Les migrations internationales


Fiche

Le monde compte aujourd'hui 258 millions de migrants, c'est-à-dire de personnes vivant dans un pays différent de celui où elles sont nées. Ils constituent ainsi une part relativement réduite de la population mondiale, environ 3,4 %. Pourtant, le fait migratoire est aujourd'hui un élément majeur pour comprendre l'espace mondial, et le nombre de migrants croît de 2,5 % par an. Quelles sont les causes des migrations ? Comment marquent-elles l'espace mondial ? Qui en sont les acteurs et quels en sont les enjeux ?
I. Le fait migratoire : une réalité géographique dans l'espace mondialisé
1. Un fait constitutif de la mondialisation
Les migrations sont un fait ancien dans la constitution des espaces nés de la mondialisation. Depuis le xvie siècle, des flux migratoires existent ainsi entre Europe et Amérique et, au xixe siècle, des pays comme les États-Unis, puis le Canada, l'Australie ou l'Argentine, ont été peuplés par un nombre important de migrants issus d'Europe, continent connaissant alors la plus importante croissance démographique. Au xxe siècle, surtout après 1945, les migrations internationales se transforment et, depuis le milieu des années 1970, elles sont marquées par une croissance des flux entre le Sud et le Nord, pour des raisons économiques, démographiques et politiques.
Aujourd'hui, les principales zones de départ des migrants sont l'Asie, avec 105 millions en 2018, l'Europe avec 60 millions, l'Amérique latine avec 40 millions et l'Afrique avec 38 millions. Ces migrants se dirigent soit vers des pays appartenant à leur propre zone géographique (migrations intrarégionales ou intrazone) soit vers des destinations plus lointaines.
2. Les migrations à l'échelle mondiale
  • Les migrations internationales s'organisent suivant plusieurs logiques. À l'échelle mondiale, les principaux flux conduisent des personnes originaires de pays du Sud à s'installer dans des pays du Nord. Environ 65 % des migrants résident dans des pays du Nord.
  • Les causes de ces migrations sont diverses, la première étant économique. Les principales zones d'accueil sont les pays d'Amérique du Nord, où Canada et États-Unis accueillent plus de 50 millions de migrants à eux deux. À eux seuls, les États-Unis accueillent un migrant mondial sur cinq. Vient ensuite l'Europe occidentale, avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, puis les pétromonarchies, Arabie Saoudite en tête avec 12,5 millions d'immigrés.
  • Parmi les pays d'origine des migrants, on trouve l'Inde en tête, avec 17 millions de départs, puis le Mexique (15 millions), et la Russie (11 millions). Mais le poids démographique relatif de chaque pays justifie un raisonnement par zones géographiques.
3. Les migrations intrarégionales
La majorité des migrants, soit environ 60 %, se dirigent vers des pays situés dans la même région du monde que leur pays d'origine, à l'exception de ceux issus de l'Amérique latine, se dirigeant majoritairement vers l'Amérique du Nord. Cela est particulièrement marqué pour les continents ou les régions connaissant de forts contrastes de développement. C'est le cas en Europe, où la majorité des migrations provenant de l'est du continent s'orientent vers l'ouest.
• En Asie, les migrations sont orientées essentiellement vers les pétromonarchies du golfe Persique. En revanche, elles sont peu présentes en Asie orientale, où l'exode rural assure la réponse à la demande en emploi dans les métropoles et les zones côtières. On note toutefois l'héritage ancien des diasporas chinoises, qui suscitent toujours des flux migratoires.
• En Afrique, les migrations intrarégionales sont importantes, notamment en Afrique australe, entre le Mozambique et l'Afrique du Sud par exemple, ou entre les divers pays d'Afrique de l'Ouest. D'Afrique subsaharienne, les migrations vers le Maghreb, dont la Libye (où les mauvais traitements envers les migrants sont aujourd'hui dénoncés), constituent souvent une étape d'un voyage plus long, vers l'Europe. De la même façon, nombre de migrants séjournant au Mexique espèrent pouvoir entrer aux États-Unis.
Exercice n°1
II. La diversité des enjeux migratoires
Le fait migratoire a des causes très diverses, liées tant aux situations de départ qu'aux situations d'arrivée.
1. Les migrations économiques ou liées à l'emploi
Les migrations économiques constituent la majorité des situations. Elles sont associées au rapport entre la situation dans le pays de départ et dans le pays d'arrivée. L'un des facteurs déterminants est l'absence de débouchés sur le marché du travail dans des pays où de nombreux jeunes actifs sont présents : la croissance économique y est insuffisante ou l'équité dans l'accès à l'emploi n'y est pas garantie. L'attractivité d'une situation d'emploi à l'arrivée est déterminante, mais l'attrait d'une vie meilleure et de possibilités d'accès à l'éducation peut aussi intervenir.
• Ainsi, les migrations concernent souvent des personnes ayant déjà eu accès à une certaine mutation sociale, par exemple des personnes déjà issues de l'exode rural dans leur pays d'origine. Migrer coûte en outre assez cher et le fait de disposer d'un emploi ou d'un soutien familial est souvent nécessaire pour préparer son départ. Par ailleurs, le fait de posséder un diplôme de l'enseignement supérieur joue plutôt en faveur de la migration, car cela laisse espérer un meilleur salaire. Ainsi, 10 % des diplômés de l'enseignement supérieur des pays de l'Afrique de l'Ouest vivent à l'étranger.
• Ce processus marque aussi les diplômés des pays du Nord : de nombreux médecins d'Europe de l'Est s'installent ainsi en Europe de l'Ouest. De même, un nombre important d'étudiants de l'enseignement supérieur ou de personnes diplômées se dirigent depuis l'Asie ou l'Europe de l'Ouest vers l'Amérique du Nord et en premier lieu les États-Unis pour des questions de fluidité de carrières et de niveaux de rémunération. On appelle ce processus le brain drain ou « fuite des cerveaux ».
