La Chine : développement et inégalités


Fiche

Le développement de la Chine a profondément transformé le rapport entre société et territoire. L'affirmation de la Chine de l'Est a coïncidé avec l'émergence d'une classe moyenne et a marqué l'ouverture du pays vers l'espace mondial où il occupe une place de plus en plus importante. Cependant, cette transformation est aussi marquée par des inégalités croissantes entre les personnes et les territoires. L'inscription dans la DIPP, l'existence de situations stratégiques contrastent avec des espaces restés davantage en marge, alors que certaines périphéries profitent de leur situation à proximité des espaces centraux. La complexité de ces recompositions spatiales permet de comprendre la façon dont les espaces de la Chine s'inscrivent désormais, à toutes les échelles, dans des logiques liées à la mondialisation.
I. Un développement au nom de la réduction des inégalités ?
1. Une croissance spectaculaire
• Dotée d'un système politique communiste, ne garantissant pas les libertés individuelles, la Chine s'est engagée depuis les années 1970 dans le socialisme de marché. En échange d'un enrichissement et d'une amélioration de la qualité de vie, la population s'engage implicitement à ne pas remettre en cause le parti unique. Politique et économie sont donc liées en Chine, ce qui garantit la survie du régime alors même que, en 1989, de nombreux régimes communistes sont tombés face aux contestations. En Chine, les manifestations de la place Tiananmen en 1989 ont été violemment réprimées et n'ont pas débouché sur un changement politique.
• À la différence des autres pays communistes, dès les années 1980, la Chine a connu une forte croissance économique. Le PIB du pays, grâce à la politique d'ouverture économique, a connu une très forte croissance. Il était, en 2017, de 8 800 dollars par an et par habitant, contre 1 800 dollars par an et par habitant en l'an 2000. Cette forte croissance s'est accompagnée d'une hausse de l'IDH, qui est de 0,73, ce qui montre qu'une partie des fruits de la croissance est réinvestie dans les services à la population. La mortalité infantile a baissé, l'espérance de vie moyenne a augmenté (77 ans pour les femmes et 74 ans pour les hommes), et la scolarisation s'est généralisée. Ces chiffres ne sont pas encore ceux d'un pays industriel développé, mais leur croissance s'accélère et le rang de la Chine progresse chaque année. Les investissements dans les équipements de santé et de formation sont déterminants pour le maintien de la croissance dans les décennies à venir.
2. Croissance et défi démographique
• Cette hausse du PIB par habitant s'est accompagnée d'une politique de contrôle de la croissance de la population. La Chine a fait le choix, en 1979, de la politique de l'enfant unique, infligeant des pénalités aux familles qui enfreignaient la règle. La population a ainsi atteint 1,386 milliard d'habitants. Sa croissance est aujourd'hui stabilisée. Depuis 2015, devant le risque du vieillissement de la population, cette politique a été abandonnée, et deux enfants sont désormais autorisés.
• Toutefois, dans les milieux urbains, on ne note pas de réelle reprise démographique, les comportements démographiques étant désormais ceux des classes moyennes et supérieures des pays industriels développés tendant au malthusianisme et le taux de fécondité du pays est de 1,62 enfant par femme. Les faibles surfaces des appartements, le coût de la vie et le choix de privilégier une éducation souvent coûteuse guident ce choix. La politique de l'enfant unique a également causé un déséquilibre entre le nombre de garçons et de filles, les familles ayant pratiqué l'interruption volontaire de grossesse sélective, afin de favoriser la naissance d'un garçon, seul à assumer ses parents âgés. Au début des années 2000, on a compté jusqu'à 117 naissances de garçons pour 100 naissances de filles en Chine. L'abolition de la politique de l'enfant unique est encore trop récente pour juger d'un rééquilibre.
3. La question de la redistribution des effets de la croissance
• La croissance de la Chine a permis de diminuer la pauvreté dans le pays. On serait passé à moins de 50 millions de pauvres aujourd'hui contre 100 millions en 2010, même si les critères statistiques doivent être pris en compte. La classe moyenne supérieure, ayant plus de 10 000 dollars de revenus par an, compte 132 millions de personnes. Si on y ajoute les personnes appartenant aux autres catégories de la classe moyenne, on arrive à près de 350 millions de personnes. On compte également une augmentation du nombre de millionnaires, profitant de la croissance de l'économie et du succès de l'entrepreneuriat et de la financiarisation de l'économie, ainsi que de l'immobilier.
