Des trajectoires démographiques différenciées : les défis du nombre et du vieillissement

Avec 7,7 milliards d'humains sur Terre, la question de la démographie dans le monde est décisive. Mais elle est aussi complexe. Les trajectoires démographiques des différents espaces mondiaux sont très différentes et révèlent des logiques relevant à la fois des situations géoéconomiques et d'enjeux culturels. L'image d'une explosion démographique des pays du Sud doit en effet être nuancée par une multitude de cas spécifiques. Tout comme est à nuancer l'idée d'un modèle intangible de transition démographique qui marquerait l'ensemble de la planète.
I. Un peuplement contrasté
Le peuplement mondial présente des contrastes importants. À l'échelle de la planète, des zones très peuplées s'opposent à des zones vides. Ces grands foyers de peuplement sont parfois les mêmes depuis plusieurs milliers d'années. La répartition des humains sur Terre est donc déterminante pour comprendre les enjeux géographiques de la démographie.
1. Les zones de forte densité
• Les zones de forte densité constituent les grands foyers de peuplement mondial. Le premier est l'Asie du Sud avec 1,8 milliard d'habitants, le second, l'Asie orientale avec 1,6 milliard d'humains. Vient ensuite l'Europe, avec 750 millions, puis les pays du golfe de Guinée, le Proche-Orient, puis certains foyers de peuplement en Amérique.
• Très souvent, ces foyers sont des zones densément peuplées depuis plusieurs siècles. Ainsi, les foyers de peuplement d'Asie de l'Est et du Sud sont liés à la présence de la riziculture. En effet, cette agriculture permet de nourrir un nombre important d'êtres humains et nécessite une main-d'œuvre nombreuse. Les deux phénomènes contribuent ainsi à entretenir de fortes densités. Elles se sont révélées être un atout, au xxe siècle, lorsque ces pays ont eu besoin d'une main-d'œuvre accrue pour assurer leur décollage économique, tant dans l'agriculture que dans l'industrie, ou pour disposer d'un nombre important de consommateurs. Ce fut le cas tout d'abord au Japon, puis en Chine.
• Ailleurs dans le monde, on constate de plus fortes densités dans les vallées des grands fleuves, propices à l'implantation de réseaux de communication et de pôles économiques, ainsi que sur les littoraux. C'est parfois un héritage de la colonisation en Amérique et en Afrique, mais c'est aussi le fruit de la littoralisation des activités dans un monde où les échanges s'intensifient.
• À l'échelle des États, cette situation permet de distinguer deux géants démographiques : la Chine, avec 1,386 milliard d'habitants, et l'Inde, avec 1,339 milliard d'habitants, laissant loin derrière les États-Unis et leurs 327 millions d'habitants. Le poids démographique est un facteur géopolitique déterminant pour affirmer ou maintenir sa puissance. Toutefois, la part de ces deux pays dans la population mondiale tend à diminuer face à l'affirmation de la croissance de la population africaine subsaharienne, même si l'Asie orientale demeure aujourd'hui le premier foyer de peuplement.
2. Les zones de faible densité
• Les zones de faible densité sont de plusieurs types. On trouve tout d'abord les zones soumises à des climats extrêmes. C'est le cas des déserts glacés des zones polaires arctiques ou antarctiques, ou des déserts chauds comme le Sahara ou le Kalahari. Toutefois, ces espaces, bien que peu densément peuplés, peuvent être convoités pour leurs richesses ou l'enjeu stratégique qu'ils représentent.
• Parmi les espaces peu densément peuplés, on trouve également les hautes montagnes, mais il existe des exceptions. Ces espaces ont en effet pu constituer des espaces plus humides et propices à l'agriculture que les plaines environnantes, comme c'est le cas en Afrique dans la région du lac Victoria. Les montagnes ont également pu servir de refuge à des populations persécutées.
• Enfin, les espaces de la forêt dense sont également peu peuplés, mais ils constituent un espace de front pionnier, impliquant une déforestation importante en vue de disposer de terres agricoles. On peut citer l'exemple de la forêt amazonienne au Brésil ou encore celui de la jungle de Bornéo, défrichée pour favoriser la culture de palmiers produisant de l'huile de palme.
