« L'État de droit est quand même ce que l'on a inventé de mieux en matière de relations sociales et humaines. Surtout pour les pauvres et les faibles. En fin de compte, il n'y a que l'État de droit pour les défendre. » (Patrice Franceschi, La Grande Aventure de La Boudeuse, 2008)
L'État de droit est un principe fondamental des démocraties modernes. Il garantit que la loi est supérieure à tous, y compris aux gouvernants. Loin d'être une notion purement juridique, l'État de droit est aussi un fondement politique et philosophique : il incarne le rejet de l'arbitraire, la protection des libertés et la soumission de tous au droit.
I. Comprendre l'État de droit
1. Une définition de l'État de droit
L'État de droit est un principe selon lequel le pouvoir est limité par le droit. Il suppose que tous – gouvernants comme gouvernés – sont soumis aux mêmes règles juridiques, et que ces règles garantissent les droits fondamentaux. Les lois sont élaborées au nom du peuple, par le peuple et ses représentants. La souveraineté, le droit et son application procèdent en France des citoyens, qui sont donc les fondateurs de l'État de droit.
Il repose sur plusieurs piliers :
Il repose sur plusieurs piliers :
• la primauté du droit, qui signifie qu'aucune autorité ne peut se soustraire à la loi ;
• la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) pour éviter les abus ;
• l'égalité de tous devant la loi ;
• la protection des libertés fondamentales (d'expression, d'association, de conscience, etc.) ;
• l'indépendance de la justice, garante du respect de ces droits ;
• la hiérarchie des normes qui signifie que chaque règle doit respecter celles qui sont au-dessus d'elle.
Pyramise de Kelsen
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L'État de droit s'oppose à toute forme de pouvoir arbitraire, exercé par exemple dans les régimes de monarchie absolue, de dictature, etc.
2. Les organes de contrôle en France et en Europe
En France, plusieurs institutions garantissent le respect de l'État de droit :
• le Conseil constitutionnel vérifie que les lois respectent la Constitution, avant leur promulgation ;
• le Conseil d'État juge les actes de l'administration, et il peut annuler une décision illégale ;
• les juridictions judiciaires (tribunaux, cours d'appel, Cour de cassation, etc.) protègent les libertés et statuent sur les litiges entre particuliers ou contre l'État. Ainsi, la Cour de cassation vérifie que les lois ont été correctement appliquées par les tribunaux et cours d'appel. Elle peut annuler une décision de justice et renvoyer l'affaire devant une cour d'appel si la loi a été mal interprétée ou appliquée. Elle est la garante d'un procès équitable.
En Europe, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), rattachée au Conseil de l'Europe, veille au respect de la Convention européenne des droits de l'homme signée par 46 pays. Elle peut condamner un État si les droits d'une personne ont été violés, même si celle-ci avait épuisé tous les recours nationaux. Bien que la Constitution française affirme sa primauté dans l'ordre juridique interne, la jurisprudence reconnaît que le droit européen, en particulier celui de l'Union européenne, prime sur les lois nationales.
Par exemple, en 2022, la France a été condamnée par la CEDH concernant le problème de la surpopulation carcérale. La Cour a jugé que les conditions de détention (manque d'espace, manque d'hygiène, promiscuité) constituaient un traitement inhumain et dégradant, contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Cette décision montre que la CEDH agit comme un ultime recours pour garantir le respect de la dignité humaine, et qu'elle renforce l'État de droit au-delà des frontières nationales.
Par exemple, en 2022, la France a été condamnée par la CEDH concernant le problème de la surpopulation carcérale. La Cour a jugé que les conditions de détention (manque d'espace, manque d'hygiène, promiscuité) constituaient un traitement inhumain et dégradant, contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Cette décision montre que la CEDH agit comme un ultime recours pour garantir le respect de la dignité humaine, et qu'elle renforce l'État de droit au-delà des frontières nationales.
II. Une construction progressive en France
Le principe de l'État de droit prend racine dans la Révolution française et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, qui affirme la primauté de la loi comme expression de la volonté générale (art. 6).
La monarchie absolue est alors remplacée par un régime de souveraineté populaire, dans lequel la loi s'impose à tous, y compris aux gouvernants.
Au fil des régimes successifs, les institutions françaises ont consolidé les garanties démocratiques.