• En effet, cet enrichissement conduit à une croissance de la consommation encore plus forte que la hausse du PIB. Des secteurs entiers participent de cette spirale vertueuse : l'immobilier, corollaire de l'affirmation des classes moyennes et de l'urbanisation, l'automobile, les biens de consommation, notamment de haute technologie. La part de l'alimentation tend à reculer dans les budgets des ménages.
• Toutefois, ce bilan s'accompagne de nouvelles inégalités.
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II. Le maintien des inégalités sociospatiales
1. Des lieux centraux qui s'affirment
• Le premier type d'inégalités concerne le rapport entre centre et périphéries. Cela s'applique dans plusieurs domaines. Tout d'abord, les inégalités interrégionales. La province la plus riche, celle du Guangdong, a un PIB global de 1 400 milliards de dollars, équivalent à celui de l'Australie. La province du Ningxia est dix fois moins riche, avec 133 milliards de dollars de PIB.
• Le développement de la Chine de l'Est s'est diffusé mais de manière irrégulière, marquant tout d'abord les zones à proximité, puis des zones plus éloignées, mais en suivant généralement les grandes voies de communication installées dans les grandes vallées. Dans les provinces du Tibet et du Xinjiang, le développement accéléré profite surtout aux Hans (peuple majoritaire à l'est de la Chine) installés par le gouvernement, plutôt qu'aux populations locales tibétaines ou ouïgoures, devenues souvent minoritaires suite à ces migrations intérieures.
2. Des périphéries en croissance ou en marge
Les inégalités villes campagne demeurent importantes. Même si les revenus des ruraux ont fortement augmenté dans les trente dernières années, ils l'ont fait de manière moins rapide que celui des urbains. Les revenus des urbains restent trois fois plus élevés que ceux des ruraux. L'enclavement de certaines zones rurales reste important et les techniques de production agricole, notamment dans les espaces dédiés à la riziculture, demeurent intensives et nécessitent une main-d'œuvre nombreuse.
• La transition entre les espaces ruraux et les espaces urbains, lors de l'exode rural, est également révélatrice des inégalités. Les anciens ruraux s'installant en ville connaissent souvent une situation précaire : appelés mingongs, ils ont un statut spécifique ne permettant pas une installation définitive en ville (le gouvernement souhaite éviter un accroissement urbain trop important et une paupérisation des villes) ni un accès aux logements sociaux et aux services. Ils constituent une main-d'œuvre bon marché permettant de financer les grands chantiers qui se multiplient dans les villes.
Les « nouvelles routes de la soie » ont également un rôle pour ces provinces de l'intérieur, où elles pourraient créer des pôles de développement, à condition de limiter l'effet tunnel qui ne constituerait que quelques points de richesse et qui creuserait les inégalités intrarégionales.
3. Des inégalités sociales qui s'accroissent
Les inégalités sociales sont importantes, avec un coefficient de Gini de 0,46 (cet indicateur permet de mesurer les inégalités sociales et varie entre 0 et 1). Les personnes n'accédant pas au niveau de revenu de la classe moyenne connaissent souvent des situations difficiles. Ils vivent dans des situations de relégation au sein des campagnes ou d'espaces urbains. Leurs revenus augmentent moins vite que ceux des classes moyennes, même si on note une progression et que l'exode rural ou la promotion par l'école permettent de changer des situations, parfois sur plusieurs générations. Des inégalités sont également liées au système politique chinois. L'appartenance au parti communiste ou à un réseau politiquement influent peut être déterminante pour la situation sociale des personnes, malgré des chutes spectaculaires parfois.
Les classes moyennes peuvent également montrer des insatisfactions. La corruption est souvent dénoncée et les revendications pour les libertés individuelles s'accroissent. Le régime tend donc à mettre en place des systèmes de surveillance et limite l'accès à Internet à des sites nationaux, créant ainsi des réseaux sociaux spécifiques comme WeChat, ce qui n'empêche pas le contournement de ces restrictions et interdictions.
• Enfin, la croissance chinoise repose également sur son système carcéral : les camps de travail, appelés laogai ou laojiao, où sont enfermés les opposants au régime, dont on a annoncé la fermeture en 2013 mais qui semblent toujours abriter 5 à 8 millions de détenus. Ces prisonniers produisent 240 millions de dollars de revenus par an, fruit du travail forcé. Le pays réalise en revanche un réel effort pour mettre fin au travail des enfants, qui existe encore dans certaines usines et dans des zones rurales.
Exercice n°4Exercice n°5
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