3. Les rapports entre ruralité et espaces urbains
La répartition de la population mondiale tend à être de plus en plus concentrée au sein des espaces urbains. Mais le taux d'urbanisation montre des logiques différentes. À l'exception de l'Amérique latine, le taux d'urbanisation est plus faible en Asie et surtout en Afrique qu'en Europe et en Amérique du Nord.
• Dans les pays émergents, la progression du taux d'urbanisation est un des indicateurs de la transformation des économies. Toutefois, l'exode rural peut aussi être le reflet, non pas de l'attractivité des villes, mais plutôt de la crise des campagnes.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Des évolutions démographiques différentes
La transition démographique
Des trajectoires démographiques différenciées : les défis du nombre et du vieillissement - illustration 1
Les évolutions démographiques sont elles aussi divergentes. Les espaces mondiaux connaissent des situations liées à la notion de transition démographique. L'étude du taux de natalité et du taux de mortalité, qui déterminent l'accroissement naturel, permet de distinguer plusieurs phases.
1. Des espaces en forte croissance
• Les pays d'Afrique subsaharienne sont dans la première phase de la transition démographique. Leur taux de natalité reste élevé et leur taux de mortalité est en baisse. Cela est dû aux progrès de la médecine, impliquant une baisse de la mortalité infantile et une hausse de l'espérance de vie. Toutefois, pour des raisons culturelles ou pour des difficultés d'accès aux moyens de contraception, le taux de fécondité reste élevé.
2. Des espaces en voie de transition
• De nombreux pays dans le monde sont entrés dans la seconde phase de la transition démographique. Il s'agit des pays d'Amérique latine, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ainsi que ceux d'Asie de l'Est. Leur taux de mortalité a baissé et leur taux de natalité a chuté lui aussi. L'accès d'une part plus importante de la population à la classe moyenne urbaine tend à faire le choix d'un nombre plus réduit d'enfants, dans un contexte où l'accès à la contraception est plus large.
• Dans les pétromonarchies, la baisse de la fécondité a été spectaculaire, passant parfois de 4 enfants par femme à 2,5 en trois décennies. Toutefois, ces statistiques prennent en compte également la population immigrée, moins féconde, car souvent composée de femmes ayant laissé leurs enfants dans leur pays d'origine. Le nombre important de personnes de moins de 25 ans conduit à maintenir l'accroissement de la population et à poser le défi de l'insertion des nouveaux actifs sur le marché du travail.
3. Les espaces à faible accroissement démographique
Les pays industriels développés, essentiellement l'Europe, le Japon ainsi que les « quatre dragons » d'Asie orientale et, dans une moindre mesure, les États-Unis, ont achevé leur transition démographique. Leurs taux de mortalité et de natalité sont faibles, et l'espérance de vie est élevée. Les modes de vie, l'âge tardif des unions, la généralisation des moyens de contraception conduisent au choix d'un nombre limité d'enfants, et à un nombre de naissances parfois inférieur au nombre des décès ; la population est alors, sauf apport migratoire, en décroissance. La part des plus de 60 ans peut représenter jusqu'à 25 % de la population.
• Dans certains pays émergents, cette situation est en passe de se produire. La Chine, malgré l'arrêt de la politique de l'enfant unique, n'a pas connu de reprise démographique, à cause de la transformation des modes de vie liés à l'émergence d'une classe moyenne urbaine. Les autorités craignent que la croissance économie en soit ralentie. En Russie, malgré une récente et limitée reprise démographique, la situation est semblable à celle des autres pays d'Europe orientale.
Exercice n°3Exercice n°4
III. Des perspectives spécifiques
Peuplements et dynamiques démographiques dans le monde contribuent à mettre en place différentes situations. La démographie est une des clés de compréhension, non exclusive, de la géopolitique mondiale.
1. Puissance et population
• La population constitue une donnée essentielle du potentiel économique d'un pays. Les pays du Sud, qui représentent 82 % de la population mondiale, doivent relever le défi du nombre. Une population nombreuse, si elle est formée et employée dans le cadre de la division internationale du travail, est un atout pour les pays émergents. Mais cette population est aussi un poids, car il faut la nourrir, la former, lui donner un emploi.