2. Les acteurs des migrations
Les migrations ont donc des acteurs multiples. Ce sont bien sûr tout d'abord les migrants eux-mêmes. Souvent, la présence d'un membre de la famille ou de la communauté d'origine dans le pays d'accueil est déterminante pour le choix de la destination, car cela ouvre des perspectives d'accueil et d'accès à l'emploi. Des « couples migratoires » se sont ainsi mis en place, souvent à cause de l'emploi de la même langue ou de l'existence d'un héritage lié à l'époque coloniale. Ainsi en va-t-il entre la France et les pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, entre le Royaume-Uni et l'Inde ou le Pakistan. Les proximités géographiques comptent également, comme l'Espagne pour les Marocains ou l'Italie pour les Tunisiens.
• Dans les cas des migrations clandestines, les acteurs des migrations sont parfois des réseaux qui, au-delà de la simple facilitation des passages, s'adonnent à de véritables trafics humains. Suite à une dette contractée dans le pays d'origine, avant la migration ou dans le but de celle-ci, les migrants peuvent ainsi être soumis à des organisations qui mettent leur vie en péril et être exploités dans des situations d'emploi indignes dans les pays d'arrivée ou de transit (travail forcé voire esclavage, prostitution…). Les migrations clandestines peuvent ainsi s'inscrire dans les « zones grises » de la mondialisation où l'économie relève en grande partie de réseaux illicites.
3. La situation des réfugiés
Le camp de réfugiés syriens de Zaatari en Jordanie
Les migrations internationales - illustration 1
• Dans le monde, 68,5 millions de personnes ont aujourd'hui le statut de réfugié. Les réfugiés quittent leur pays en raison des persécutions dont ils sont victimes en raison de leur religion, de leur ethnie, parfois dans un contexte de guerre, ou leur orientation sexuelle… Leur statut est reconnu par les Nations unies. L'attribution du statut de réfugié se fait d'après des critères précis et après examen de la situation.
• La plupart des réfugiés se trouvent dans des pays du Sud, souvent des pays voisins de celui dont ils sont originaires. Leur situation et leur destination dépendent du contexte géopolitique. La guerre et les persécutions en Syrie ont ainsi créé un afflux de réfugiés, en premier lieu en Turquie et au Liban, pays voisins, puis vers l'Union européenne.
Exercice n°2Exercice n°3
III. Des situations contrastées
Il existe aujourd'hui plusieurs situations migratoires dans le monde.
1. Les situations migratoires au Nord
• Dans les pays du Nord, l'immigration est souvent présentée comme vitale pour la croissance économique dans des pays où le vieillissement de la population perturbe les équilibres entre population active et retraités. Elle permet aussi de pallier le manque de main-d'œuvre dans certains secteurs comme le bâtiment. Toutefois, elle intervient sur un marché de l'emploi souvent fragile et pose également la question de l'intégration. Cette question a des conséquences politiques importantes.
• Ainsi, aux États-Unis, la question de la protection de la frontière par un mur a été une des idées lancées par Donald Trump. En Europe, la question de la gestion des flux transméditerranéens (à l'origine de nombreux drames humains) et de l'accueil des migrants a été l'un des facteurs ayant conduit les partis populistes au pouvoir en Italie. En France, à Calais, celle des migrants en attente d'un passage en Grande-Bretagne reste sensible.
2. Migrations et émergence
• Dans les pays d'origine, les migrations ont des conséquences. L'une de celles-ci est liée à la constitution de diasporas qui permettent de mettre en place des réseaux économiques et des « remises migratoires » substantielles : les travailleurs immigrés envoient dans leur pays d'origine une part de leurs revenus. Cela peut représenter une part importante du PIB : 7 % du PIB marocain provient de ces remises. Celles-ci peuvent stimuler l'économie locale si elles sont investies dans des entreprises, mais aussi entretenir une situation de rente. Une autre conséquence, problématique cette fois pour les pays d'origine, est la privation d'une partie de leur main-d'œuvre qualifiée.
• Certains pays émergents ont fondé une grande partie de leur essor sur l'immigration. C'est le cas des pétromonarchies. Celles-ci ont attiré une main-d'œuvre nombreuse, venue des pays non pétroliers du Moyen-Orient ou d'Asie du Sud, qui représente 85 % de la population dans les Émirats arabes unis. Les citoyens des pétromonarchies percevant les revenus issus de la rente pétrolière, le développement rapide de ces pays s'est appuyé, particulièrement dans les secteurs des services et du bâtiment, sur l'emploi des travailleurs immigrés. Ceux-ci, dépendants de leur employeur, connaissent des conditions de travail souvent difficiles et n'ont que très peu accès à l'intégration. Toutefois, l'Arabie Saoudite tente aujourd'hui de limiter la part des immigrés par une politique de « saoudisation » de certains emplois.
3. Migrations et géopolitique
• La question des migrations est également liée à la stabilité des États dans certaines régions du monde : l'afflux de réfugiés fuyant des conflits dans des pays du Sud peut conduire à des situations sanitaires et humanitaires préoccupantes dans certains camps ou certaines zones de transit.
• La prise en compte des migrations se fait donc de plus en plus dans un cadre supranational. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés joue un rôle important mais, à l'échelle régionale, les missions de l'agence Frontex (la sécurisation des frontières de l'espace Schengen), gérée par l'Union européenne, et les difficultés qu'elle a rencontrées en Méditerranée, posent de nombreuses questions.
Exercice n°4Exercice n°5
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