La monarchie absolue est alors remplacée par un régime de souveraineté populaire, dans lequel la loi s'impose à tous, y compris aux gouvernants.
Au fil des régimes successifs, les institutions françaises ont consolidé les garanties démocratiques.
• Le suffrage, garant de la souveraineté nationale et de la liberté du citoyen, ne cesse de s'étendre. Il devient universel en 1848, mais ne concerne alors que les hommes. En 1944, les femmes obtiennent le droit de s'exprimer. Le Traité de Maastricht, instaurant l'Union européenne, permet aux citoyens membres de l'U.E. et résidents en France de désigner leurs représentants locaux.
• Les libertés individuelles et collectives se développent. Depuis la loi sur la liberté de la presse (1881) jusqu'aux droits et libertés acquises plus récemment (IVG en 1975, mariage pour tous en 2013, PMA en 2021, etc.), elles assurent des droits à chaque citoyen.
En 1971, le Conseil constitutionnel est saisi d'une loi limitant la création d'associations : celles-ci devraient être agréées par le gouvernement ou l'État, en violation de la loi de 1901 et de la liberté d'association. Le Conseil constitutionnel décide de la censurer, en affirmant que la liberté d'association est un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR). Cette décision fondatrice du 16 juillet 1971 affirme la réalité de l'État de droit.
Par conséquent, la liberté d'association est protégée par la Constitution. Le bloc de constitutionnalité s'élargit (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, Préambule de 1946). Ces lois et principes constituent le socle du droit et des libertés, et ne peuvent être remis en cause. Elles sont supérieures à tous les autres textes législatifs : c'est la hiérarchie des normes. Enfin, le Conseil constitutionnel devient un véritable protecteur des droits fondamentaux.
Par conséquent, la liberté d'association est protégée par la Constitution. Le bloc de constitutionnalité s'élargit (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, Préambule de 1946). Ces lois et principes constituent le socle du droit et des libertés, et ne peuvent être remis en cause. Elles sont supérieures à tous les autres textes législatifs : c'est la hiérarchie des normes. Enfin, le Conseil constitutionnel devient un véritable protecteur des droits fondamentaux.
III. La laïcité : un exemple concret d'articulation avec l'État de droit
1. Le principe fondateur de la laïcité
La laïcité est un principe juridique et républicain qui découle directement de l'État de droit. Elle est inscrite dans la loi du 9 décembre 1905, qui sépare les Églises de l'État. Ce principe garantit que l'État ne privilégie ni ne pénalise aucune croyance religieuse, assurant ainsi l'égalité de tous devant la loi, indépendamment des convictions personnelles. La Constitution de la Ve République rappelle ce principe fondateur en affirmant que la France est « une République indivisible, laïque, démocratique, sociale ».
La laïcité repose sur trois piliers essentiels :
La laïcité repose sur trois piliers essentiels :
• la neutralité de l'État : les institutions publiques ne doivent favoriser aucune religion ;
• la liberté de conscience : chacun est libre de croire, de ne pas croire, ou de changer de religion ;
• le pluralisme religieux : toutes les croyances ont leur place dans l'espace démocratique.
Dans un État de droit, ces garanties sont essentielles, car elles assurent que la loi protège les libertés individuelles tout en encadrant leur expression dans le respect de l'ordre public.
2. La laïcité et son application dans la société
L'État et les services publics sont soumis à la neutralité.L'école publique est un lieu où s'exerce pleinement la laïcité. Les enseignants doivent faire preuve de neutralité religieuse. Cela assure un traitement égal de tous les citoyens par les services publics. Les élèves, eux, peuvent exprimer leurs convictions religieuses, dans le respect du cadre scolaire (pas de prosélytisme, respect d'autrui, respect du règlement).
Le port de signes religieux ostentatoires (voile, croix, kippa, etc.) est interdit pour les élèves dans les établissements publics, depuis la loi de 2004. Cette mesure vise à garantir la neutralité de l'espace scolaire et à éviter les conflits religieux.
Dans le reste de la société (entreprises, associations, etc.), la laïcité concilie libertés, vivre-ensemble et ordre public. Le secteur privé est soumis à des règles plus souples. Les salariés peuvent exprimer leur foi, dans des contextes précis, sauf si cela nuit au bon fonctionnement ou à la sécurité de l'entreprise. Cette distinction montre que l'État de droit s'adapte à différents contextes tout en garantissant les droits fondamentaux.