• C'est pourquoi certains États ont mené des politiques de maîtrise du nombre des naissances. En Chine, la politique de l'enfant unique fut menée de 1979 à 2015. Son assouplissement face au risque d'un manque de main-d'œuvre ne suscite pas de baby-boom, ce qui révèle que la Chine est en passe d'achever sa transition démographique. En Inde, une politique de stérilisation volontaire et la pratique de l'interruption volontaire de grossesse de manière sélective ont conduit à un important déséquilibre entre le nombre d'hommes et celui de femmes, avec 940 femmes pour 1 000 hommes.
• Dans tous les espaces du monde à forte croissance démographique se pose également la question de l'impact sur l'environnement et sur la nécessité d'un accès équitable aux ressources.
2. Gérer croissance et décroissance
D'autres pays connaissent un problème de renouvellement des générations. C'est le cas en Europe occidentale à cause de la transformation des modes de vie. En Europe orientale, ce phénomène est aggravé par le départ de nombreux jeunes, hommes et femmes, vers l'Europe de l'Ouest. Au Japon, le pays perd 300 000 habitants tous les ans. Dans ce contexte, plusieurs problèmes se posent : le premier consiste à soutenir la croissance économique malgré l'arrêt de la croissance démographique, un deuxième à assurer le financement d'un système de retraite et la gestion de la dépendance liée au grand âge.
3. Les enjeux migratoires
• Les migrations ne jouent qu'en partie sur ces équilibres. En effet, l'effet compensatoire des migrations sur la démographie n'est pas toujours déterminant. De plus, les populations immigrées tendent assez rapidement à adopter le comportement démographique du pays d'accueil.
• Contrairement aux États-Unis et à l'Europe occidentale le Japon a fait le choix depuis longtemps de fermer ses frontières à l'immigration, misant avant tout sur les nouvelles technologies pour renforcer la puissance de son économie.
Exercice n°5
Exercice n°1
Quels sont les trois États les plus peuplés du monde, cités dans l'ordre décroissant de leur nombre d'habitants ?
Cochez la bonne réponse.
États-Unis, Chine, Inde
Brésil, États-Unis, Russie
Inde, Chine, États-Unis
Chine, Inde, États-Unis
Chine, Inde, Indonésie
Avec respectivement 1,386 milliard, 1,339 milliard et 327 millions d'habitants, ces États sont les plus peuplés au monde. Après les États-Unis vient l'Indonésie avec 266 millions d'habitants.
Exercice n°2
Combien d'habitants regroupent le foyer de population de l'Asie orientale et celui de l'Asie du Sud ?
Cochez la bonne réponse.
1,8 milliard d'habitants
3,4 milliards d'habitants
5,7 milliards d'habitants
6,1 milliards d'habitants
7,05 milliards d'habitants
Ces deux foyers de population, constitués par des régions où l'on trouve depuis plusieurs siècles de fortes densités, regroupent près de la moitié de la population mondiale.
Exercice n°3
Quelle part de la population de plus de 60 ans peut-on trouver dans les pays industriels développés ?
Cochez la bonne réponse.
15 %
25 %
32 %
48 %
50 %
Ce taux est le fruit d'un vieillissement de la population causé par la baisse du taux de fécondité et l'allongement de l'espérance de vie dans les pays industriels développés.
Exercice n°4
Parmi ces pays, lequel voit sa population diminuer ?
Cochez la bonne réponse.
La France
Les États-Unis
Le Canada
La Suède
Le Japon
Le Japon perd 300 000 habitants par an, du fait du non-renouvellement des générations. Le pays, ayant fait le choix de fermer ses frontières à l'immigration, voit sa population diminuer.
Exercice n°5
Qu'appelle-t-on un « baby-boom » ?
Cochez la bonne réponse.
Une remontée rapide du taux de natalité
Une remontée du taux de scolarisation
Une remontée du nombre d'enfants inscrits en crèche
Une remontée du nombre de naissances multiples
Une remontée du nombre de demandes de procréation médicalement assistée
Outre le baby-boom historique, de 1945 au milieu des années 1960, on a assisté en France en 2000 à une augmentation du nombre de naissances, qui s'est révélé moins durable.