composée de quelques familles de grands propriétaires, détient les terres et dirige la cité : le reste du peuple n'a aucun pouvoir.
• Le rôle des citoyens à Athènes évolue ensuite : en 594 av. J.-C., Solon, un aristocrate, met en place l'isonomie, l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Mais Athènes n'est pas encore une démocratie ; en 507 av. J.-C., Clisthène (un autre réformateur) divise les citoyens en dix tribus comportant chacune trois dèmes (subdivisions territoriales correspondant à un village ou à un quartier). Les riches et les pauvres sont mélangés et participent ensemble à la vie de la cité. Cependant, les plus riches occupent encore les postes de direction de la cité ; au ve siècle, Périclès (un autre aristocrate) met en place des lois plus égalitaires : les pauvres peuvent désormais participer à la direction de la cité.
Les citoyens sont au cœur des institutions
• La cité est dirigée par trois assemblées et par des magistrats qui occupent des fonctions, politiques, militaires, ou judiciaires.
• L'assemblée de l'Ecclésia est l'institution la plus importante de la démocratie athénienne. Tous les citoyens y votent à main levée les lois et décident de la paix, de la guerre et de l'ostracisme : la démocratie athénienne est donc une démocratie directe. L'Ecclésia est toute-puissante et possède la souveraineté.
• La Boulè, le conseil de la cité, prépare les lois et veille à leur application. Elle est constituée de 500 citoyens tirés au sort pour un an au sein de l'Ecclésia.
• L'Héliée est le tribunal d'Athènes. Il est principalement situé sur l'agora (place publique d'Athènes). Il est composé d'environ 6 000 citoyens âgés de plus de trente ans et tirés au sort parmi l'assemblée pour un an.
Qui peut être citoyen à Athènes aux ve  et ive siècles avant J.-C. ?
• Les citoyens ne constituent qu'une minorité par rapport à la population totale de la cité. Obtenir la citoyenneté dépend des origines familiales et de la naissance sur le territoire de la cité d'Athènes.
• Depuis les réformes de Clisthène (508/507 av. J.-C.), il faut, pour être citoyen, satisfaire les conditions suivantes :
  • être un homme libre ;
  • avoir un père athénien ;
  • être inscrit (à l'âge de dix-huit ans) sur les registres de son dème ;
  • avoir fait son éphébie (service militaire d'une durée de deux ans que les Athéniens doivent effectuer dès l'âge de dix-huit ans).
• Périclès réduit encore le nombre de citoyens en 451 av. J.-C. : désormais, il faut aussi avoir une mère fille de citoyen pour obtenir la citoyenneté.
• Selon les estimations, sur les 380 000 habitants d'Athènes en 431 av. J.-C., seuls 42 000 sont citoyens, c'est-à-dire seulement 11 % de la population.
• La majorité des habitants de la cité d'Athènes (presque 90 %), exclue de la citoyenneté comprend :
  • les métèques, qui sont des hommes libres, étrangers à la cité, protégés par des lois et pouvant résider et travailler à Athènes en échange du paiement d'une taxe ;
  • les esclaves, hommes non libres, considérés comme des objets ;
  • les femmes, exclues de toute vie publique ;
  • les garçons âgés de moins de dix-huit ans.
• L'Ecclésia peut accorder la citoyenneté à un métèque s'il a, par exemple, combattu avec bravoure pour Athènes (métèques et esclaves sont mobilisables dans l'armée), mais cela reste exceptionnel.
• L'assemblée peut également voter l'exil d'un citoyen pendant dix ans s'il a menacé la sécurité de la cité : c'est l'ostracisme.
• Les citoyens possèdent un certain nombre de devoirs :
  • participer à l'Ecclésia et aux institutions pour lesquels ils sont tirés au sort ;
  • participer à la vie religieuse de la cité, en prenant part aux cultes, tels que les panathénées dédiées à Athéna ;
  • défendre la cité en fonction de leurs moyens :
    • les plus riches sont cavaliers et dirigent l'armée. À partir de la guerre du Péloponnèse (–431 à –404), ils doivent aussi équiper une trière (galère grecque),
    • les citoyens qui ont moins de moyens peuvent être hoplites (fantassins athéniens),
    • les pauvres sont le plus souvent rameurs sur les trières.