3. La laïcité, la liberté d'opinion et d'expression : débats et enjeux
L'application de la laïcité soulève régulièrement des débats dans la société :
• Faut-il autoriser certains signes religieux dans certaines circonstances ?
• La laïcité est-elle un outil de neutralité ou de discrimination ?
• Où se situe la limite entre liberté individuelle et respect des règles communes ?
Dans un État de droit, ces questions sont tranchées par la loi et les juridictions (Conseil d'État, Conseil constitutionnel, CEDH). Ces institutions s'assurent que les valeurs de tolérance et d'égalité sont respectées, tout en maintenant l'ordre public.
La laïcité ne combat pas la religion ou les convictions philosophiques. Elle garantit que chacun est libre de croire ou non, dans le respect des autres et des lois. Elle est un outil de cohésion sociale dans une société plurielle.
La laïcité permet ainsi de conjuguer liberté individuelle et vivre-ensemble, ce qui est au cœur même de l'État de droit.
La laïcité ne combat pas la religion ou les convictions philosophiques. Elle garantit que chacun est libre de croire ou non, dans le respect des autres et des lois. Elle est un outil de cohésion sociale dans une société plurielle.
La laïcité permet ainsi de conjuguer liberté individuelle et vivre-ensemble, ce qui est au cœur même de l'État de droit.
À retenir :
1. La primauté du droit
Dans un État de droit, la loi s'applique à tous, gouvernants compris. Aucun pouvoir ne peut s'exercer en dehors des règles établies.
Dans un État de droit, la loi s'applique à tous, gouvernants compris. Aucun pouvoir ne peut s'exercer en dehors des règles établies.
2. La protection des libertés fondamentales
L'État de droit garantit les droits de chaque citoyen (d'expression, de conscience, d'association, etc.), grâce à des institutions indépendantes comme la justice ou le Conseil constitutionnel.
L'État de droit garantit les droits de chaque citoyen (d'expression, de conscience, d'association, etc.), grâce à des institutions indépendantes comme la justice ou le Conseil constitutionnel.
3. Des institutions de contrôle efficaces
Des organes comme la CEDH, le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel veillent à ce que les lois et les décisions respectent la Constitution et les droits fondamentaux.
Des organes comme la CEDH, le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel veillent à ce que les lois et les décisions respectent la Constitution et les droits fondamentaux.
Définitions importantes :
• Conseil constitutionnel : institution qui veille au respect de la Constitution, notamment par le contrôle des lois.
• État de droit : système dans lequel le pouvoir est encadré par la loi, et dans lequel les libertés et droits fondamentaux sont protégés par des institutions indépendantes.
• Hiérarchie des normes : principe selon lequel les règles de droit sont organisées selon un ordre de valeur. La Constitution est au sommet, puis viennent les lois, les règlements, etc. Une règle de droit doit toujours respecter celles qui sont au-dessus d'elle. Un règlement ne peut aller en l'encontre d'une loi, par exemple.
• Laïcité : principe de neutralité de l'État vis-à-vis des religions, garantissant la liberté de conscience et le pluralisme.
• Ordre public : ensemble des règles, actions, décisions, nécessaires à la sécurité, à la tranquillité et à la bonne organisation de la société. L'État peut limiter certaines libertés pour protéger l'ordre public.
• Prosélytisme : attitude visant à convaincre quelqu'un d'adopter une religion ou une opinion, souvent de manière insistante.
• Séparation des pouvoirs : Montesquieu dissocie trois pouvoirs, qui se contrôlent et se limitent mutuellement ; le législatif (capacité à faire les lois, les modifier ou les abroger), l'exécutif (capacité à mettre en œuvre et faire appliquer ces lois), et le judiciaire (capacité à trancher les conflits sur le fondement de ces lois).
Exercice n°1
Parmi les éléments suivants, lequel ne constitue pas un pilier de l'État de droit ?
Cochez la bonne réponse.
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Exercice n°2
Quelle est la conséquence principale de la décision du 16 juillet 1971 ?
Cochez la bonne réponse.
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Exercice n°3
Pourquoi la CEDH a-t-elle condamné la France en 2022 ?
Cochez la bonne réponse.
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Exercice n°4
Que signifie la hiérarchie des normes ?
Cochez la bonne réponse.
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Exercice n°5
Que garantit la laïcité ?
Cochez la bonne réponse.
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