3. Les limites de la démocratie athénienne
• Ce système garantit à Athènes une réelle puissance. Elle s'affirme avec Sparte comme la cité capable d'organiser activement la défense contre les Perses lors des deux guerres médiques au cours desquelles elle triomphe sur terre, à Marathon, et sur mer, à Salamine.
• À la suite de ces victoires, Athènes établit la ligue de Délos, du nom de l'île où se trouve le trésor commun. Toutefois, Athènes exerce un véritable impérialisme au sein de la Ligue, n'hésitant pas à réprimer les cités qui s'opposent à elle comme Mytilène.
• Elle s'attire ainsi l'hostilité de Sparte, qui vainc Athènes lors de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.). Sparte présente d'ailleurs un système très différent de celui d'Athènes : l'égalité civile est réservée à un nombre encore plus restreint de citoyens (à peu près 5 000), qui dominent d'autres Grecs réduits en esclavage, les Hilotes, ou soumis à Sparte, les Périèques.
• De 336 à 323 av. J.-C., le roi de Macédoine Alexandre le Grand conquiert un vaste empire en Orient et y apporte la culture grecque. Les cités grecques sont pour la plupart soumises aux royaumes issus de cet empire. La période hellénistique (336-30 av. J.-C.) voit donc s'affirmer un nouvel ordre monarchique.
• De son côté, la démocratie athénienne subsiste jusqu'à la fin de l'Antiquité même si elle tend à prendre des aspects oligarchiques.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Les héritages de Rome et de son empire
1. État et expansion territoriale
• Rome connaît une histoire qui associe des mutations politiques et une expansion territoriale. Les institutions romaines restent en grande partie celles de la cité-État que fut Rome à ses origines, mais elles s'adaptent aux nouvelles dimensions de l'Empire, ce qui en fait une construction politique unique en son genre que les Romains appellent Res publica, ce qui signifie « la chose publique », c'est-à-dire l'État.
• De sa fondation légendaire en 753 av. J.-C. jusqu'en 509, Rome est une monarchie. Son territoire se limite à certaines parties du Latium.
• De 509 à 27 av. J.-C., Rome est une république. Un système électoral complexe se met en place, permettant aux citoyens de participer à la vie publique, mais à un degré différent suivant leur rang social. Les citoyens sont également des soldats, formant des légions. Leur efficacité permet à la République romaine de dominer un vaste territoire, conquis progressivement. Les institutions républicaines comportent essentiellement :
  • le Sénat, formé d'anciens magistrats appartenant à de grandes familles. Avant de devenir sénateur, on parcourt le cursus honorum en exerçant successivement les magistratures de questeur, d'édile et de prêteur ;
  • deux consuls, magistrats dirigeant l'État et l'armée et exerçant conjointement le pouvoir ;
  • les comices, assemblées de citoyens dans lesquelles le mode de scrutin favorise les plus riches, qui votent les lois.
• Ce système d'administration est progressivement élargi à tous les espaces conquis par Rome, qui va donc y laisser son empreinte :
  • au iiie siècle av. J.-C., l'ensemble de l'Italie est soumise à Rome ;
  • pendant les trois guerres puniques (de 264 à 146 av. J.-C.), Rome acquiert la domination de l'Afrique du Nord et de l'Espagne en écrasant Carthage, sa rivale ;
  • en 146 av. J.-C., Rome prend le contrôle de la Grèce ;
  • au ier siècle, la domination romaine s'impose au Proche-Orient, en Égypte et en Gaule.
2.  La mise en place d'un pouvoir personnel et la romanisation de la Méditerranée
• Dans le contexte de ces conquêtes, les grands généraux victorieux (les imperatores) s'imposent face aux institutions de la République. Aux iie  et ier  siècles av. J.-C., ils s'affrontent pour exercer le pouvoir en obtenant et conservant le titre de consul. On peut citer l'opposition entre Marius et Scylla, puis entre Crassus, César et Pompée. Mais après sa victoire, Jules César est assassiné en 44 av. J.-C. par une faction de sénateurs qui craignaient qu'il n'établisse une monarchie. Le petit-neveu de César, qui est aussi son fils adoptif, Octave, va opter, dès 43 av. J.-C., pour la mise en place d'un pouvoir fort. En 31 av. J.-C., il élimine son rival, Marc-Antoine, qui a pactisé avec l'Égypte et, en 27 av. J.-C., il met en place le nouveau régime, appelé principat ou empire. Octave en est le princeps, ce qui signifie le « premier citoyen ». En réalité, il exerce tous les pouvoirs et prend le nom d'Auguste, ce qui donne une dimension religieuse à sa puissance, ce titre étant de même racine que les « augures », prêtres romains chargés d'interpréter la volonté de Jupiter. Dans le but d'éviter une révolte, Auguste conserve néanmoins les institutions de la République mais les prive d'un pouvoir réel. Le Sénat conserve toutefois celui de refuser la divinisation de l'empereur après sa mort.
• La puissance du princeps lui permet de diriger l'Empire, qui s'étend au iie siècle du Rhin et du Danube jusqu'au Sahara, englobant toutes les rives de la Méditerranée. Rome laisse subsister les différences culturelles au sein de l'Empire, à partir du moment où tous les peuples rendent un culte à l'empereur divinisé et à Rome. Par ailleurs, la citoyenneté romaine est progressivement élargie.
• Au début du ier siècle, l'Empire compte un million de citoyens romains pour un peu moins de 60 millions d'habitants.
• En 89 av. J.-C., la citoyenneté romaine est octroyée aux hommes habitant au sud du Rubicon pour mettre fin au soulèvement des cités alliées d'Italie. En –49, elle est étendue aux habitants de la Gaule cisalpine au nord du Rubicon (aujourd'hui, l'Italie du Nord). Cependant, le nombre d'habitants des provinces ayant obtenu la citoyenneté reste encore très limité.
• En 48 apr. J.-C., l'empereur Claude, originaire de Lyon, accorde le droit de cité (y compris l'accès aux magistratures et au Sénat romain) aux notables gaulois. Ainsi débute l'extension de la citoyenneté romaine aux populations des provinces conquises.
• En 212, l'empereur Caracalla octroie la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'Empire. Ce mouvement s'accompagne d'une romanisation des peuples contrôlés, qui adoptent les modes de vie des Romains, avec la création de villes sur un même modèle et d'un réseau routier à l'échelle de l'Empire. Il existe toutefois des limites et des résistances culturelles à la romanisation.
3. Mutations territoriales et christianisation de l'Empire
• Ce système politique est profondément transformé à partir du ive siècle. Devant la pression des peuples barbares, l'Empire est réorganisé. L'empereur Constantin (310-337) fonde en 330 une nouvelle capitale, Constantinople, située dans la zone hellénophone de l'Empire et mieux protégée des invasions que Rome. En 395, Théodose choisit de diviser l'Empire entre Orient et Occident, de façon à mieux assurer sa défense.
• Malgré une certaine tolérance religieuse, Rome persécute les chrétiens car ceux-ci refusent de rendre un culte à l'empereur divinisé. Au début du ive siècle, ils représentent une part importante de la population et, en 313, Constantin, par l'édit de Milan, autorise le christianisme. Lui-même reçoit le baptême juste avant sa mort. En 380, le christianisme devient la religion officielle de l'Empire. Dans cet empire christianisé et réorganisé territorialement, ses successeurs réussissent à associer christianisme et pouvoir absolu.
• Ainsi, l'héritage grec, l'héritage romain et l'héritage chrétien contribuent dès l'Antiquité à établir des jalons importants de l'identité européenne.Exercice n°3Exercice n°4Exercice n°5
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